Une spécialité de chez nous qui vous est épargnée... ce message est moins pour me plaindre que pour faire prendre conscience à Sisyphe qu'il a un peu de chance dans son malheur.
Il faut que l'on tienne à jour les plans de cours de l'année pour toutes nos classes. Il y a des classeurs avec des tableaux qui indiquent en gros les thèmes et surtout les compétences cognitivo-blablesques qui vont avec chaque niveau dans chaque classe. Et c'est là que les problèmes commencent.
Le nombre:
5 années (de la 6e à la 2nde pour faire simple) avec quatre niveaux d'enseignement de langue des débutants aux natifs, dont un niveau très très large d'intermédiaires fourre-tout. Ca fait déjà 5x4=20 plans annuels pour le français (nous avons des bilingues et des francophones dans l'école). Or, chacun de ces plans annuels comporte entre 5 et 7 unités d'enseignement thématique, disons 6 pour la moyenne. DOnc 20x6=120 unités d'enseignement qui doivent toutes comporter la documentation de toutes les étapes d'enseignement (intro, textes, matériels audio visuel, progression, descriptions des buts pédagogiques et des moyens mis en oeuvres, différenciation etc...). Ca fait quand même quatre pages de plan par unité d'enseignement, donc 120x4=480 pages de documentation. Or, le niveau intermédiaire est tellement vaste qu'il est dédoublé, donc deux fois plus de plans d'enseignement: 480+(5x6x4)=600 pages.
Le contenu:
Comme la tâche de créer tout ça et de mettre à jour est colllllllllossale, vous vous doutez bien que des tas de profs différents s'y sont mis. Résultat: aucune unité pédagogique, des plans en partie incompréhensibles pour les autres profs, du matériel surannée voire dépassé voire qui n'est même plus dans nos placards, des unités d'enseignement qui correspondent surtout au goût d'un prof en particulier et pas forcément reprenable par d'autres profs. De plus, il peut y avoir désaccord sur le contenu même de ces unités d'enseignement. Donc ces documents n'ont absolument aucune utilité, personne ne les regarde vraiment et ils sont de moins en moins à jour au fil des ans.
La mise à jour:
Ainsi, vous avez compris que la mise à jour signifie en fait de tout refaire chaque année quand le prof change et se retrouve à ne pas vouloir ou ne pas pouvoir reprendre ce que le collègue a fait il y a trois, quatre voire huit ans. La nature de l'enseignement des langues étrangères étant ce qu'elle est, les groupes qui sont administrativement identiques d'une année sur l'autre ne le seront pas en vrai. Les plans d'enseignement ne correspondent alors pas au besoin réels dans les classes. Il faut donc tout refaire et se démerder. Or, l'administration insiste pour avoir ses mises à jour. Donc on fait des mises à jour bidons, et le contenu de ces plans s'éloigne d'année en année des cours réellement donnés.
Perte de temps:
C'est pourquoi on passe des heures à faire des plans bidons, à bourrer les classeurs de textes et documents que l'on a effectivement utilisés mais sans refaire tout le plan qui va avec, sachant pertinemment que cela ne sert à rien. On gagne le temps qu'on peut, on fait bien briller et l'école montre fièrement la documentation aux inspecteurs qui sont ravis que l'école soit aussi performante sur la mise en place des programmes et la justification pédagogique de son activité. Tant que la chance est du côté des profs, ça va: personne ne lit ces documents, il faut juste qu'ils existent.
Alors franchement, les autres tâches idiotes, à côté de cette ineptie institutionnelles, je les fais sans vraiment y penser outre mesure.