Nostalgies ferroviaires

Lieu de rencontres et d'entraide, ce forum est dédié aux passionnés des voyages.
Venez échanger vos infos, poser vos questions ou faire part de votre expérience !

Moderator: Beaumont

User avatar
Andergassen
Membre / Member
Posts: 36507
Joined: 12 Nov 2009 15:20
Location: Plein sud/Pôle nord, selon la langue

Nostalgies ferroviaires

Post by Andergassen »

Dans ses premiers posts, notre amie Ankhsenamon avait évoqué le romantisme des trains à vapeur et de leurs voitures à compartiments à l’ambiance intime. Mes trajets journaliers sur une ligne qui tient plus aujourd’hui du métro (19 km en tunnel sur 27 km, avec des trains toutes les 30 minutes) et un récent voyage en France m’ont fait revivre ce qu’étaient les grandes lignes alpines qui étaient si bien intégrées au paysage et qui avaient ravi le jeune homme qui découvrait l’Europe centrale il y a 40 ans, dans un compartiment d’un train international.
Ma première ligne transalpine, c’était le Lötschberg, de Berne à la vallée du Rhône. Une montée en double boucle, puis une descente à flanc de vallée à couper le souffle jusqu’au Rhône, avec un panorama superbe sur la vallée. Et je préférais voyager à bord des voitures internationales à compartiments, qui allaient en Italie ou en venaient, plutôt que dans les voitures à couloir central du service intérieur suisse.
Et aujourd’hui : un trajet insipide par un nouveau tunnel de base, le trajet entre Spiez et Brigue se fait en une demi-heure, et on se retrouve de plain pied avec le Rhône à Viège sans savoir trop comment, il n’y a plus d’émotions*.
Mon premier voyage en Autriche, en colonie de vacances d’hiver, par la ligne de l’Arlberg, qui semblait ne jamais en finir, sur une voie unique où les garages étaient fréquents pour laisser passer les trains croiseurs, et où on ne dépassait pas les 70 km/h. Et aujourd’hui, la ligne a été mise à double voie, en laissant de côté les gares qui parsemaient l’ancien tracé, et l’on file à 140 à bord d’un « railjet » insipide à couloir central qui s’arrête à St-Anton devenu St-Béton (la gare si représentative gênait l’organisation des championnats du monde de ski alpin, et on a construit une nouvelle gare au sud qui se fond avec la nouvelle entrée du tunnel de l’Arlberg). Seule la gare de Langen (entrée du tunnel côté Vorarlberg) est restée en l’état, la desserte omnibus de toutes les autres gares du trajet a été supprimée, au grand dam des cyclotouristes qui ne peuvent pas embarquer leurs montures dans le nouveau « railjet ». Adieu donc aux petites stations que l’on saluait au passage, Pians, Wiesberg, Strengen, Flirsch, Schnann, Pettneu (qui amusait beaucoup les Français !), St-Jakob, Klösterle, Wald, Dalaas, Braz… Ah, la ligne, j’avais fini par la connaître par cœur ! Et aujourd’hui, dans les salles, si l’on est assis du mauvais côté, on n’a plus la ressource de sortir dans le couloir pour admirer le paysage, ou baisser la fenêtre pour respirer le bon air alpin dans une petite station en attendant le passage du train croiseur…
Et en 1971, quand j’ai fait connaissance avec la ligne du Brenner et du même coup avec la région dont j’ignorais à l’époque qu’elle deviendrait ma résidence… Comme toute ligne alpine tracée dans les années 50 et 60 de l’avant-dernier siècle, elle s’élevait par des boucles pénétrant dans les vallées latérales pour garder une déclivité raisonnable en fonction des possibilités du matériel traction de l’époque. Et la ligne franchissait le col du Brenner, le plus bas des Alpes, à ciel ouvert. Le fascisme italien avait bien fait les choses, et avait bâti une gare frontière grandiose au col. Les trains s’arrêtaient au moins une demi-heure, c’était le premier contact avec l’Italie, avec son petit buffet ambulant aux bouteilles de Chianti entourées de raphia. La montée et la descente étaient un enchantement, et les trains internationaux s’arrêtaient dans ma petite ville dans la vallée de l’Eisack, et j’aimais bien voyager dans les voitures qui avaient déjà traversé toute l’Italie depuis le bas de la botte pour rejoindre l’Allemagne. C’est ainsi que petit à petit, au cours de ces voyages, j’ai appris l’italien.
Et aujourd’hui ? Les trains internationaux sont gérés par un consortium DB-ÖBB-Nord-Milan qui se heurte au monopole de Trenitalia, et qui ne s’arrêtent plus qu’aux grandes stations, les locomotives polycourant ne marquent plus qu’un arrêt symbolique à la frontière, tandis que la relation avec la capitale tyrolienne est un véritable exploit sportif par des trains régionaux, avec 6 minutes de battement entre le train italien et le train autrichien qui arrivent et partent des côtés opposés d’une gare aujourd’hui fantômatique, ce qui suppose une excellente condition physique si l’on ne veut pas rester en rade dans ce désert .
Si la ligne est restée la même côté autrichien, il n’est en plus de même côté italien, avec un nouveau tunnel de 9 km qui court-circuite la descente entre Schelleberg et Gossensass en pénétrant profondément dans le val de Pflersch, et surtout les deux tunnels de 13 et 6 km entre Waidbruck et Kardaun, ne laissant qu’un bref passage à l’air libre à hauteur de la gare aujourd’hui abandonnée de Blumau. Quant à l’ancien tracé, il a été transformé en piste cyclable.
Heureusement, j’ai trouvé dernièrement sur YouTube des prises de vues de la cabine d’une locomotive sur l’ancien tracé entre Brenner et Vérone. Là, je peux revivre mes émotions et retrouver le jeune ferrovipathe de 20 ans avide de découvertes.

*On peut toujours néanmoins continuer à parcourir cette ligne magnifique à bord de trains régionaux. Mais ce n'est plus le charme du parcours international.
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
User avatar
Ankhsenamon
Membre / Member
Posts: 30465
Joined: 22 Mar 2013 21:11

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Ankhsenamon »

Ah! Mein Herr! :love: Quel plaisir de te suivre dans ces voyages ferroviaires nostalgiques d'où tant de tes émotions s'échappent et me portent à des visions de rêve... Mille mercis!! :love: :love: :love:
"La pause, elle aussi, fait partie de la musique" Stefan ZWEIG
User avatar
joey
Membre / Member
Posts: 18546
Joined: 10 Oct 2006 21:08
Location: plein-sud

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by joey »

Ton récit m'a rappelé un documentaire sur la 5 je crois , "des trains pas comme les autres" où il est question de
machines insolites, ultramodernes ou archaïques , palaces roulants ou tortillards , sur des tout petits ou immenses parcours avec en prime la culture , l'histoire et les peuples de chaque pays...
passionnant!! je n'aime pas trop les rediffs mais là , j'en redemanderais... :)

tu m'as aussi remis en mémoire un texte d'Alfred de Vigny que je poste ici, tu y verras quelques similitudes avec ton récit...déjà, à l'époque... :)

Sur ce taureau de fer qui fume, souffle et beugle,
L'homme a monté trop tôt. Nul ne connaît encor
Quels orages en lui porte ce rude aveugle,
Et le gai voyageur lui livre son trésor ;
Son vieux père et ses fils, il les jette en otage
Dans le ventre brûlant du taureau de Carthage,
Qui les rejette en cendre aux pieds du dieu de l'or.

Mais il faut triompher du temps et de l'espace,
Arriver ou mourir. Les marchands sont jaloux.
L'or pleut sous les charbons de la vapeur qui passe,
Le moment et le but sont l'univers pour nous.
Tous se sont dit: " Allons ! " mais aucun n'est le maître
Du dragon mugissant qu'un savant a fait naître ;
Nous nous sommes joués à plus fort que nous tous.

Évitons ces chemins. - Leur voyage est sans grâces,
Puisqu'il est aussi prompt, sur ses lignes de fer,
Que la flèche lancée à travers les espaces
Qui va de l'arc au but en faisant siffler l'air.
Ainsi jetée au loin, l'humaine créature
Ne respire et ne voit, dans toute la nature,
Qu'un brouillard étouffant que traverse un éclair.

On n'entendra jamais piaffer sur une route
Le pied vif du cheval sur les pavés en feu :
Adieu, voyages lents, bruits lointains qu'on écoute,
Le rire du passant, les retards de l'essieu,
Les détours imprévus des pentes variées,
Un ami rencontré, les heures oubliées,
L'espoir d'arriver tard dans un sauvage lieu.

La distance et le temps sont vaincus.La science
Trace autour de la terre un chemin triste et droit.
Le Monde est rétréci par notre expérience,
Et l'équateur n'est plus qu'un anneau trop étroit.
Plus de hasard. Chacun glissera sur sa ligne,
Immobile au seul rang que le départ assigne,
Plongé dans un calcul silencieux et froid.
Personne n'est en charge de ton bonheur, sauf toi.
User avatar
Andergassen
Membre / Member
Posts: 36507
Joined: 12 Nov 2009 15:20
Location: Plein sud/Pôle nord, selon la langue

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Andergassen »

Bien sûr, il n'y a pas que du mauvais dans le progrès qui allie lignes nouvelles et horaires cadencés. Quand le temps fait défaut et qu'on aimerait avoir des journées de 30 heures, on est bien content de trouver à la descente du "railjet" à Zurich un fringant TGV prêt à bondir vers la Ville lumière et qui ne met que deux petites heures pour vous déposer dans la capitale bourguignonne, alors que cette liaison était si fastidieuse par le passé. Bien sûr, la ligne nouvelle vous donnera la nostalgie de la vallée du Doubs, un des plus beaux trajets de l'est de la France, mais on n'a rien sans rien. Cette nouvelle relation va certainement resserrer des liens familiaux devenus un peu lâches avec le temps. Comme quoi...
C'est comme le cruel dilemne pour aller de Bâle à Genève : prendre la ligne nouvelle entre Olten et Berne, tellement ennyeuse sans gares reprères et rigoureusement droite, mais avec la récompense de la descente du Gros de Vaud sur Lausanne le long de la corniche de Lavaux, avec un magnifique panorama sur le Léman et les Alpes de Savoie, ou la ligne directe par la traversée du Jura et les lacs de Bienne et de Neuchâtel ? Comme le temps n'était pas formidable (il pleuvait et il avait même neigé sur les sommets jurassiens ce vendredi dernier), j'ai opté pour la solution Jura-Neuchâtel, puisque je repartais le lendemain sur Berne et Zurich, par la ligne nouvelle.
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
User avatar
iubito
Membre / Member
Posts: 13068
Joined: 22 Dec 2002 20:31
Location: La belle Verte !
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by iubito »

Andergassen wrote:j’ai trouvé dernièrement sur YouTube des prises de vues de la cabine d’une locomotive sur l’ancien tracé entre Brenner et Vérone. Là, je peux revivre mes émotions et retrouver le jeune ferrovipathe de 20 ans avide de découvertes.
et on partage pas le lien avec les copains ? :)

y'a le train pour aller vite loin, et y'a le train dans des coins reculés... les 2 sont biens, mais c'est vrai que prendre le train dans les gorges de la Loire ou de l'Allier, c'est un charme incroyable. J'ai cette chance, 1h15 de bonheur en partant de chez moi... les trains croiseurs, maintenant la cadence est plus régulière mais ça arrive que "vous pouvez descendre sur le quai, y'en a pour 25 minutes" :)

J'aime bien aussi le train de Marseille à Martigues le long des plages, magique!

Il faudra organiser des vacances LokaNova/Freelang en Suisse avec And' comme guide !
A+ les cactus !
A izza i ana sacranou
Askaratni kaasoun kaasoun khalidah
Ana mal' anou bihoubbinn raasikhinn
Lan yatroukani abada...
User avatar
Chocolat
Membre / Member
Posts: 3549
Joined: 03 Oct 2012 17:16

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Chocolat »

iubito wrote:J'aime bien aussi le train de Marseille à Martigues le long des plages, magique!
Ô oui magique.. vieux trains, vieilles gares le long de la Côte Bleue, et surtout vieux bruit tchoukoutchou tchoukoutchou.. et une stabilité digne d'une coque de noix voguant au sud du Frioul sous un léger mistral.
User avatar
Ankhsenamon
Membre / Member
Posts: 30465
Joined: 22 Mar 2013 21:11

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Ankhsenamon »

Et pas un qui m'invite! :sweat:
"La pause, elle aussi, fait partie de la musique" Stefan ZWEIG
User avatar
Andergassen
Membre / Member
Posts: 36507
Joined: 12 Nov 2009 15:20
Location: Plein sud/Pôle nord, selon la langue

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Andergassen »

Toi, tu as tes bagnoles de luxe qu'on t'offre à chaque collector ! :P
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
User avatar
Maïwenn
Modératrice Arts & Litté.
Posts: 17485
Joined: 14 Nov 2003 17:36
Location: O Breiz ma bro
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Maïwenn »

Merci pour ce récit !

Si tu es nostalgique des trains à 50 à l'heure, des lignes uniques et des arrêts innombrables, je ne peux que te conseiller la Thaïlande ! Pas tout à fait les mêmes paysages que les Alpes, mais c'est joli aussi.

Sur le pont de la rivière Kwai
http://photos1.blogger.com/blogger/1898 ... CT0054.jpg

La belle gare de Hua Hin
http://photos1.blogger.com/blogger/1898 ... 0045.1.jpg
Penn ar Bed
The end of the land
Le commencement d'un monde
User avatar
Maïwenn
Modératrice Arts & Litté.
Posts: 17485
Joined: 14 Nov 2003 17:36
Location: O Breiz ma bro
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Maïwenn »

Bonjour !

Je déterre ce sujet pour soumettre cette photo à Andergassen et aux autres ferrovipathes du coin.

C'est la photo d'une ancienne gare du nord Finistère (Bohars). Pourquoi y avait-il deux cabanes ? Merci !

Image

:hello:
Penn ar Bed
The end of the land
Le commencement d'un monde
User avatar
Andergassen
Membre / Member
Posts: 36507
Joined: 12 Nov 2009 15:20
Location: Plein sud/Pôle nord, selon la langue

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Andergassen »

Si c'est à Bohars, avec deux cabanes sur le quai, il s'agit vraisemblablement de la gare du Ruffa, sur la ligne du Finistère Brest-St-Pol, où s'embranchait une ligne secondaire vers Pospoder.
Donc, qui dit embranchement dit correspondance, et à l'époque, l'arrêt pouvait être long entre deux trains. D'où la nécessité toilettes (qu'on appelait à l'époque "chalets de nécessité"), deux en l'occurence ('une gare de bifurcation, c'est pas n'importe quelle halte, c'est déjà la catégorie supérieure). Donc, vraisemblablement, une toilette pour messieurs, et une toilette pour dames. Et c'était directement sur le quai (en bout, quand même), comme ça, il y avait un certain contrôle social, pas question de s'isoler pour bien faire dans un endroit hors de vue du public. Les bonnes moeurs étaient sauves !
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
User avatar
Maïwenn
Modératrice Arts & Litté.
Posts: 17485
Joined: 14 Nov 2003 17:36
Location: O Breiz ma bro
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Maïwenn »

Merci beaucoup pour les explications. C'est bien la gare du Ruffa.

Et un coucou à Ankh qui avait trouvé qu'il s'agissait de commodités !
Penn ar Bed
The end of the land
Le commencement d'un monde
User avatar
Beaumont
Admin
Posts: 7338
Joined: 07 Jun 2002 02:00
Location: Thailande
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Beaumont »

Je profite de la remontée de ce sujet pour vous montrer la gare icône de la ville de Hua Hin en Thaïlande, qui vit ses derniers moments avant de devenir un musée.
29746515871_086ffb63b4_b.jpg
29829101965_3cb0c3038b_b.jpg
Time is an illusion. Lunchtime doubly so.
User avatar
Maïwenn
Modératrice Arts & Litté.
Posts: 17485
Joined: 14 Nov 2003 17:36
Location: O Breiz ma bro
Contact:

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Maïwenn »

Oh ? Ils ont construit une nouvelle gare ?

J'ai vu que Hua Lampong vivait ses derniers instants aussi, que de changements !
Penn ar Bed
The end of the land
Le commencement d'un monde
User avatar
Ankhsenamon
Membre / Member
Posts: 30465
Joined: 22 Mar 2013 21:11

Re: Nostalgies ferroviaires

Post by Ankhsenamon »

(@Maï: :hello: et :jap:! ;) )
"La pause, elle aussi, fait partie de la musique" Stefan ZWEIG
Post Reply