En fait, non. Car dans le Sinaïticus on le trouve écrit de cette façon κάμηλō (Luc 18:25) : voir fichier 1
Je n'avais pas compris que votre question était codicologique.
En réalité, la barre que vous voyez sur l'omicron est un abréviation pour un nu ; vous avez la même quelques lignes lignes plus bas : ειс τη‾ | βασιλειαν = εἱς τὴν βασιλείαν ("dans le royaume").
La même abréviation existe dans les textes latins, c'est celle qui donne notre tilde, qui en portugais encore marque la présence d'un ancien N (cães < canes, c'est très bien expliqué ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tilde ).
- raphis ("ραφις" vient d'un verbe qui signifie "coudre") en Matthieu 19:24 et Marc 10:25 : voir fichier 2
Mais dans le Sinaïticus on le trouve sous la forme : Ρ Α Φ Ι Δ Ο C (ραφιδοϲ)
ῥαφίδος est le génitif de ῥαφίς, puisqu'il complète τρήματος ("le trou d'une aiguille", le chas en bon français).
Si ces mots grecs traduits pas "aiguille" trouvent réellement leur origine dans des verbes et des termes liées à la couture et à la chirurgie, ne peut-on pas en conclure que le doute n'est plus permis et reconnaître que "le trou de l'aiguille" n'est pas une petite porte mais bien le chas d'une aiguille à coudre
J'avoue que je ne me suis jamais demandé s'il y avait une différence entre ῥαφίς et βελόνη.
Si on en croit le dictionnaire étymologique de Chantraine, à part l'étymologie, le premier est plutôt familier et appartient à la koiné (la langue commune de tout l'orient hellénophone, en gros l'anglais global qui écrit "center, globalization, the man I saw"), et le second est plutôt propre à l'attique et donc à la littérature classique (en gros l'anglais littéraire britannique qui écrit "centre, globalisation et the man whom I saw") . Donc grosso modo, c'est la différence entre "chaussure" et "soulier" : y'en a pas... Pas de doute sur le fait que cela désigne le même objet, d'ailleurs les deux peuvent aussi désigner le même poisson (l'ophiure).
En l'occurrence, ce serait un (minuscule) argument en faveur de la théorie de l'ancienneté de Mathieu sur les deux autres synoptiques : typiquement, on peut imaginer que le transcripteur (appelons-le "Luc" par convention, même si vous savez que c'est plus complexe) voit un mot qu'il juge désuet et le remplace par le mot réellement employé à son époque... Comme si j'héritais de la maison de ma grand-mère et que je décidais de partir de la déclaration d'assurance qu'elle a faite en 1957 pour faire la mienne en 2018, je remplacerais sans doute "transistor" par "radio". C'est du même ordre.
Mais bon : sur la théorie des deux sources, la source Q et tout cela, je n'ai aucune compétence réelle.
Au passage d'ailleurs, plus personne ne dit "le chas d'une aiguille", tout le monde dira "le trou", sauf les profs de lettres (qui cousent peu
).
En revanche, ça ne résout pas le mystère de ce qui passe à travers le chas/trou de cette aiguille, d'une corde ou d'un chameau. J'en reste à ma conclusion.