Je commence donc par le seule que je connaisse bien : la télé suisse.
D'abord, il n'y que deux chaines par langue pour le français (Télévision Suisse Romande, TSR), l'allemand (Schweizerdeutscher Fernsehsender, SF) et l'italien (Televizione Svizzera Italiana, TSI). Mais le romanche, la quatrième langue du pays, se taille de petits bouts de "Televiza romunzcha" sur la SF1 et la TSI1. Il n'y a pas de télé privée, mais on capte les télés étrangères d'à peu près partout, sauf au fin fond des Appenzell.
Les programmes commencent tard. Pas avant sur 11 heures du mat' sur TSR2 ! Avant, soit ils retransmettent Euronews, soit - et c'est le cas le plus courant - défile en boucle une sorte de "météo des stations de ski" (même en été...), mais sans parole : tout est écrit à l'écran.
D'ailleurs, jusqu'à récemment, sur la TSI, il y avait même des infos écrites en boucle après minuit. Toutes les télés ferment à 1 heure.
Il y encore des speakerine à la télé suisse, alors que chez nous, elles ont disparu depuis quinze ans.
D'ailleurs beaucoup de choses à la télé suisse ont l'air de sortir du temps de l'ORTF : les pubs, les émissions de variétés, les décors des plateaux...
Les pubs sont toujours très drôles pour un français, soit qu'elles soient très niaises (avec des démonstrations façon télé-achat), soit qu'elles soient tout en anglais, mais avec l'accent suisse ! Car il n'y a pas de loi Toubon en Suisse. Donc, l'anglais est envahissant. Toutes les pubs se terminent par "en Suisse à Migros" OU "en Suisse, à la Coop", qui sont les deux quasi-monopoles de la distribution.
Le journal télé, chez nous le JT donc, s'appelle là-bas le téléjournal (tout attaché), le TJ. Le PPDA suisse s'appelle Darius Rochebin (c'est joli, non, Darius

Mais là-bas, le journal est à 19h45, et le film à 20h10.
Pour être honnête, il faut reconnaître que leur "TJ" est d'un professionalisme et d'une qualité rare, très loin des JT français. Moins égocentriques, moins "entertainment". On y parle plus et mieux des actualités internationales.
La SF1 et la SF2 sont particulièrement schizophrènes du point de vue linguistique : tout ce qui est écrit à l'écran ou préparé est en haut-allemand : jingles, annonce de film ou d'émission, journal télé. Mais tout le reste est en schwyzertütsch (donc totalement incompréhensible). Les pubs sont en allemand quand il s'agit de produit étangers (car c'est la même pub que pour l'Allemagne) mais en schwyzertütsch dès qu'il s'agit d'un produit suisse. Si le présentateur du TJ interviewe un homme politique, la question est en hochdeutsch, mais la réponse est presque toujours en dialecte.
Le 1er août, jour de la fête nationale, toutes les télé retransmettent le même programme durant toute la soirée. Mais c'est très loin de nos défilés militaires : il s'agit plutôt d'une fête folklorique, avec chansons traditionnelles, yodl, groupes de dans folklo dans une ambiance "fête de village", chaque année dans une ville différente, souvent de petite taille. Puisque le programme est le même sur toutes les chaines, les présentateurs "sautent" d'une langue à l'autre.
Bref, au final, c'est une télé bien sympathique, parfois un peu mièvre, mais toujours très professionnelle, propre, loin du trash de la télé-réalité, passant plutôt de bon films et de bon feuilletons, des émissions de débat politiques très nombreuses (on discute et on vote souvent en Suisse) et très calme, où l'on ne s'interrompt presque jamais. Quelques émissions, comme "Temps Présent" (documentaires, façon "Envoyé Spécial") ou "les Babibouchettes" (adorables marionnettes-chaussettes pour les enfants) sont là depuis trente ans au moins.
Enfin, il y a une chose que les Français savent peu : les Suisses ont énormément d'humour. Notamment un humour "auto-centré" : ils se moquent d'eux-mêmes. Ainsi, la grande star comique suisse est... un travesti ! Sur scène, il/elle s'appelle "Marie-Thérèse Porchet", et joue le rôle d'une "Suissesse romande moyenne", façon "Bidochons". Et elle passe à la moulinette tous les clichés sur la Suisse et les Suisses, en frôlant parfois le bon goût mais sans jamais y tomber. C'est un monument là-bas.
Ainsi, pour clore "l'Expo 02", sorte de grande expo nationale il ya deux ans qui avait beaucoup fait jaser à cause d'un budget faramineux et des projets d'art conceptuel incompréhensibles et douteux, la direction de l'expo elle-même a eu l'idée de l'inviter pour faire un spectacle sur l'expo, dont elle se moquait, donc, avec impertinence, allant jusqu'à ridiculer la directrice de l'expo (qu'elle faisait passer pour une sorte de dominatrice SM) devant elle et avec sa complicité.
Si les Français avaient autant d'humour sur eux-même, ils arrêteraient de se moquer des Suisses.
