Bonjour, bonsoir (ça dépend de votre fuseau horaire),
Je me suis longuement interrogé sur l'expression "Deus ex machina", les machines (aux sens propres & contemporains) n'existant pas à l'époque romaine.
Ἀπὸ μηχανῆς θεός, donc "Dieu issu de la machine" ou "Dieu descendu de la machine" ?
On sait que "ex" signifie "en dehors"... mais cette expression, de quand date-t-elle ? Il semblerait, d'après mes recherches, que ce soit une expression théâtrale signifiant "le truc de dernière minute complètement inattendu" utilisée par les comédiens.
Néanmoins, question : peut-on utiliser "Deus ex machina" lorsqu'un étudiant a une révélation de dernière minute ?
Chez Molière, l'intervention de l'autorité royale constitue une variante du Deus ex machina : dans Tartuffe, la dernière réplique est un éloge du prince, auquel le recours a été rendu nécessaire par les violentes attaques des coteries contre la pièce : "Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, / Un prince dont les yeux se font jour dans les cœurs, / Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs.".
Père D.
Deus ex machina
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Innocent II (1139)
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Re: Deus ex machina
L'origine de l'expression est très simple et très concrète : la mekhanê était un dispositif de levage (sans doute une nacelle ou un trapèze suspendu à une grue) permettant de faire monter ou descendre un individu depuis le toit de la skênê (le mur de fond de scène) jusque sur la scène elle-même. En somme, c'est un "effet spécial" du théâtre antique, qui devait impressionner autant que le "théâtre à machine" du XVIIe siècle.
La version anglaise de l'article de wikipedia rappelle d'ailleurs que ce dispositif fut utilisé hors du théâtre proprement dit, notamment lors des funérailles de César.
La position au-dessus du toit de la skene est courante dans le théâtre grec, machine ou pas. Dans Les Grenouilles, où Aristophane se moque de Socrate, celui-ci s'y trouve vraisemblablement, dans son "pensoir" - façon traditionnelle de se moquer de l'intellectuel "dans les nuages".
Vous me semblez sous-estimer par ailleurs grandement le développement technique de l'Antiquité : les Grecs et plus encore les Romains ont développé des machines, nombreuses et parfois très complexes - les Romains ont même laissé des traités d'ingénierie méchanique. Je vous invite par exemple à prendre connaissance de cette petite vidéo sur la reconstitution d'une scie hydraulique romaine : https://www.youtube.com/watch?v=gD-8Nal3hqk et à les suivre sur Facebook : https://www.facebook.com/sciehydraulique/
De façon plus austère, l'article dans le "Daremberg & Saglio", somme vieillie mais irremplaçable sur l'Antiquité : http://dagr.univ-tlse2.fr/consulter/2025/MACHINA
Les seules ruptures avec l'époque moderne au sens propre, c'est l'apparition de la force de la vapeur au XVIIIe ; et encore, les anciens en connaissaient le principe à travers l'éolipile sur lequel nous sommes bien renseignés, et les Romains ont été de remarquables "techniciens du feu" et de la conduction ou de la répartition de la chaleur (comme le prouvent tous les mécanismes de chauffage central qu'ils ont mis au point).
En fait, si le développement des forces mécanique est resté limité dans l'Antiquité, c'est dans les usages, et non dans les inventions. Le meilleur exemple en est la machine d'Anticytère, véritable "proto-ordinateur" d'une difficulté mécanique et mathématique incroyable, mais qui n'est resté qu'à l'état de "jouet pour riches" (comme l'éolipile d'ailleurs). Le pourquoi de cet état de faits est discuté parmi les historiens. Les causes alléguées les plus courante sont d'une part l'existence d'une masse d'esclave presque inépuisable (qui rend inutile tout "investissement" dans la science mécanique, sauf quand la force humaine ou animale est véritablement insuffisante : pour scier la pierre par exemple) ; le meilleur témoignage en est la rareté des moulins à eau ou à vent : à Pompéi, toutes les meules sont des "moulins à sang", c'est-à-dire actionnées par des bêtes ou des esclaves, et ceci dans l'espace de la boulangerie, et non dans un moulin "centralisé" comme ce sera le cas au Moyen Âge ; et d'autre part l'absence d'un matériau combustible à bon rendement : même le bois est rare en Italie ou plus encore en Grèce, et le charbon n'affleure guère, même si là encore les auteurs techniques de l'Antiquité connaissent très bien sa nature. Mais on s'en sert uniquement pour faire des "cailloux à écrire".
La version anglaise de l'article de wikipedia rappelle d'ailleurs que ce dispositif fut utilisé hors du théâtre proprement dit, notamment lors des funérailles de César.
La position au-dessus du toit de la skene est courante dans le théâtre grec, machine ou pas. Dans Les Grenouilles, où Aristophane se moque de Socrate, celui-ci s'y trouve vraisemblablement, dans son "pensoir" - façon traditionnelle de se moquer de l'intellectuel "dans les nuages".
Vous me semblez sous-estimer par ailleurs grandement le développement technique de l'Antiquité : les Grecs et plus encore les Romains ont développé des machines, nombreuses et parfois très complexes - les Romains ont même laissé des traités d'ingénierie méchanique. Je vous invite par exemple à prendre connaissance de cette petite vidéo sur la reconstitution d'une scie hydraulique romaine : https://www.youtube.com/watch?v=gD-8Nal3hqk et à les suivre sur Facebook : https://www.facebook.com/sciehydraulique/
De façon plus austère, l'article dans le "Daremberg & Saglio", somme vieillie mais irremplaçable sur l'Antiquité : http://dagr.univ-tlse2.fr/consulter/2025/MACHINA
Les seules ruptures avec l'époque moderne au sens propre, c'est l'apparition de la force de la vapeur au XVIIIe ; et encore, les anciens en connaissaient le principe à travers l'éolipile sur lequel nous sommes bien renseignés, et les Romains ont été de remarquables "techniciens du feu" et de la conduction ou de la répartition de la chaleur (comme le prouvent tous les mécanismes de chauffage central qu'ils ont mis au point).
En fait, si le développement des forces mécanique est resté limité dans l'Antiquité, c'est dans les usages, et non dans les inventions. Le meilleur exemple en est la machine d'Anticytère, véritable "proto-ordinateur" d'une difficulté mécanique et mathématique incroyable, mais qui n'est resté qu'à l'état de "jouet pour riches" (comme l'éolipile d'ailleurs). Le pourquoi de cet état de faits est discuté parmi les historiens. Les causes alléguées les plus courante sont d'une part l'existence d'une masse d'esclave presque inépuisable (qui rend inutile tout "investissement" dans la science mécanique, sauf quand la force humaine ou animale est véritablement insuffisante : pour scier la pierre par exemple) ; le meilleur témoignage en est la rareté des moulins à eau ou à vent : à Pompéi, toutes les meules sont des "moulins à sang", c'est-à-dire actionnées par des bêtes ou des esclaves, et ceci dans l'espace de la boulangerie, et non dans un moulin "centralisé" comme ce sera le cas au Moyen Âge ; et d'autre part l'absence d'un matériau combustible à bon rendement : même le bois est rare en Italie ou plus encore en Grèce, et le charbon n'affleure guère, même si là encore les auteurs techniques de l'Antiquité connaissent très bien sa nature. Mais on s'en sert uniquement pour faire des "cailloux à écrire".
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
- Andergassen
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Re: Deus ex machina
Les Grecs anciens connaissaient déjà l'usage de la vapeur, comme en témoigne le concours de charades (tiens, comme on se retrouve !) dans "La Belle Hélène" (Acte I, scène 11) :
Ménélas
CHARADE
Mon premier se donne au malade ;
Mon deuxième, c'est vous ou moi...
Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l'emploi
Est d'aller, quand la nuit arrive,
Partout ramasser les haillons,
Les chiffons.
Mon quatrième est une rive
Où manque l'air absolument.
Mon tout par les chemins s'en va comme le vent.
...
Pâris
Mon premier se donne au malade : loch*...
Mon deuxième, c'est vous ou moi : homme !
Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l'emploi
Est de ramasser les chiffons...
Achille vivement
Hotte !...
Agamemnon
Tout le monde l'a dit.
Achille à Pâris
Je t'attends au quatrième.
Pâris
M'y voici !... Il est bête, le quatrième, mais il n'est pas difficile... une rive sans r.. ive !... Loch, homme, hotte, ive.
Achille vivement
Locomotive !... j'ai trouvé !
Pâris
Oui, locomotive... Et c'est très fort d'avoir trouvé ça quatre mille ans avant l'invention des chemins de fer.
*Il serait vain de chercher dans le dictionnaire le terme "loch" dans le sens d'une potion destinée à soulager les voies respiratoires. Ce terme est totalement désuet. Les versions modernes donnent pour définition, par exemple, "Lac au nord d'Albion".
Ménélas
CHARADE
Mon premier se donne au malade ;
Mon deuxième, c'est vous ou moi...
Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l'emploi
Est d'aller, quand la nuit arrive,
Partout ramasser les haillons,
Les chiffons.
Mon quatrième est une rive
Où manque l'air absolument.
Mon tout par les chemins s'en va comme le vent.
...
Pâris
Mon premier se donne au malade : loch*...
Mon deuxième, c'est vous ou moi : homme !
Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l'emploi
Est de ramasser les chiffons...
Achille vivement
Hotte !...
Agamemnon
Tout le monde l'a dit.
Achille à Pâris
Je t'attends au quatrième.
Pâris
M'y voici !... Il est bête, le quatrième, mais il n'est pas difficile... une rive sans r.. ive !... Loch, homme, hotte, ive.
Achille vivement
Locomotive !... j'ai trouvé !
Pâris
Oui, locomotive... Et c'est très fort d'avoir trouvé ça quatre mille ans avant l'invention des chemins de fer.
*Il serait vain de chercher dans le dictionnaire le terme "loch" dans le sens d'une potion destinée à soulager les voies respiratoires. Ce terme est totalement désuet. Les versions modernes donnent pour définition, par exemple, "Lac au nord d'Albion".
Par de bons mots foudroyons la sottise, craignons le sang ; ne versons que le vin.
Re: Deus ex machina
Je viens de me réveiller, ça fait beaucoup d'une seule traite. Surtout après une bonne vielle cuite... à la vapeur. Je répondrai plus tard, histoire que mes méninges re-fusionnent.
Lat' m'a menacé deux fois de changer de forum. Visiblement je n'ai pas ma place ici.
Néanmoins, merci Sisyphe, merci Ander. Je prends un café, ça va passer.
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"Omne datum optimum et omne donum perfectum"
Innocent II (1139)
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Re: Deus ex machina
Vous avez mal compris une invitation a réserver certains propos à d'autres lieux.Le Moine wrote: ↑27 Sep 2019 12:10 Je viens de me réveiller, ça fait beaucoup d'une seule traite. Surtout après une bonne vielle cuite... à la vapeur. Je répondrai plus tard, histoire que mes méninges re-fusionnent.
Lat' m'a menacé deux fois de changer de forum. Visiblement je n'ai pas ma place ici.
Néanmoins, merci Sisyphe, merci Ander. Je prends un café, ça va passer.
Je ne rote pas n'importe où, faites de même.
Les courses hippiques, lorsqu'elles s'y frottent.
Re: Deus ex machina
Merci d'avoir supprimé l'une de mes réponses,
Ici, est-ce un bar ?
Sisyphe m'a été plus fructueux que vous (vu qu'on doit vous vouvoyer).
Ne m'envoyez point au bagne, Monseigneur Latinus...
Sinon, oserais-je dire, deus ex machina...
PS : encore un triple merci Sisyphe ! Mais je ne saisis pas la nuance entre "cailloux à écrire" et "Dieu issu de la machine". Le caillou (fonds primitif) état-il considéré comme une machine ?
Ici, est-ce un bar ?
Sisyphe m'a été plus fructueux que vous (vu qu'on doit vous vouvoyer).
Ne m'envoyez point au bagne, Monseigneur Latinus...
Sinon, oserais-je dire, deus ex machina...
PS : encore un triple merci Sisyphe ! Mais je ne saisis pas la nuance entre "cailloux à écrire" et "Dieu issu de la machine". Le caillou (fonds primitif) état-il considéré comme une machine ?
Last edited by Le Moine on 27 Sep 2019 15:59, edited 1 time in total.
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Innocent II (1139)
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Re: Deus ex machina
Je laisse ce dernier mot.
Les suivants, de votre plume, devront au préalable être validés par la modération.
p.s. : le fait d'éditer un message le renvoie à validation.
Les suivants, de votre plume, devront au préalable être validés par la modération.
p.s. : le fait d'éditer un message le renvoie à validation.
Les courses hippiques, lorsqu'elles s'y frottent.
- Sisyphe
- Freelang co-moderator
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Re: Deus ex machina
Le ton pris par le demandeur, notamment en privé, ne me plaisant pas plus qu'à Latinus, je verrouille ce sujet. La règle s'impose à tous.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)