Français -> Latin. Artiste en détresse

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Eric
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Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Eric »

Bonjour. Un ami artiste veut donner à l'une de ses broderies, représentant des cactus, l'aspect d'une page illustrée d'un ancien livre savant. Le titre, qui sera lui-même brodé, doit donc être en latin, et correspondre aux mots français : "LES FONTAINES DU DÉSERT". Quelqu'un pourrait-il l'aider?
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Andergassen
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Andergassen »

FONTES DESERTI
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
Eric
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse (FONTAINES DU DES

Post by Eric »

Merci beaucoup Andergassen! Puis-je vous demander ce que vous pensez de deux autres traductions qui m'ont été proposées sur deux autres forums, en réponse à la même question? :
- Desertorum fontes.
- Solitudinum fontes.
J'en profite pour vous en soumettre encore deux autres, auxquelles j'ai encore moins de raisons de me fier cependant, puisque l'une provient d'une machine (le logiciel de traduction Google), et l'autre de deux solides ignares en la matière : l'"artiste en détresse" et moi-même, qui n'avions pour nous guider qu'un vieux Gaffiot et des résidus de connaissances, déjà fragmentaires à l'origine, aussi vieilles que vagues.
- Google : Fontes in deserto
- Ignares : Deserti fontanae (qui présentait l'avantage d'être assez transparent)
Je rappelle que le désert dont il s'agit est D'ABORD le désert physique, où poussent les cactus.
Et l'idéal serait la plus grande ressemblance possible avec le français. Par exemple, fontana vaudrait mieux que fons, pour autant qu'on puisse les échanger (le Gaffiot les traduit en partie de façon identique : "source, fontaine…").
Mon ami a impérieusement besoin de certitude : il ferait beau voir qu'une œuvre d'art contemporain comporte le moindre détail dont on puisse dire que ce serait "n'importe quoi"! Ce serait vraiment une première!…
Encore merci pour votre aide, ainsi qu'à tous ceux qui voudront bien apporter leur grain de sel.
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Latinus
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Latinus »

Desertum, i. au génitif singulier donne deserti.
Desertorum, dans votre dernier message, est un pluriel. Ce n'est pas indiqué, vous parlez "du" désert et non "des" déserts.


Solitudo désigne plutôt la solitude, l'isolement et non le désert en tant qu'endroit aride.

Fontanae me semble bizarre bien que semble exister. J'aurais cependant tendance à faire confiance à Cicéron (Fons, tis) plutôt qu'à une source à priori (recherche rapide onzeweb) non datée mais, contrairement à ce qu'indique mon pseudo, c'est pas moi le spécialiste ;)
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Sisyphe
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Sisyphe »

Solitudo peut désigner, par métonymie et en latin littéraire, le désert de façon concrète et au sens géophysique, et en particulier dans la littérature chrétienne où il revient très souvent ; mais le terme insiste plutôt sur l'aspect inhabité, que sur le sable à proprement parler.

On le trouve même au début du De Viris, un texte composé au XVIIIe (mais à partir de "vrais morceaux" de Cicéron, Tite-Live, etc.), mais il s'agit précisément de décrire le Latium avant l'arrivée des hommes : un "lieu désolé", éventuellement, mais pas le Sahara... De façon inverse, d'ailleurs, on parle de "désert" au XVIIe siècle pour parler des lieux écartés des villes et de la société humaine, et c'est dans ce sens, partiellement au moins, que l'un parle dans l'histoire protestante du désert.

Si votre souci est la transparence et la précision, et si vous pensez plutôt dunes de sable, le mot desertum (qui est techniquement le participe passé de desero "abandonner") est le bon terme (cf. Jean-Baptiste : Vox clamentis in deserto, "la voix de celui qui clame dans le désert", et le bréviaire romain parle bien de "Christus in deserto"), et la première proposition (Fontes deserti) est la bonne.

Fontana existe (et donne "fontaine" en français), mais c'est ce que l'on aurait appelé autrefois du "bas-latin" : il est utilisé par le peuple d'abord, par les auteurs techniques ensuite qui veulent se faire comprendre, et à la fin de l'empire seulement, par les auteurs littéraire. En gros : fontana est plus facile à décliner que fons ; c'est un mécanisme banal dans les langues :
- tistre (il a tissu) > tisser (il a tissé)
- puir (cf. Molière "il put étrangement son ancienneté") > puer
- bruire > bruisser
- soudre > solutionner
- traire > tirer
- vêtir 3e gr (nous nous vêtons) > vêtir 2e gr (nous nous vêtissons)
- faillir 3e gr (je faux) > faillir 2e gr (je faillis)
- teindre > teinter
- feindre > feinter (que j'interdis à mes élèves, mais qui est courant dans le vocabulaire footbalistique)
:evil: Et je vous jure que "concluer" n'est pas si rare sous leurs plumes.
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Gearoid_2
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Gearoid_2 »

Les "nouveaux verbes" régularisés que tu cites n'ont pas forcément le même sens que les verbes plus anciens: traire et tirer, teindre et teinter, feindre et feinter (pour moi feindre = faire semblant ; feinter = faire une feinte, dans le sport en particulier ou dans un combat).
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Sisyphe
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Sisyphe »

... :) De la même façon que fontana n'a pas remplacé fons partout ni de la même façon : fonte et fontana ont survécu tous deux en italien dans des sens différents. En revanche, font(s) n'a survécu en français que dans le langage des curés, c'est-à-dire de l'élite intellectuelle (fonts baptismaux), et dans la toponymie souvent religieuse d'ailleurs (Pierrefond, Fontevraud...). C'est le contraire en espagnol (mais qui a éliminé plus vite les formes de nominatif, ce qui évite bien des problèmes).

Parfois le vieux verbe disparaît complètement (tistre -> tisser, j'aurais pu ajouter attraire -> attirer, retraire -> retirer, demanoir -> demeurer, sourdre > surgir, bénistre > bénir 2e gr, mais eau bénite), souvent il demeure mais dans un domaine professionnel très étroit (traire la vache, mais tirer n'importe quoi d'autre, pondre un oeuf, mais poser n'importe quoi d'autre). Parfois, le processus de disparition est entravé par la concurrence de toute façon plus forte d'un verbe encore plus simple : soustraire/soutirer (enlever), teindre/teinte (colorer). Mais d'expérience, pour mes élèves, feindre, c'est de l'ancien français, et j'ai vu assez de *soustrayé et autre nous *moulissons le café pour ne pas me faire beaucoup d'illusions sur l'avenir du troisième groupe. Je me bats aussi aussi pour clore/cloturer et ceindre/ceinturer, sans espoir non plus.
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Eric
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Re: Français -> Latin. Artiste en détresse

Post by Eric »

Merci beaucoup, spécialement à Sisyphe, pour toutes ces passionnantes précisions. Mon ami va maintenant pouvoir choisir son titre en connaissance de cause. Bonne journée!
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