Un joli mystère, parce qu'en ouvrant mon Budé, je ne vois aucune variante de leçons (c'est-à-dire dans le jargon aucune variante entre les manuscrits) pour ce ὅτι, mais en même temps, je m'aperçois que la deuxième ligne de mon Budé a été manifestement réimprimée
(ce n'est pas la même police de caractère ! C'est la seule ligne au style "années 1990", alors que le reste est une réimpression photomécanique de 1955)...
Vous avez de la chance, c'est un des rares auteurs grecs pour lequel je dispose de l'édition Oxford, sans traduction mais plus riche en apparat. Voici exactement ce qu'elle dit :
2-5 varie temptati 2 ὅ τι ] ὅτι Hermann
Je décode : les vers 2 à 5 sont très difficile à comprendre, et plusieurs éditeurs ont "tenté" de le corriger "de diverses manières". En l'occurrence, les manuscrits donnent tous ὅ τι en deux mots ("ce que"), et le dénommé Hermann a proposé de lire ὅτι en un seul mot ("que"), ce qui rend déjà la chose plus claire... Donc, à mon avis, la correction en τι est une correction
ad hoc de l'éditeur du manuel scolaire, qui voulait encore simplifier les choses pour des élèves... Ou alors plus probablement c'était une "correction abusive involontaire" de la part de l'éditeur Budé originel (en l'occurrence Alphonse Dain) qui contrairement à moi comprenait le grec tout en le recopiant ; ce qui expliquerait qu'elle ait été corrigée par Irigoin, très grand connaisseur des manuscrits, dans le dernier tirage.
...
Et je m'arrête un instant devant le fait qu'autrefois on pouvait donner ce texte à des collégiens, alors que même à des khâgneux, aujourd'hui, je n'oserais pas ; d'ailleurs pour être honnête, même moi, le génitif absolu au duel νῷν ἔτι ζώσαιν, il me fait tourner la tête...
Reprenons.
ὦ κοινὸν ... Ἰσμήνης κάρα* = ô ma cher Ismène
αὐτάδελφον = qui a le même frère que moi
ἆρ᾽ οἶσθά = tu sais bien
τι ... τῶν ἀπ᾽ Οἰδίπου κακῶν = lequel parmi les malheurs qui touchent Oedipe
ὁποῖον = lequel
Ζεὺς ... οὐχὶ ... τελεῖ = Zeus n'accomplira pas
νῷν ἔτι ζώσαιν = de notre vivant (nous deux encore vivantes)
Ἰσμήνης κάρα : celui-là non plus je ne l'avais pas vu depuis longtemps, "tête d'Ismène", hellénisme bien connu pour traduire l'affection.
Dans tous les cas, il y a un subordonnant de trop ; on attend οἶσθα ὁποῖον "tu sais lequel" ("was für ein...", interrogatif de qualité, "quelle sorte de"), ou bien οἶσθά τι (c'est à dire τί accentué, mais avec l'accent qui remonte sur le propérispomène précédent...) "tu sais lequel"... Cela étant :
1) Tout helléniste vous le dira (un grand professeur nous l'avait dit) : il n'y a pas de subordonnée interrogative en grec, ils ne savent même pas ce que c'est (comme mes élèves en fait... Mes élèves sont très hellènes par certains côtés). Donc, il n'y a pas de syntaxe claire de l'interrogative indirecte.
2) Les répétition abusive ou superfétatoire d'interrogatifs, c'est commun dans toutes les langues, cf. en français "*c'est de vous dont il est question" (c'est censé être une faute, mais on le trouve chez Molière !).
3) De toute façon, c'est du grec !