Les questions folles qu'on n'ose pas poser

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Sisyphe
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Sisyphe »

svernoux wrote:Bon c'est pas forcément une question folle, mais je ne sais pas où la poser... À quoi ça sert, la prescription, en droit ? Je parle des crimes graves, je ne comprends pas à quoi ça sert de les prescrire, sinon à faire le jeu des criminels ?
Elie et Andergassen ont bien répondu. Les preuves se perdent ou se déteriorent, les témoins oublient... Et puis c'est aussi une pression sur la machine judiciaire, qui peut déjà être bien lente parfois.

Mais n'oublie pas non plus que la prescription ne court pas à partir du crime mais à partir de l'extinction de toute procédure judiciaire : dans le cas des disparus de l'Yonne par exemple, la défense avait réussi à trouver un minuscule bout de procédure sept ou huit ans après l'arrêt de l'enquête (un juge avait téléphoné je crois à une des institutions où résidait l'une des victimes pour leur demander une minuscule précision administrative, juste avant de ranger le dossier définitivement), qui était de nature à annuler l'extinction, et relancer la prescription à zéro. Sans quoi Emile Louis s'en serait sorti.

Bien sûr, on est toujours choqué quand on apprend que tel crime grave a été prescrit sans pouvoir condamner un suspect évident. Mais c'est très rare. Je me souviens d'un commissaire interviewé en période de chiffromanie sarkozyste, qui expliquait que 70% des meurtres - morts de la route non comptés - étaient en fait totalement évidents : la dispute entre voisins qui a dégénéré, le coup de pelle est parti est le meurtrier attend bien sagement, prostré chez lui. Si on enlevait encore 25% de règlements de compte dans le cadre du banditisme, petit ou grand, il n'y avait en fait que 5% d'enquêtes "réelles", façon Hercule Poirot ou Les Experts (la technologie en moins), avec un meurtrier pas toujours agathachristien, subtile et retors. Mais c'est de ces enquêtes que parlent les médias, le reste passe aux "faits divers".
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leo
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by leo »

n'empêche, quand on est concerné, on a une toute autre analyse... moi je vous le dit, dans l'affaire de Chloé par exemple, si c'était ma fille il n'y aurait pas préscription :evil:
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ElieDeLeuze
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by ElieDeLeuze »

leo wrote:n'empêche, quand on est concerné, on a une toute autre analyse... :
ben justement, l'idée c'est justement de ne pas laisser les gens concernés s'en occuper eux-mêmes. Les cultures basées sur les clans et la vengeance clanique sont très convaincants pour faire préférer le droit romain. Je ne donnerai pas d'exemples pour ne pas être accuser de xénophobie.
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svernoux
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by svernoux »

Merci pour vos réponses ! Je n'avais pas pensé aux preuves et surtout aux témoignages. C'est un bon argument.
Sis, même si je pensais aux meurtres aussi, je crois que ce sont les viols qui m'ont inspiré la question il y a déjà quelques temps. Dans les viols et surtout incestueux, la victime sait généralement très bien contre qui porter plainte, mais ne le fait pas pour X raisons... Enfin ça, c'est un autre débat, mais je ne comprenais pas pourquoi ça serait encore grave 9 ans après et plus grave 11 ans après.
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Sisyphe
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Sisyphe »

svernoux wrote:Merci pour vos réponses ! Je n'avais pas pensé aux preuves et surtout aux témoignages. C'est un bon argument.
Sis, même si je pensais aux meurtres aussi, je crois que ce sont les viols qui m'ont inspiré la question il y a déjà quelques temps. Dans les viols et surtout incestueux, la victime sait généralement très bien contre qui porter plainte, mais ne le fait pas pour X raisons... Enfin ça, c'est un autre débat, mais je ne comprenais pas pourquoi ça serait encore grave 9 ans après et plus grave 11 ans après.
:c-com-ca: Tout acte juridique est, in fine, soumis à l'arbitraire du temps humain : un homme n'est pas un immonde salaud 9 ans et 364 jours après sa condamnation, et un être pur et rédimé le matin de sa libération - ni dans un sens ni dans l'autre.

Mais là encore, pour les cas d'incestes, par exemple, il faut savoir que la prescription court à partir de la majorité de la victime. Le législateur considère qu'à partir de ce moment-là, elle a un peu plus les moyens d'agir.

Il y a d'autre forme d'extinctions en justice, comme l'usucapion (propriété non réclamée pendant trente ans vaut titre : si j'occupe une maison pendant trente ans et qu'aucun propriétaire ne la réclame, après tout, j'ai plus mérité - en l'entretenant - que l'oncle du petit-fils du neveu par alliance qui ne savait même pas qu'il avait un bien).

On apprend, en philosophie du droit, que la justice se doit à trois membres : le coupable, qui demeure jusqu'au bout un être humain dans toute sa complexité (aucune peine n'est automatique), la victime qui a un droit légitime à la réparation, et la société, dont la tranquilité doit être rétablie. La prescription (comme la grâce ou l'amnistie) procède du dernier principe.
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by miju »

Bravo à nos littéraires qui montrent ici que le droit ne leur est pas étranger et que c'est une matière ou il ne suffit pas d'apprendre mais ou il faut aussi réfléchir. Merci à vous.
Avec tout le bonheur que se petafine dans le monde que d'heureux on pourrait faire. :roll:
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svernoux
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by svernoux »

Oui, miju ! J'aime beaucoup le droit. C'est évident que ce n'est pas qu'une série de lois par cœur à appliquer telles quelles, sinon on n'aurait pas besoin de juges et d'avocats pour plaider, une machine pourrait rendre la justice.

On dirait que tu as fait du droit, Sis ;)
L'usucapion, je ne connaissais pas, mais je comprends très bien le principe.
Le viol, je trouve que la reconnaissance au civil (du point de vue de la victime) ne devrait jamais expirer. Mais si je comprends bien, le civil expire forcément dès lors que le pénal expire. Mais si on y réfléchit, il y aurait de bonnes raisons pour que le pénal n'expire pas. Il y a des cas de viols isolés ou ponctuels, mais il me semble que dans pas mal de cas, si le violeur n'est ni sanctionné ni soigné, il continue à agir (je pense au type qui vient d'être condamné...), donc le trouble à l'ordre public peut perdurer bien au-delà de dix ans après le premier viol...
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Andergassen
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Andergassen »

Ce qui me porte à adopter des positions que l'on pourrait qualifier d'extrémistes, c'est l'application du droit qui va à l'encontre de mon sens de la justice. En l'occurrence, l'Etat de droit accorde plus de chances et de droits à l'auteur qu'à la victime. Droit à la défense (la victime, elle, n'a aucun droit à la défense, sinon elle franchit allégrement les limites imparties à la légitime défense), droit aux circonstances atténuantes (enfance malheureuse, hasard malheureux qui a fait se rencontrer auteur et victime), droit à une soi-disant deuxième chance... Bref, si la victime est victime, c'est qu'elle n'avait pas à se trouver là ou qu'elle l'a bien cherché. Réparation ? Laissez-moi rire... Qu'y a-t-il à réparer ? Des dommages irréversibles, tant physiques que moraux, ou voire une vie anéantie ? Non, décidément, je ne peux pas appeler ça une justice... :roll:
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by kokoyaya »

La prescription expliquée par Sisyphe fait mieux comprendre pourquoi on trouve toujours une petite piste à découvrir dans l'affaire du petit Grégory, ils tâchent de garder toutes les chances ouvertes.
ElieDeLeuze
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by ElieDeLeuze »

Andergassen wrote:Non, décidément, je ne peux pas appeler ça une justice... :roll:
Et bien il te reste l'Albanie, Kosovo compris. Bon voyage.
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Latinus »

Pour ma part, je préfère le système que nous connaissons. Le principe du présumé innocent est pour moi un garde-fou indispensable.
Les courses hippiques, lorsqu'elles s'y frottent.
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Andergassen
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Andergassen »

ElieDeLeuze wrote:
Andergassen wrote:Non, décidément, je ne peux pas appeler ça une justice... :roll:
Et bien il te reste l'Albanie, Kosovo compris. Bon voyage.
Je n'ai malheureusement pas besoin de voyager, Elie... Ils viennent d'eux-mêmes... Et je suis trop c... pour parler albanais, ça rentre pas... Comme les échecs... :roll:
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
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Chocolat
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Chocolat »

La présomption d'innocence c'est très bien mais la prescription c'est vraiment une grosse con***rie. Un coupable sera toujours coupable et une victime toujours victime. Il est inconcevable pour moi de dire "ah ben non 25 ans et 1 jour! c'est bon vous ne risquez plus rien pour le viol de votre fille, elle avait qu'à se bouger les miches c'te grosse gourde!"

On peut trouver toute les raisons du monde, il n’empêche que où est la justice là, où est la démocratie?
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by Latinus »

Chocolat wrote:La présomption d'innocence c'est très bien mais la prescription c'est vraiment une grosse con***rie. Un coupable sera toujours coupable et une victime toujours victime. Il est inconcevable pour moi de dire "ah ben non 25 ans et 1 jour! c'est bon vous ne risquez plus rien pour le viol de votre fille, elle avait qu'à se bouger les miches c'te grosse gourde!"

On peut trouver toute les raisons du monde, il n’empêche que où est la justice là, où est la démocratie?
La justice se veut équitable. Un coupable ne peut être qualifié comme tel qu'une fois le jugement rendu, l'accusé ayant des droits conçus pour éviter qu'il devienne coupable à tort (ce qui arrive malgré tout)... On peut noter qu'une victime peut déjà être reconnue comme telle (et heureusement) avant tout jugement. Ce n'est pas forcément un détail, c'est nécessaire à la personne pour essayer de faire face aux traumatismes et pour se reconstruire.

Je peux te rejoindre sur le fait qu'un suspect sera toujours suspect tant qu'il n'y a rien qui le met hors de cause. D'un autre côté on ne peut pas ignorer que certains souvenirs (comme expliqués plus haut) deviennent bien "légers" s'ils font surface des années plus tard... Je trouve que la remarque de Koko est du coup très pertinente : la prescription ne tombe pas implacablement le jour J ; on peut se débrouiller (tant que l'enquête le permet) pour repousser.
Les courses hippiques, lorsqu'elles s'y frottent.
ElieDeLeuze
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Re: Les questions folles qu'on n'ose pas poser

Post by ElieDeLeuze »

Chocolat wrote: On peut trouver toute les raisons du monde, il n’empêche que où est la justice là, où est la démocratie?
A quel moment exactement tu vas te demander où est la preuve...? Le jour où tu seras victime d'une erreur judiciaire, accusé sans preuve ? Je te souhaite de profiter des bienfaits du système judiciaire que tu rejettes bien avant cela. Pour t'éviter des désagréments et surtout t'ouvrir les yeux.

Ce n'est pas en regardant les victimes fixement dans les yeux qu'on va trouver les coupables. L'empathie a ses limites.
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