Bach option sport...

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Sisyphe
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Bach option sport...

Post by Sisyphe »

Oui, je sais, le jeu de mot est nul... Mais le lien vaut le détour :

La toccata et fugue BWV 565 comme vous ne l'avez jamais entendue... ni vue.

À deux canards près... Mais ils ont su garder le doigté propre à ce morceau (devrais-je dire : l'orteillé ?).
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ElieDeLeuze
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Re: Bach option sport...

Post by ElieDeLeuze »

Musicalement, cela n'a aucun intérêt. C'est en plus une version simplifiée et écourtée. C'est amusant, au mieux.
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Anuanua
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

ElieDeLeuze wrote:Musicalement, cela n'a aucun intérêt. C'est en plus une version simplifiée et écourtée. C'est amusant, au mieux.
D'accord avec toi. N'empêche qu'au point de vue spectacle, faut le faire!!!
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Sisyphe
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Re: Bach option sport...

Post by Sisyphe »

ElieDeLeuze wrote:Musicalement, cela n'a aucun intérêt. C'est en plus une version simplifiée et écourtée. C'est amusant, au mieux.
:) Ah, c'est sûr, il manque le jeu de... pédalier !

Je te trouve bien puriste.

Z'ont zappé la toccata à partir de la monté en triolet de croches, pour sauter à la fugue, et ils arrêtent sur une demi-cadence. Mais des versions de la toccata sur instruments zarbis (genre bouteilles coupées ou sonnerie de portable), y'en a des centaines sur le net. Celle-là a un peu plus d'ambition : le glissando de l'accord de sensible (do#-mi-sol-do#-mi-so-do#) est respecté, ils font trois des quatre voix et le contrepoint de la fugue est plutôt correctement mené... pour des pieds ! Ils ne canardent que lorsque le public se met à battre la mesure, grave erreur sur du Bach.

Bach était un type ennuyeux et vulgaire. Une caricature de gros teuton, qui s'enfilait des litres de bière (dont la quantité à livrer était contenue dans ses contrats de travail !), insultait ses élèves, léchait les bottes des puissants, baisait ses deux femmes pour leur faire vingt enfants qu'il battait ensuite. Sa musique est tout le contraire, et on a toujours tort d'y enlever la part de... voltige pure. Passe encore pour la musique religieuse, mais les pièces profanes ne doivent surtout pas être trop sages dans leur interprétation. À celle-ci, de Karl Richter, qui est élégante, tenue, calme, intellectuelle, métronomique (nan mais regardez l'air idiot de premier communiant du co-organiste derrière...), je préfère largement celle-là (Hans-Andre Stamm)

Allez, pour s'amuser encore (et cette fois en entier) : http://www.youtube.com/watch?v=Xn3ge3lzH_I
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leo
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Re: Bach option sport...

Post by leo »

une petite réaction de celuiquin'ycomprendspasgrandchoseauniveauclavier, c'est vous qui avez commencé ce genre d'écriture :D , je trouve que quelque soit la position des pieds sur le clavier (à fond à gauche, puis à droite), le son ne change pas tant que ça, ce devrait être bien plus flagrant non ?... j'ai faux ?
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Anuanua
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Bach, sans option sport

Post by Anuanua »

Un "détail"(?) qui m'a frappé dès les premières notes de la toccate est la différence d'accord (ou tonalité) entre les deux orgues. Si on n'écoute que les premières notes de l'interprétation de Richter puis qu'on saute tout de suite à celle de Stamm on entend clairement presqu'un ton de différence, comme si une des deux interprétations était transposée en mi. J'ai remarqué une telle différence entre deux enregistrements que j'ai chez moi, un sur orgue Schnitger baroque d'époque (celui de Hambourg) et un sur un orgue romantique nettement plus moderne, l'antique étant nettement plus aigu, le la3 étant calé sur 481 Hz, soit à un peu plus de 3/4 de ton du la3 moderne à 440Hz.

Ceci devient d'ailleurs évident dans cette vidéo où E. Power Biggs nous interprète la toccate sur trois orgues différents.

Que Sisyphe m'en pardonne, mais perso, je préfère l'interprétation de Richter. Raison : les notes sont beaucoup mieux détachées, alors qu'elles sont trop liées dans celle de Stamm, faisant parfois une masse sonore confuse. Richter attaque très franchement (presque brutalement) les touches sur cet orgue à traction mécanique, mais seulement après avoir quitté la note précédente, faisant que les notes sont entendues une à une. Au début de la fugue (à 2:32), Stamm fait semblablement dans un staccato très pointé, mais dès que la "troisième voix" commence, je retrouve cette impression de "masse sonore" lourde. Et je n'ai pas l'impression que c'est dû à une inertie de l'instrument. Oui, on voit que deux claviers sont mécaniquement liés, ce qui ralentit certainement la touche, mais on voit clairement aussi que Stamm LAISSE SES DOIGTS SUR LES NOTES. Il ne désire donc pas faire un staccato. Bien sûr, le fait que, dans cette oeuvre, je préfère une interprétation plus posée (lente, méditative) et déliée est une préférence purement personnelle et je ne prétend nullement qu'il DOIT en être ainsi à cause de tel dictat ou telle tradition. Cependant, pour avoir déjà joué de l'orgue dans des églises, il est un dictat qui m'obligeait parfois à découper mes notes : l'acoustique parfois lourde (un écho long) de la nef. Ceci étant plus vrai en été qu'un hiver d'ailleurs, pour deux facteurs : 1° il y a plus de monde dans l'église l'hiver (l'été ils sont au chalet) et 2° les manteaux, tuques, mitaines, bougrines et autres vêtements épais portés l'hiver, ces deux facteurs amortissant considérablement l'écho dans l'église. Il y a une ÉNORME différence acoustique entre une église en pierres contenant un vingtaine de personnes légèrement vêtues en juillet et la même église remplie, et même avec des personnes debout le long des murs, vêtues de fourrures et manteaux épais le 24 décembre au soir! Dieu merci d'ailleurs car l'hiver, certains cantiques de Noël (genre Adeste Fideles) sont plutôt lourds...

Je disais plus haut "Que Sisyphe m'en pardonne" de préférer l'interprétation de Richter ; mais ici je demande que tout le monde me pardonne de préférer l'AUTRE toccate et fugue en ré mineur, BWV 538. La BWV 565 (la plus connue) est écrite en mode mineur eolien, souvent appelé (parfois à tort) "mineur antique" ; la BWV 538 est en mineur dorien. De toutes les toccates et fugues de Bach, c'est ma préférée. Surtout la fugue. Parce qu'elle est méditative. Le mineur dorien, auquel nos oreilles sont moins habituées que le mineur eolien, nous "perd", nous "désoriente"... Pas au début où elle commence comme toutes les fugues avec une mélodie simple et des voix nettement séparées mais, à mesure que les voix s'accumulent se répètent et s'entremêlent, elle me fait graduellement un effet prequ'hypnotique, très propice à une méditation toute douce, paisible. Un état qui ressemble à quand on écoute tomber la pluie un après-midi d'été... On oublie le côté grandiose de l'orgue pour se perdre presque dans une rêverie que la musique, loin de déranger, entretient par sa monotonie répétitive sans être ennuyante, toujours belle et grandiose, mais jamais accaparante ni écrasante ni éblouissante comme c'est le cas pour la BWV 565 éolienne. J'adorais la pratiquer quand il n'y avait personne dans l'église, l'après-midi, quand j'avais rien d'autre à faire (ou quand j'avais autres choses à faire mais bon, elles attendront).

Vous pouvez entendre la toccate ici, puis la fugue , interprétées par Daniël Chorzempa, sur l'orgue baroque de l'église Bovenkerk, en Hollande. Si vous n'êtes pas habitué à entendre de la musique en mode dorien la fugue vous semblera longue, ne menant nulle part et vous aurez peut-être envie d'aller jouer ailleurs... Puis-je vous suggérer de la laisser continuer et, au lieu de vous attendre à quelqu'éclat comme ceux auxquels Bach nous a habitués (ou dont la musique actuelle nous sature), laissez vous porter par cette musique. N'attendez rien, ne vous attendez à rien, n'analysez pas, n'écoutez même plus ; entendez simplement, parce que les haut-parleurs jouent... Laissez-vous porter, quoi, comme dans un canot où, paresseux, étendu, vous ne ramez pas, confiant que le courant ne vous mènera nulle part de dangereux. Ne vous attendez pas à quelque chose, à un prochain accord plus "familier", laissez-vous porter... Peut-être, graduellement entrerez-vous dans cet espace méditatif dans lequel cette fugue m'invite...?

Sinon, peut-être cette interprétation est-elle peut-être trop "brillante" pour vous? Alors essayez l'interprétation très calme et sereine d'André Isoir sur un orgue Ahrend (moins brillant qu'un orgue baroque). Isoir y choisit des registres plus modestes, révélant mieux la beauté toute simple de cette fugue, conservant les registres "brillants" pour la finale aux "trompettes" 4' et 2' et "grandes orgues". La toccate est ici et la fugue est . Dans cette interprétation j'aime particulièrement l'entrée de la flûte nasale 4' à 3:28 dans la fugue. Isoir s'en sert très à propos, venant ajouter une touche un peu brillante dans ce qui commençait à devenir terne et qui, de ce fait, devient léger, angélique presque.

Pardonnez-moi : je sais que vous inviter à cette sérénité méditative ne fait pas très "Bach option sport" ; disons que ça fait "Bach"...
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

leo wrote:une petite réaction de celuiquin'ycomprendspasgrandchoseauniveauclavier, c'est vous qui avez commencé ce genre d'écriture :D , je trouve que quelque soit la position des pieds sur le clavier (à fond à gauche, puis à droite), le son ne change pas tant que ça, ce devrait être bien plus flagrant non ?... j'ai faux ?
Le pédalier (le "clavier" pour pieds sous la console) est comme un clavier ordinaire. C'est simplement un clavier de plus, pour que l'organiste ait deux mains plus deux "doigts". Bien sûr, ces "doigts", au bout des lourdes jambes et portant souliers, sont BEAUCOUP moins souples que les autres doigts. Pour cette raison, on ne se sert pas du pédalier pour jouer des partitions rapides. Souvent, on s'en sert pour l'accompagnement par les basses, mais pas toujours. Sur la plupart des orgues, les registres (parfois appelés "jeux", quoiqu'à proprement parler un "jeu" est un "ensemble" de registres) les plus graves sont portés au pédalier. Par exemple le Fagot et le Bourdon qui utilisent les tuyaux les plus longs de l'orgue (16', 22' ou 32' selon l'orgue). Mais pas seulement : on y retrouve souvent aussi le Principaal 8' et le Principaal 4' qui sont des registres assez aigus qu'on retrouve aussi sur les claviers (comme le "Principal" ou "Positif" et le "Grandes orgues"). Sur certaines orgues, on peut d'ailleurs reporter n'importe quel registre (y compris le très aigu nazillard 1½) au pédalier. Mais généralement, le pédalier sert surtout aux graves.

Tu trouves que le son ne change pas tellement alors que les pieds se promènent de gauche à droite sur le pédalier. Il y a deux raisons à ça. 1° la mélodie principale est jouée sur les claviers : c'est elle que tu entends, le pédalier ne donnant que l'accord, un peu comme les grandes contrebasses dans un orchestre symphonique, laissant la mélodie aux plus agiles (et audibles) violons. Forcément, la partition jouée au pédalier est lente, alors que la partition aux claviers est souvent rapide. Alors le pédalier attire moins l'attention. 2° un soulier est plus gros qu'un doigt, et pas mal! Alors les notes du pédalier sont nécessairement plus écartées que celle d'un clavier. Alors que, sur un clavier, un octave peut facilement être couvert par une main, le pouce étant sur un do et l'auriculaire sur le do suivant (en écartant vraiment les doigts, la plupart des organistes peuvent couvrir un octave et demi), un octave peut s'étaler entre 50 et 60 centimètres au pédalier entre do et do. Alors forcément, alors qu'une main peut jouer une partition rapide et souple en demeurant presqu'immobile en enfonçant différents doigts sans bouger la main, les pieds se promèneront de gauche à droite de façon spectaculaire s'ils essaient d'en faire autant!

Ceci est évident dans cette illustration où les claviers dépassent quatre octaves et demi alors que le pédalier peine à en couvrir deux. On peut aussi comparer la largeur des notes de clavier avec celles du pédalier ici.

Est-ce que ça répond à ta question, leo?
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Sisyphe
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Re: Bach option sport...

Post by Sisyphe »

Je pense que Léo faisait plutôt allusion à la version "sportive", et se demandait si les trois trilles du thème d'entrée (la-sol-la) n'étaient pas trois fois la même, bien que les deux "podo-organistes" se déplacent sur trois octaves.

J'ai eu cette impression aussi : j'ai comparé plusieurs fois en 0'04'' et en 0'09'', et j'ai aussi l'impression que c'est la même note (donc, qu'il n'y aurait en réalité qu'une octave)... Mais, dans l'accord de sensible joué en arpège (la "montée" que je trouve plutôt réussi, ou le/la blond(e) (j'arrive pas à décider !) court d'un bout à l'autre) on entend, me semble-t-il, clairement une montée. Z'ont rajouté une note d'ailleurs, ne pouvant faire le pédalier ni un accord complet. Mais ça n'est pas pendable (Bach lui-même modifiait son texte quand il en avait besoin pour des raisosn techniques). C'est bizarre. Sommes-nous victime d'une hallucination auditive (ça existe, et le propre de l'octave, c'est la consonnance) ? Ou bien y-a-t-il un troisième larron qui s'occupe des tirants et qui modifierait la hauteur des notes ?

Au fait la partoche est ici : http://icking-music-archive.org/scores/ ... TFd565.pdf

(Bach, c'est beau même par écrit !)
Un "détail"(?) qui m'a frappé dès les premières notes de la toccate est la différence d'accord (ou tonalité) entre les deux orgues. Si on n'écoute que les premières notes de l'interprétation de Richter puis qu'on saute tout de suite à celle de Stamm on entend clairement presqu'un ton de différence, comme si une des deux interprétations était transposée en mi. J'ai remarqué une telle différence entre deux enregistrements que j'ai chez moi, un sur orgue Schnitger baroque d'époque (celui de Hambourg) et un sur un orgue romantique nettement plus moderne, l'antique étant nettement plus aigu, le la3 étant calé sur 481 Hz, soit à un peu plus de 3/4 de ton du la3 moderne à 440Hz.
Un vieux problème, me semble-t-il, que la valeur exacte du la de référence (chez Mozart c'était 420 Herz céça ?). L'église où joue Richter me paraît plus ancienne, nettement "contre-réforme", alors que celle de Stamm est plutôt entre classique et rococo. Cela dit, ça ne nous dit rien des orgues qui peuvent avoir été refaites.
Que Sisyphe m'en pardonne, mais perso, je préfère l'interprétation de Richter. Raison : les notes sont beaucoup mieux détachées, alors qu'elles sont trop liées dans celle de Stamm, faisant parfois une masse sonore confuse. Richter attaque très franchement (presque brutalement) les touches sur cet orgue à traction mécanique, mais seulement après avoir quitté la note précédente, faisant que les notes sont entendues une à une.
Ah le souvenir de ma prof de piano qui me hurlait de ne pas laisser les doigts sur les touches.... :mad:

C'est incontestable. Mais c'est pour moi une raison de préférer celle de Stamm que ce legato, je dirais même, en terme pictural, ce "sfumato". Il y a un côté chaos primaire dans la 565, Dieu qui contemple le bazar de sa chambre avant de se décider à créer le monde, ça tient de la pulsion.

Quant à ce que tu dis du public, il y a une donnée à prendre en compte : ce n'est PAS une oeuvre faite pour être entendue d'une église pleine, c'est même le contaire. Je ne t'apprends pas que "toccata" vient de "toccare" : toucher son instrument, le tâter pour la première fois, bref : voir ce qu'il a dans le ventre, quand l'organiste s'assied pour la première fois à sa console, et que le pasteur n'est pas là pour l'obliger à jouer une bondieuserie.
Je disais plus haut "Que Sisyphe m'en pardonne" de préférer l'interprétation de Richter ; mais ici je demande que tout le monde me pardonne de préférer l'AUTRE toccate et fugue en ré mineur, BWV 538. La BWV 565 (la plus connue) est écrite en mode mineur eolien, souvent appelé (parfois à tort) "mineur antique" ; la BWV 538 est en mineur dorien. De toutes les toccates et fugues de Bach, c'est ma préférée. Surtout la fugue. Parce qu'elle est méditative
Je n'ai rien à te pardonner sur ce chapitre ; mais la "dorienne" est d'un autre monde. La 565, c'est la pulsion, l'inconscient, la masse ; la 538, c'est l'intellect, la méditation, l'individualité (d'ailleurs la fugue n'a qu'une voix à un moment et c'est sublime). La première est bacchique, la seconde apolinienne ; la première m'évoque plutôt la génèse (ses chaos et ses destructions), la seconde le nouveau testament (d'ailleurs Pasolini l'avait beaucoup utilisée). Il est assez logique que la première soit plus "populaire" et la seconde plus artistocratique.

À ce titre d'ailleurs, l'interprétation d'Issoir est excellente pour la 565 - comme beaucoup, c'est celle que j'ai à la maison - mais elle est tout simplement parfaite pour la 538. Là, j'apprécie pleinement sa "sagesse".
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Re: Bach option sport...

Post by kokoyaya »

Sisyphe wrote:Je pense que Léo faisait plutôt allusion à la version "sportive", et se demandait si les trois trilles du thème d'entrée (la-sol-la) n'étaient pas trois fois la même, bien que les deux "podo-organistes" se déplacent sur trois octaves.
Ce n'est pas une trille mais un mordant inférieur (la note de base, la note juste en-dessous puis de nouveau la note de base).
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Re: Bach option sport...

Post by Sisyphe »

kokoyaya wrote:
Sisyphe wrote:Je pense que Léo faisait plutôt allusion à la version "sportive", et se demandait si les trois trilles du thème d'entrée (la-sol-la) n'étaient pas trois fois la même, bien que les deux "podo-organistes" se déplacent sur trois octaves.
Ce n'est pas une trille mais un mordant inférieur (la note de base, la note juste en-dessous puis de nouveau la note de base).
Exact, je suis impardonnable. Mordant symbolisé par une vague courte et barrée pour l'inférieur. La trille serait plus longue à tout point de vue (la sol la sol la sol la, vague longue).

Je me souviens encore de la page où j'avais appris tous les ornements. C'était dans la préface d'une édition des Inventions et symphonies de Bach

Un avis sur le fond du problème (une ou trois octaves ?)
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

Oups :-? Je croyais que leo faisait allusion à certains passages des vidéo où on voit les pieds de l'organiste se promener...
Sisyphe wrote:(chez Mozart c'était 420 Herz céça ?)
Pas tout à fait : souvent il devait faire avec ce qu'il y avait. Il n'y avait pas de "standard universel" à l'époque.

Semblablement pour les orgues utilisées par Richter et Stamm : le fait qu'un soit plus aigu que l'autre n'indique pas lequel est le plus ancien, ni s'ils ont été refaits. Quoiqu'un orgue refait n'est généralement pas "ré-accordé" au la3 440Hz mais souvent laissé comme il était pour raisons de respect historique. Par exemple, le facteur qui OSERAIT ré-accorder un Schnitger aurait une très mauvaise initiative au vu du futur de sa carrière! (En plus d'avoir un sacré boulot!!! :lol: ) D'autant plus que plusieurs de ces orgues ont un tempérament harmonique, et non égal. Et les conduites d'air y sont dédiées et "tuned" (syntonisées) : il y a des conduites pour les A seulement, d'autres pour les B et ainsi de suite. Et, sur certains claviers, il y a à certains endroits deux noires entre deux blanches : une pour le F dièse et une pour le G bémol qui ne sont pas la même chose (il y a un peu plus de 1/8 de ton de différence dans un tempérament harmonique). Idem entre G et A, etc. Tu vois le boulot???
Cappel organ.jpg
Et les cris des puristes? Image Image
Sisyphe wrote:Ah le souvenir de ma prof de piano qui me hurlait de ne pas laisser les doigts sur les touches.... :mad:
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Sisyphe wrote:Il y a un côté chaos primaire dans la 565, Dieu qui contemple le bazar de sa chambre avant de se décider à créer le monde, ça tient de la pulsion.
Je ne sais pourquoi mais, en lisant ceci, j'ai cru voir un Sisyphe à table avec, à sa gauche, quatre piles (pas toutes verticales) de copies à faire, à sa droite une pile de 8 tasses de café emboîtées, plus loin deux piles de copies faites (dont certaines à revoir), sur le plancher un dico de grec antique, un de latin, une grammaire grise datant de 1920, sous la table les souliers dont il s'est débarrassé un peu après minuit pour être plus confortable, au bout de la table l'assiette déjà séchée du dernier repas (frugal parce que pressé) qu'il a poussée pour finir ses copies après quoi il ira la porter à l'évier avec les autres qui seront bientôt(?) lavées et, sur le dossier de la chaise, un bas oublié là.
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Alors là, oui : legato total! Et rythme rapide pour t'encourager à finir tes piles. queklque chose comme ça quoi! (Ne regarde pas l'image : écoute seulement... Et suis le rythme en corrigeant tes copies!)
Sisyphe wrote:Je ne t'apprends pas que "toccata" vient de "toccare"
Bin oui tu me l'apprends! Et je t'en remercie. Je n'avais jamais fait le lien. (Et de plus, je suis infiniment moins doué que toi pour le latin!)
Sisyphe wrote:la "dorienne" est d'un autre monde
Oh que oui!!!
Sisyphe wrote:À ce titre d'ailleurs, l'interprétation d'Issoir (...) est tout simplement parfaite pour la 538. Là, j'apprécie pleinement sa "sagesse".
Entre les deux (celle de Chorzempa et celle d'Isoir), je préfère aussi celle d'Isoir. Quoique j'apprécie bien aussi celle de E. Power Biggs dans la version qu'il en a faite à l'orgue Schnitger de l'église de Zwolle (Hollande) sur l'album "The Golden Age of the Organ". Mais celle d'Isoir demeure ma préférée ...après la mienne. Non pas que joue mieux qu'Isoir (oh que non!!!!!!) mais être là en personne, tout près de l'orgue, ça dépasse les meilleures chaînes audio. Et la jouer soi-même, et s'en laisser bercer (et même improviser par bouts sans même s'en apercevoir parce que je suis trop "parti"), bin euh... c'est à peu près la même différence que regarder une compétition de ski à la télé ou chausser ses skis et se grouiller la première lettre du québécois! :loljump:
Sisyphe wrote:Il est assez logique que la première soit plus "populaire" et la seconde plus artistocratique.
Ton vocabulaire m'a surpris ici, Sisyphe. Lorsque je joue ou écoute la "dorienne", il ne m'est jamais venu à l'idée que j'étais "aristo", ni dans le sens usuel du terme, ni dans le sens de "aristos" (meilleur). Comme j'ai mentionné dans mon post, je me sens plutôt relax, comme en écoutant tomber la pluie un bel après-midi d'été... Je ne suis plus moi : je suis, tout court. Un habitant de la forêt au même titre que les chevreuils et les fraisiers sauvages en entendant la pluie, un habitant de l'Univers (physique autant que spirituel) au même titre que les roches, les planètes et les anges en écoutant la dorienne.

Le mot "sagesse" est bien choisi pour parler de l'interprétation d'Isoir.

_________________________________________________

Post scriptum pour un post-correction. Pour quand tu auras fini tes copies et que tu devras aller dodo, voici une version complètement legato de la 565, mais pas lourde du tout! Si legère, de fait, qu'elle en est presqu'angélique! Alors, pour que ton sommeil soit entouré d'anges : la berceuse dite "des anges" BWV 565 de J. S. Bach.
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

@Sisyphe
Quoique, à tout prendre, j'espère qu'au ciel les anges vont jouer mieux que ça! J'espère que ça ne te fera pas faire trop de cauchemars... Image
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Re: Bach option sport...

Post by Maïwenn »

Anuanua wrote: Je ne sais pourquoi mais, en lisant ceci, j'ai cru voir un Sisyphe à table avec, à sa gauche, quatre piles (pas toutes verticales) de copies à faire, à sa droite une pile de 8 tasses de café emboîtées, plus loin deux piles de copies faites (dont certaines à revoir), sur le plancher un dico de grec antique, un de latin, une grammaire grise datant de 1920, sous la table les souliers dont il s'est débarrassé un peu après minuit pour être plus confortable, au bout de la table l'assiette déjà séchée du dernier repas (frugal parce que pressé) qu'il a poussée pour finir ses copies après quoi il ira la porter à l'évier avec les autres qui seront bientôt(?) lavées et, sur le dossier de la chaise, un bas oublié là.
Excusez-moi pour le HS, mais est-ce qu'au Québec "bas" est synonyme de "chaussette" ? En France c'est, dans l'habillement moderne, réservé aux filles, il me semble. Mais avec cette signification ça met encore plus de piquant à ta description, Anuanua ! :lol:
Penn ar Bed
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

Oui pour "chaussette".

En effet, je ne voyais simplement pas, dans ce contexte, de fille dans l'appart. D'autant plus qu'avec le bazar que Sisyphe prête à la chambre de Dieu (et qu'on peut prêter à la chambre de Sisyphe), j'y vois de plus en plus difficilement une fille...

Mais d'accord pour le "piquant". Ça peut aussi aider à expliquer le retard irrattrapable que Sisyphe a toujours dans ses copies...
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Re: Bach option sport...

Post by Anuanua »

Sisyphe wrote:(d'ailleurs la fugue n'a qu'une voix à un moment et c'est sublime)
Où ça? Au tout début oui, presque toutes les fugues commencent à une voix, mais ensuite? Peux-tu, dans la version d'Isoir, me donner le temps (par exemple 03:17)?
I te rahiraa o te taime, mea pāpū aè te reo ia taì mai i te mafatu, e mea haavarevare roa atoā rä o ia.
La langue est souvent plus éloquente, mais aussi plus trompeuse que le coeur.
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