Concordance des temps en Français
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Concordance des temps en Français
Bonjour à tous.
En écoutant une chanson de Brassens (Supplique pour être enterré à la plage de Sète), j'ai bloqué sur une phrase :
"Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps".
J'ai recherché rapidement sur internet et j'ai trouvé cette explication :
"Après un conditionnel présent, si le verbe de la subordonnée doit être au subjonctif, il se met au présent ou à l'imparfait"
J'aimerais avoir votre avis
On emploie alors le présent du subjonctif ou l'imparfait du subjonctif indifféremment ?
En écoutant une chanson de Brassens (Supplique pour être enterré à la plage de Sète), j'ai bloqué sur une phrase :
"Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps".
J'ai recherché rapidement sur internet et j'ai trouvé cette explication :
"Après un conditionnel présent, si le verbe de la subordonnée doit être au subjonctif, il se met au présent ou à l'imparfait"
J'aimerais avoir votre avis
On emploie alors le présent du subjonctif ou l'imparfait du subjonctif indifféremment ?
- Sisyphe
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Comme disait Brunot "la concordance des temps en français se résume d'une phrase : il n'y en a pas". Donc, étudions-là
Partons du postulat que le subjonctif imparfait existe.
A. Simples rapports temporels
1. Je veux qu'il finisse (simultanéité par rap. au présent)
2. Je veux qu'il ait fini (antériorité par rap.au présent / perfectif)
3. Je voulais qu'il finît (simultanéité par rap. au présent
4. Je voulais qu'il eût fini (etc.)
5. "Il ne faut pas croire que sa raison fût alors en désordre" (Hugo) = "fait continu dans le passé rapporté au présent", pour paraphraser Grevisse. La narration, le fait appartient à la sphère du passé ; en fait il n'y a pas de rapport d'antériorité avec la principale, les deux évènements ne sont pas sur le même plan.
B. Nuances modales
1. Je veux qu'il vienne / je voudrais qu'il vienne = valeur optative
2. On craint que la guerre n'entrainât des maux incalculable si elle venait à survenir (d'après Littré) = valeur éventuelle, la phrase serait au conditionnel si c'était une principale [franchement littéraire voire puriste]
3. Je voudrais qu'il fût présent = valeur désidérative (regret : il n'est pas présent) ou nuance d'iréel (il n'est pas présent et l'on envisage pas qu'il le devienne).
En français classique, cette dernière distinction entre B1 et B3 est assez claire et c'est celle-là que les auteurs qui usent de l'imparfait du subjonctif maintiennent assez régulièrement.
Mais précisément, j'ai toujours trouvé que l'exemple de Brassens convient assez mal, car il s'agit plus d'un souhait supposé réalisable (et réalisé je crois depuis) que d'un fait iréel.
Les méchants langues diront que c'était pour éviter que le vers ne fût boîteux.
[Tonton Grevisse autour de §869]
Partons du postulat que le subjonctif imparfait existe.
A. Simples rapports temporels
1. Je veux qu'il finisse (simultanéité par rap. au présent)
2. Je veux qu'il ait fini (antériorité par rap.au présent / perfectif)
3. Je voulais qu'il finît (simultanéité par rap. au présent
4. Je voulais qu'il eût fini (etc.)
5. "Il ne faut pas croire que sa raison fût alors en désordre" (Hugo) = "fait continu dans le passé rapporté au présent", pour paraphraser Grevisse. La narration, le fait appartient à la sphère du passé ; en fait il n'y a pas de rapport d'antériorité avec la principale, les deux évènements ne sont pas sur le même plan.
B. Nuances modales
1. Je veux qu'il vienne / je voudrais qu'il vienne = valeur optative
2. On craint que la guerre n'entrainât des maux incalculable si elle venait à survenir (d'après Littré) = valeur éventuelle, la phrase serait au conditionnel si c'était une principale [franchement littéraire voire puriste]
3. Je voudrais qu'il fût présent = valeur désidérative (regret : il n'est pas présent) ou nuance d'iréel (il n'est pas présent et l'on envisage pas qu'il le devienne).
En français classique, cette dernière distinction entre B1 et B3 est assez claire et c'est celle-là que les auteurs qui usent de l'imparfait du subjonctif maintiennent assez régulièrement.
Mais précisément, j'ai toujours trouvé que l'exemple de Brassens convient assez mal, car il s'agit plus d'un souhait supposé réalisable (et réalisé je crois depuis) que d'un fait iréel.
Les méchants langues diront que c'était pour éviter que le vers ne fût boîteux.
[Tonton Grevisse autour de §869]
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Ah tiens, je ne savais pas du tout, toutes les fois où je voyais un subjonctif présent avec principale au conditionnel, j'attribuais ça à la disparition du subjonctif imparfait...Sisyphe wrote:1. Je veux qu'il vienne / je voudrais qu'il vienne = valeur optative
[...]
3. Je voudrais qu'il fût présent = valeur désidérative (regret : il n'est pas présent) ou nuance d'iréel (il n'est pas présent et l'on envisage pas qu'il le devienne).
-- Olivier
Se nem kicsi, se nem nagy: Ni trop petit(e), ni trop grand(e):
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
Éppen hozzám való vagy! Tu es juste fait(e) pour moi!
Je pensais cela moi aussi avant de lire Sisyphe.Olivier wrote:toutes les fois où je voyais un subjonctif présent avec principale au conditionnel, j'attribuais ça à la disparition du subjonctif imparfait
Merci pour vos réactions.
Sur un site d'analyse des textes de Brassens* j'ai trouvé le commentaire suivant :
Personnellement, je pense que Brassens a choisi cette forme pour sa sonorité (c'était pour éviter que le vers ne fût boîteux )Il faut noter par ailleurs que les gens du Midi de la France ont gardé plus longtemps qu'ailleurs l'usage quotidien du passé simple et de l'imparfait du subjonctif** (...). Je me demande si les gens de langue d'oc ne mettaient pas un point d'honneur à manier parfaitement le français, cette langue qu'on leur a imposée au 19ème siècle, pour tenir la dragée haute aux fonctionnaires qu'on leur envoyait de Paris.
* Si ça vous intéresse : http://www.analysebrassens.com
** Au passage, une question à KokoYaya :
L'emploi, en occitan, du subjonctif imparfait est-il bien obligatoire lorsque le verbe de la principale est au conditionnel ? (ex. : Caldriá que sachèssi)
Tout à fait, c'est peut-être aussi pour ça que certains ont pu garder la concordance des temps en français aussi. Après, le problème est que beaucoup calquent leur occitan sur le français donc on peut souvent entendre la concordance "à la française"mimi30 wrote:** Au passage, une question à KokoYaya :
L'emploi, en occitan, du subjonctif imparfait est-il bien obligatoire lorsque le verbe de la principale est au conditionnel ? (ex. : Caldriá que sachèssi)
- Sisyphe
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La résistance de l'imparfait du subjonctif dans les périphéries du français (Québec non compris) est effectivement un fait que l'on mentionne ici ou là, je crois même que Grevisse en parle et donne des références bibliographiques mais j'ai la flemme de vérifier.
On en fait parfois un phénomène de linguistique aréale (c'est toujours sur les extrémités que l'on trouve les traits les plus conservateurs d'une langue). Je n'avais pas du tout pensé, il est vrai, à l'influence de l'occitan, mais ça me paraît être une évidence.
C'est un océan de délices grammaticales l'imparfait du subjonctif (pour appliquer bien sûr une autre règle poétique du français). Je fais exprès de l'employer devant les élèves.
On en fait parfois un phénomène de linguistique aréale (c'est toujours sur les extrémités que l'on trouve les traits les plus conservateurs d'une langue). Je n'avais pas du tout pensé, il est vrai, à l'influence de l'occitan, mais ça me paraît être une évidence.
C'est un océan de délices grammaticales l'imparfait du subjonctif (pour appliquer bien sûr une autre règle poétique du français). Je fais exprès de l'employer devant les élèves.
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- Ankhsenamon
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Re: Concordance des temps en Français
Embêtée je suis...
Et donc, d'un coup d'appel je déterre ce sujet où j'aimerais beaucoup que la verve de Sisyphe ressuscite aussi/enfin/bientôt!
Comment conjugueriez-vous le verbe de la proposition suivante?
"J'avais craint un instant que tu ne (sois? 'aies été? fusses? autre? ) le coupable en question..."
Et donc, d'un coup d'appel je déterre ce sujet où j'aimerais beaucoup que la verve de Sisyphe ressuscite aussi/enfin/bientôt!
Comment conjugueriez-vous le verbe de la proposition suivante?
"J'avais craint un instant que tu ne (sois? 'aies été? fusses? autre? ) le coupable en question..."
"La pause, elle aussi, fait partie de la musique" Stefan ZWEIG
Re: Concordance des temps en Français
À mon avis... fusses.
Et soit probablement largement toléré en français moderne (quand on voit que certains n'utilisent même pas du tout le subjonctif, on se contenterait déjà bien d'un présent et non d'un imparfait !)
Et soit probablement largement toléré en français moderne (quand on voit que certains n'utilisent même pas du tout le subjonctif, on se contenterait déjà bien d'un présent et non d'un imparfait !)
Sonka - Сонька
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- Ankhsenamon
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Re: Concordance des temps en Français
"Fusses", c'est ce que j'avais d'instinct commencé à écrire! Ça me rassure, du coup!
Mais au cours de mes recherches pour conforter cet instinct je me suis ensuite perdue et n'ai pas trouvé de "règle" ni d'exemple correspondant à ma construction... Dans le doute atteint tout paraissait alors possible...
Merci, Sonka pour ton avis donné!
Mais au cours de mes recherches pour conforter cet instinct je me suis ensuite perdue et n'ai pas trouvé de "règle" ni d'exemple correspondant à ma construction... Dans le doute atteint tout paraissait alors possible...
Merci, Sonka pour ton avis donné!
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- Andergassen
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Re: Concordance des temps en Français
Si tu emploies un plus-que-parfait dans la principale, il faut également employer un plus-que-parfait dans la subordonnée, sinon c'est le bordel.
Donc : J'avais craint un instant que tu n'eusses été le coupable. Mais un présent est toujours accepté.
Donc : J'avais craint un instant que tu n'eusses été le coupable. Mais un présent est toujours accepté.
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
- Ankhsenamon
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Re: Concordance des temps en Français
Je suis toute disposée à te suivre, Capitaine, tu le sais... Mais... Je voudrais alors mieux comprendre quelque chose:
Si la proposition "j'avais craint un instant" correspond à un instant T, et que je veux mettre la proposition "que tu ne (être) le coupable" de manière à ce qu'elle se déroule au même instant T, tu me dis, toi, d'employer le plus-que-parfait? D'accord, je veux bien... Mais si j'avais voulu mettre cette même proposition ("que tu ne (être) le coupable") de manière à ce qu'elle se soit déroulée à l'instant T-1, quel temps aurais-je pu alors employer pour faire ressortir cette antériorité? Le même malgré tout? Ce plus-que-parfait n'indique-t-il pas justement, lui, cette antériorité par rapport à un "sois", un "'aies été" ou un "fusses"? ... (Je me demande si je suis claire dans mes propos pour vous où mes réflexions s'emmêlent! )
Sinon, merci beaucoup pour ton intervention , même si tes indications me font encore plus cogiter, comme tu le vois!
Si la proposition "j'avais craint un instant" correspond à un instant T, et que je veux mettre la proposition "que tu ne (être) le coupable" de manière à ce qu'elle se déroule au même instant T, tu me dis, toi, d'employer le plus-que-parfait? D'accord, je veux bien... Mais si j'avais voulu mettre cette même proposition ("que tu ne (être) le coupable") de manière à ce qu'elle se soit déroulée à l'instant T-1, quel temps aurais-je pu alors employer pour faire ressortir cette antériorité? Le même malgré tout? Ce plus-que-parfait n'indique-t-il pas justement, lui, cette antériorité par rapport à un "sois", un "'aies été" ou un "fusses"? ... (Je me demande si je suis claire dans mes propos pour vous où mes réflexions s'emmêlent! )
Sinon, merci beaucoup pour ton intervention , même si tes indications me font encore plus cogiter, comme tu le vois!
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Re: Concordance des temps en Français
Voir ici : http://www.aidenet.eu/conjugaison50.htm
Cas B2
Donc, les deux possibles : fusses "pour marquer la simultanéité ou la postériorité" et eusses été "pour marquer l'antériorité"
Cas B2
Donc, les deux possibles : fusses "pour marquer la simultanéité ou la postériorité" et eusses été "pour marquer l'antériorité"
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- Ankhsenamon
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Re: Concordance des temps en Français
Ah chouette! Merci pour le lien! En plus, du coup, on avait tous raison!
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