Un Dumas inédit
Un Dumas inédit
Après des années de recherche, le manuscrit du dernier roman de Dumas, inachevé, vient d'être retrouvé.
Il est publié chez Phébus : Le Chevalier de Saint Hermine
Il est publié chez Phébus : Le Chevalier de Saint Hermine
La folie des uns est la sagesse des autres
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Je trouve ça beau, personnellement.kokoyaya wrote:Oui mais mon interrogation porte sur autre chose : comment quelque chose d'inachevé peut-il être lisible ?
Imagine un roman policier inachevé : c'est bête si tu te tapes 500 pages et que tu ne connais pas le nom du coupable
Albert Camus aussi est décédé alors qu'il allait finir un livre. Le livre a été publié, mais je ne sais plus duquel il s'agit. L'histoire se finit d'un coup alors que toutes les clés ne sont pas données.
Cette année j'ai étudié un livre inachevé, c'est Perceval ou le roman du
Graal du Chrétien de Troyes.
Et même si des continuateurs ont imaginé une fin, je trouve pas ça super dans le sens où on ne sait pas du tout si l'auteur aurait aimé que la fin de son histoire prenne cette tournure là.
Graal du Chrétien de Troyes.
Et même si des continuateurs ont imaginé une fin, je trouve pas ça super dans le sens où on ne sait pas du tout si l'auteur aurait aimé que la fin de son histoire prenne cette tournure là.
"Qui trop sauce ses plats jamais ventre plat n'aura"
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D'ailleurs, on sort de l'oeuvre de la personne. On ne peut plus dire que c'est untel qui l'a écrit dans ce cas-là. L'oeuvre inachevée est l'oeuvre d'un être humain, elle doit rester dans l'état où elle était lorsque ce même être humain s'en est allé.enora wrote:Et même si des continuateurs ont imaginé une fin, je trouve pas ça super dans le sens où on ne sait pas du tout si l'auteur aurait aimé que la fin de son histoire prenne cette tournure là.
- Sisyphe
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- Location: Au premier paquet de copies à gauche après le gros dico
Il y a des tas de classique de la littérature qui ne sont pas achevés : Lucien Leuwen de Stendhal, les Pensées de Pascal (qui ne sont même pas mises en ordre - il y a d'ailleurs plusieurs éditions divergentes, la plus autorisé étant celle de Brunschvig) ; ça n'a pas empêché le premier d'être adapté pour la télévision, et le second d'être un méga-tube des classes de philosophie.
Pour d'autres la fin a été perdue : la poétique d'Aristote s'arrête au milieu d'une phrase. Le dernir vers du plus célèbre poème de Sappho est incompréhensible et a peut-être été coupé.
Virgile, enfin, s'il a terminé le récit à proprement parler de l'Enéide a laissé plusieurs dizaines de vers incomplets. La légende veut même qu'il ait demandé à ses amis de détruire le manuscrit, plutôt que de laisser une oeuvre incomplète - mais l'empereur Auguste serait intervenu pour qu'il n'en fût rien.
Les lettres n'ont pas le monopole de l'inachèvement. Les tableaux esquissés sont légions, curieusement les statues à moitié bloc de marbre sont plus rares. Le plus étonnant, c'est en musique. Si la symphonie inachevée de Schubert est encore cohérente (puisqu'il ne lui manque en fait qu'un mouvement), la dernière oeuvre de Bach, qui s'achève en plein milieu d'un contrepoint est saisissante ! La encore, la légende s'en empare et prétend qu'il est mort dessus (disons qu'il est certainement mort pendant, de là à l'imaginer s'écroulant sur son clavecin...) ; mais entendre et voir cette oeuvre jouée (et c'est mon cas) a quelque chose d'étonnant : les musiciens sont obligés de rester "en l'air", chose dont il n'ont physiquement pas même l'habitude (l'archet levé, et l'air presque idiot de ne pas savoir comment reposer le bras avec élégance)...
Editer les fonds de tiroir est parfois une histoire de gros sous, c'est vrai (souvenez-vous de ces cinq minutes d'une chanson inédite de Lenon enregistrés sur une mauvaise cassette au chrôme et un magnétophone Fisher Price, extrapolés-remasterisés-rebidouillées et sortis en grande pompe).
Mais ce peut être aussi passionnant pour les spécialistes universitaires ( songez au pauvre universitaire qui s'ennuie au fond d'un bureau parce que tout a été dit sur son sujet de spécialité !). Il y a quelques temps, on a retrouvé quelques manuscrits de Saussure qui ont fait baver d'envie tous les linguistomaniaques de la terre ; en fait grosse déception : ce salaud écrivant et abrégeant en hiéroglyphe de la 8e dynastie (j'ai aussi ce défaut, mais moi j'abrège en hiérolgyphe de la 21e dynastie, qui sont déjà plus lisible. Et puis je suis pas Saussure, et ne notant du reste qu'un mot sur trois, il n'y a pas grand-chose à tirer.
Car Saussure est l'exemple-type de l'auteur-fonds-de-tiroir. Saussure, il faut le savoir, n'a rien écrit dans sa vie ! Sa célébrité intergalactique vient de : 1. D'un mémoire universitaire (un DEA quoi, même pas une thèse) soutenu à Leipzig où il a inventé toute la linguistique diachronique moderne ; 2. Des notes de cours de ses étudiants péniblement rassemblés et publiés après sa mort sous le titre "cours de linguistique générale" - mais qui ont fondé toute la linguistique synchronique.
Pour d'autres la fin a été perdue : la poétique d'Aristote s'arrête au milieu d'une phrase. Le dernir vers du plus célèbre poème de Sappho est incompréhensible et a peut-être été coupé.
Virgile, enfin, s'il a terminé le récit à proprement parler de l'Enéide a laissé plusieurs dizaines de vers incomplets. La légende veut même qu'il ait demandé à ses amis de détruire le manuscrit, plutôt que de laisser une oeuvre incomplète - mais l'empereur Auguste serait intervenu pour qu'il n'en fût rien.
Les lettres n'ont pas le monopole de l'inachèvement. Les tableaux esquissés sont légions, curieusement les statues à moitié bloc de marbre sont plus rares. Le plus étonnant, c'est en musique. Si la symphonie inachevée de Schubert est encore cohérente (puisqu'il ne lui manque en fait qu'un mouvement), la dernière oeuvre de Bach, qui s'achève en plein milieu d'un contrepoint est saisissante ! La encore, la légende s'en empare et prétend qu'il est mort dessus (disons qu'il est certainement mort pendant, de là à l'imaginer s'écroulant sur son clavecin...) ; mais entendre et voir cette oeuvre jouée (et c'est mon cas) a quelque chose d'étonnant : les musiciens sont obligés de rester "en l'air", chose dont il n'ont physiquement pas même l'habitude (l'archet levé, et l'air presque idiot de ne pas savoir comment reposer le bras avec élégance)...
Editer les fonds de tiroir est parfois une histoire de gros sous, c'est vrai (souvenez-vous de ces cinq minutes d'une chanson inédite de Lenon enregistrés sur une mauvaise cassette au chrôme et un magnétophone Fisher Price, extrapolés-remasterisés-rebidouillées et sortis en grande pompe).
Mais ce peut être aussi passionnant pour les spécialistes universitaires ( songez au pauvre universitaire qui s'ennuie au fond d'un bureau parce que tout a été dit sur son sujet de spécialité !). Il y a quelques temps, on a retrouvé quelques manuscrits de Saussure qui ont fait baver d'envie tous les linguistomaniaques de la terre ; en fait grosse déception : ce salaud écrivant et abrégeant en hiéroglyphe de la 8e dynastie (j'ai aussi ce défaut, mais moi j'abrège en hiérolgyphe de la 21e dynastie, qui sont déjà plus lisible. Et puis je suis pas Saussure, et ne notant du reste qu'un mot sur trois, il n'y a pas grand-chose à tirer.
Car Saussure est l'exemple-type de l'auteur-fonds-de-tiroir. Saussure, il faut le savoir, n'a rien écrit dans sa vie ! Sa célébrité intergalactique vient de : 1. D'un mémoire universitaire (un DEA quoi, même pas une thèse) soutenu à Leipzig où il a inventé toute la linguistique diachronique moderne ; 2. Des notes de cours de ses étudiants péniblement rassemblés et publiés après sa mort sous le titre "cours de linguistique générale" - mais qui ont fondé toute la linguistique synchronique.
Là, le problème est totalement différent. La notion "d'auteur" n'existe pas au moyen-âge, pas plus que celle de propriété intellectuelle. Chrétien de Troyes ne fait que s'insérer dans une légende préexistante et lui donner telle ou telle forme. S'il ne l'a pas terminée, c'est peut-être parce qu'il n'y est pas arrivée, parce que Perceval n'était finalement pas le bon héros, qu'il lui fallait encore plus pure, encore plus chrétien, etc. Mais la Queste del Saint Graal du pseudo-Gauthier Map n'est pas non plus la véritable continuation. C'est une autre tentative. Celle-là aboutit, mais au prix du sacrifice complet de l'interêt littéraire (on ne peut trouver le Graal que si l'on est parfait. Et un héros parfait n'a aucun intérêt. Galaad est encore plus pâlot que Luke Skywalker) - car c'est une oeuvre vraiment mauvaise.Enora wrote: Cette année j'ai étudié un livre inachevé, c'est Perceval ou le roman du
Graal du Chrétien de Troyes.
Et même si des continuateurs ont imaginé une fin, je trouve pas ça super dans le sens où on ne sait pas du tout si l'auteur aurait aimé que la fin de son histoire prenne cette tournure là.