Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

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Achille
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Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Achille »

Bonjour,
Une version proposée dans mon manuel de grec ancien est accompagnée de questions sur le texte à traduire. L'abréviation κ. τ. α. est présente dans deux questions :

- Quel est le rôle de καὶ dans καί ἀπὸ τῶν μετώπων κ. τ. α. ?
- L'accentuation de τινὲς ne semble-t-elle pas irrégulière dans τὰ δὲ γένεια τινὲς μὲν κ. τ. α. ?

Savez-vous ce que signifie cette abréviation ?

Je vous remercie.
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Sisyphe
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Sisyphe »

Achille wrote: 01 May 2020 17:14 Bonjour,
Une version proposée dans mon manuel de grec ancien est accompagnée de questions sur le texte à traduire. L'abréviation κ. τ. α. est présente dans deux questions :

Savez-vous ce que signifie cette abréviation ?
:papy: je sens que vous utilisez encore un manuel du XIXe siècle !

Je connaissais κ.τ.λ. = καὶ τὸ λοιπόν, équivalent (encore utilisé en grec moderne) de et caetera "et le restant". Spontanément, je dirais que c'est καὶ τὰ ἄλλα, ce qui serait une traduction encore plus directe de et caetera (au neutre pluriel dans les deux cas).
- Quel est le rôle de καὶ dans καί ἀπὸ τῶν μετώπων κ. τ. α. ?
Il me faudrait plus de contexte. :-?
- L'accentuation de τινὲς ne semble-t-elle pas irrégulière dans τὰ δὲ γένεια τινὲς μὲν κ. τ. α. ?
:mad: :ape: :god: Ah non, pitié ! Pas les enclitiques dissyllabiques ! :sumo:

Quinze ans après l'agrégation, j'en cauchemarde encore la nuit ! :shy:

:D En fait, ici, il n'y pas d'enclise, mais une proclise : τινὲς ne porte pas sur γἐνεια, il forme un tout avec le μὲν selon la célèbre formule τινὲς μέν... τινὲς δέ "les uns... les autres...".

Il faut aller chercher dans Lejeune, Précis d'accentuation grecque, §53
Les indéfinis ne devraient dont jamais être employés en tête de phrase ou après ponctuation. Cependant, le case se présente pour certaines formes disyllabiques [sic], dans certaines expressions comme τινὲς μέν... τινὲς δὲ "certains..., certains autres" ou ποτὲ μέν... ποτὲ δὲ... "tantôt.. tantôt" ; l'usage, en ce cas, est de les accentuer d'un aigu (qui devient grave dans la phrase) sur la finale (ce qui évite toute confusion avec les interrogatifs)
:D Vous avez donc là un très bon résumé de la langue grecque :

1) Il y a une règle fondamentale (l'accentuation des enclitiques).
2) Cette règle simples est compliquée de sous-cas très compliqués (les dissyllabiques à finales longues, ou brèves)
3) Il ne devrait logiquement pas y avoir d'exception à ces règles.
4) Mais en fait il y a quand même une exception dans un cas très spécifique.
5) L'application de cette exception entraîne l'application d'une autre règle parallèle.
6) Il y a toujours un helléniste moderne pour vous dire que c'est néanmoins magnifique. :god:
7) On se demande comment avec autant de règles sur le dos, ces gens-là ont trouvé le temps d'inventer la philosophie, les mathématiques et la démocratie...
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Achille
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Achille »

Bonjour et merci à vous,

Je pressentais que l'abréviation κ. τ. α. pouvait signifier et caetera . Toutefois je pensais que le tau était peut-être l'abréviation de τε . Mais l'article τὰ est évidemment plus raisonnable.

Je vous remercie aussi d'avoir tenté de répondre aux questions elles-mêmes. J'aurais été bien incapable d'y répondre. Et vos commentaires élargissent mon horizon ...

Comme vous l'avez pressenti, mon manuel est antédiluvien : 1929 ! Ayant terminé mes manuels de 5°, 4° et 3° de la fin du 19° siècle (Maunoury) et du début du 20° (Mouchard et Petitmangin), j'ai attaqué un manuel de 2de et 1° de Petitmangin. C'est dans ce manuel que j'ai rencontré pour la première fois cette abréviation.
Achille
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Achille »

Voici la phrase dans laquelle on trouve le fameux καὶ :
Τιτάνου γὰρ ἀποπλούματι σμῶντες τὰς τρίχας συνεχῶς καὶ ἀπὸ τῶν μετώπων ἐπὶ τὴν κορυφὴν καὶ τοὺς τένοντας ἀνασπῶσιν·
Je l'ai traduite ainsi mot à mot :
En effet se frottant continuellement les cheveux avec du lait de chaux , ils les tirent en même temps en arrière depuis les fronts vers le sommet et les nuques ;
J'ai pensé que καὶ marquait la concomitance.

Je ne comprends pas trop pourquoi κορυφὴν est au singulier, alors que μετώπων et τένοντας sont au pluriel.
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Sisyphe
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Sisyphe »

Achille wrote: 02 May 2020 19:59 Voici la phrase dans laquelle on trouve le fameux καὶ :
Τιτάνου γὰρ ἀποπλούματι σμῶντες τὰς τρίχας συνεχῶς καὶ ἀπὸ τῶν μετώπων ἐπὶ τὴν κορυφὴν καὶ τοὺς τένοντας ἀνασπῶσιν·
:roll: Ne serait-ce pas plutôt ἀποπλύματι ? (Mot que je n'avais d'ailleurs jamais rencontré, merci Anatole Bailly).
En effet se frottant continuellement les cheveux avec du lait de chaux , ils les tirent en même temps en arrière depuis les fronts vers le sommet et les nuques ;
J'ai pensé que καὶ marquait la concomitance.
Spontanément, je comprendrais plutôt "y compris". En supposant que l'on parle d'un peuple aux cheveux longs, on pourrait penser spontanément que non seulement ils s'enduisent de chaux les extrémités des cheveux, mais ils se massent aussi le cuir chevelu avec.

Cela ne me semble pas anodin : la chaux, c'est irritant (car c'est très basique, au sens chimique du terme). Je ne sais pas si la chaux colore ou décolore les cheveux (mes compétences en technique capillaires sont limitées, même en cette période), mais en tout cas, ils se font une vraie couleur / une vraie décoloration. Et dans les deux cas, le difficile, ce sont les racines.
Je ne comprends pas trop pourquoi κορυφὴν est au singulier, alors que μετώπων et τένοντας sont au pluriel.
:D Parce que les Grecs ne découpent pas totalement l'anatomie comme nous ! Τένων, c'est proprement le tendon, ici le tendon de la nuque, et il y a en a deux ; un de chaque côté (les deux muscles sternoclédomastoïdiens, merci internet :jap: ). Pour τὸ μέτωπον, c'est plus compliqué, les deux logiques coexistent : on peut voir une surface continue (le front), ou bien deux bosses frontales séparées par la suture métopique ; ce qu'Anatole Bailly précise au début de son article, quoique peu clairement : "au plur. au sens du sing."

En revanche, le sommet du crâne (l'apex), par définition, il y n'y en a qu'un.

:-? On a le même genre de logique entre le français et l'anglais/allemand : nous voyons "les" cheveux, ils voient "the hair / das Haar", "la" chevelure. Mais nous voyons un pantalon, alors qu'ils achètent "pants" ou "trousers". Et je m'obstine à corriger mes élèves quand ils me demandent "un ciseau", en leur précisant que je ne suis pas menuisier.
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Achille »

Dans le mot ἀποπλούματι , j'ai ajouté un π de trop. Mon manuel propose ἀπολούματι . Mot absent dans Bailly. J'ai trouvé sa traduction dans C. Alexandre : ἁπόλουμα -ατος (τό) = eau qui a servi pour le bain.

J'ai alors pensé que l'eau de chaux pouvait être le lait de chaux.
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

Post by Sisyphe »

:roll: Il est dans le Liddel-Scott, mais effectivement comme un quasi-fantôme : http://www.perseus.tufts.edu/hopper/tex ... po%2Flouma

Lequel renvoie à καθάρμα, dont Bailly ne connait que le sens de "excrétion" (pour parler de la bile), mais que l'article correspondant du Lidell-Scott (http://www.perseus.tufts.edu/hopper/tex ... ka%2Fqarma) définit aussi chez Julien par "slop" ("lavasse, rinçure").

Je me demande si le ἀπὀπλυμα signalé chez Diodore de Sicile par Bailly n'a pas pour le coup un vrai fantôme, parce que la variante ἀποπλύνω m'a l'air strictement homérique, le verbe normale pour dire "délaver, laver à grande eau", c'est effectivement ἀπολούω en attique. S'il y a un ἀπὀλουσις chez Platon pour désigner le nom d'action, il serait logique qu'il y ait un ἀπὀλουμα pour désigner le nom de l'objet résultant.

Je suppose au passage que vous avez pris connaissance de la réédition collaborative du Bailly (dit Bailly-Gréco) : http://gerardgreco.free.fr/spip.php?article52

:c-com-ca: Les mots concrets échappent très souvent au repérage par les dictionnaires, c'est une constante. On a à Pompéi, sur les murs des tavernes, des listes de casseroles par type. Mais Cicéron n'a jamais pensé à dire "lèchefrite", "poêle à frire" ou "moule à manqué"... Ces mots sont souvent instables dans les langues, et très locaux : cf. le débat "chocolatine / pain au chocolat". On avait ici même débattu de l'ustensile pour étaler la pâte à crêpe (apparemment et si j'en crois une grande experte, se dit rozell en breton, et qui n'a toujours pas de nom stable en français. Moi, j'appelle ça un "étale-crêpe", certains commerces en ligne disent "étaleurs", ou "râteau à crêpe".
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Re: Grec ancien : abréviation κ. τ. α.

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Je ne connaissais pas ce Bailly 2020. Je vous remercie du lien.
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