ElieDeLeuze wrote: ↑12 Aug 2017 09:49
Linguistiquement, oui, le mot s'applique à des dieux différents. Ce n'est qu'un mot. C'est la théologie qui introduit des différences conceptuelles, mais le mot reste. Il se trouve que depuis longtemps, les langues européennes occidentales ont emprunté le mot "allah" comme un nom propre, un nom de dieu d'une religion particulière, comme on dit Ganesh ou Amaterasu (qui sont eux vraiment des noms propres dans leur langue d'origine). C'est une confusion que Malte nous aide à dissiper. Merci Malte.
Comme tous les prophètes, je ne peux que révérer la parole du prophète précédent, et surtout pas la contredire, mais à la rigueur aller encore plus loin. Elie a donc parlé avec sagesse, et trouvé la raison de l'existence de Malte
En l'occurrence, il faut se souvenir que
toutes les religions monothéiste ont pris, partout sur terre, la suite de religions polythéistes (ce qu'une minorité ne mes élèves n'arrivent pas à admettre d'ailleurs : ils conviennent que Mahomet a fondé l'Islam, mais ils ne veulent pas admettre que les Arabe n'étaient pas musulmans avant l'Islam ; la théologie supposent parfois une Delorrean).
Elles se sont donc débrouillées avec les restes linguistiques et théologiques de celle-ci. À ma connaissance, toutes les langues européennes utilisent le même mot pour les dieux au pluriel et pour Dieu, avec quelques bidouillages linguistiques comme la majuscule (impossible en allemand puisqu'il y en a à tous les noms), l'absence d'article quand il existe des articles (impossible en latin), etc. (le latin et le grec ont dû d'ailleurs dû réinventer un vocatif pour leurs mots respectifs alors que normalement on n'interpellait jamais un dieu tout seul, d'où des très maladroits
Dee et θεέ). L'arabe a fait exactement pareil :
Allah est le mot
'êl, qui est aussi "symptomatique" des langues sémitiques pour désigner le ou les dieux que
god l'est pour les langues germaniques - plus un "truc en plus"
dont la nature exacte est discutée, un article ou un particule d'adresse ("ô..."), mais qui ne sépare pas plus Allah du pluriel ("les dieux") que ne le font la majuscule et l'absence d'article en français.
L'hébreu fait partiellement bande à part en ce sens que Yawheh est bien un nom propre - c'était un des dieux du polythéisme initial, et pour une raison mystérieuse, il a pris la première place - mais il y a des "traces" de polythéisme dans les plus anciens livres de la Bible (il y a toujours des oublis dans une mise à jour), qui ont toujours bien embêté les théologiens. Mais le nom commun
'êl apparaît çà et là, comme d'ailleurs le pluriel bien connu
elohim pour désigner Yawheh, supposé être un pluriel de majesté mais qui pourrait bien être une de ces traces.
Pour être honnête, je crois que les Turcs se prennent un peu les pieds entre
tanrı,
ilâh et
Allah, respectivement nom commun turcogène, nom commun arabogène et quasi-nom propre, en fonction de leurs croyances, leurs opinions et l'atmosphère politique du moment...
Pour l'aspect théologique, et pour répondre à la première question posée, il faut bien avoir à l'esprit qu'aucun prophète ne prétend "inventer une nouvelle religion", mais réforme la sienne de la bonne façon (c'est-à-dire celle voulue par Dieu) et n'imagine pas qu'on ne va pas le suivre ; Jésus ne meurt pas chrétien, Luther ne s'imagine pas luthérien et Wesley ne pensait pas qu'il y aurait un jour un wesleyanisme. les dénominations sont toujours largement postérieures et accidentelles. Mes élèves n'arrivent pas à comprendre que lorsque Aggrippa d'Aubigné, dans les
Tragiques, fin XVIe, écrit "les Chrétiens" tous les cinq vers, cela veut dire systématiquement "les protestants". Parce que dans son esprits, ils sont les chrétiens et les autres sont au sens propre des mécréants, même si aujourd'hui catholiques et protestants "normaux" (au sens gaussien du terme : la grosse moyenne) acceptent de s'entre-considérer "chrétiens". La question de qui massacre, ségrège ou tolère qui n'est qu'une question de majorité numérique et de situation politico-intellectuelle globale. On oublie d'ailleurs systématiquement en Europe que l'empire fatimide était bel et bien chiite et non sunnite.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)