Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

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aymeric
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Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by aymeric »

Bonjour,

Je reviens d’un petit séjour en Grèce, et c’est l’horreur, parce que j’ai une envie irrépressible de me mettre aux grecs ancien et moderne, comme si je n’avais rien de plus pressant à faire de mon temps.
Par le plus grand des hasards, au cours de mon séjour, je suis tombé sur un site prétendant enseigner l’indo-européen moderne (si j’ai bien compris, il s’agit d’une reconstruction du PIE agrémentée de termes modernes), et je me pose les questions suivantes :

1/Mais enfin, qui sont ces gens ?!

2/Est-ce que dans une optique de long terme (car je ne peux pas, je ne dois pas, m’y mettre maintenant) d’apprentissage du grec et d’approfondissement du latin, il peut être "rentable" de s’initer au PIE ? Est-ce que ça peut vraiment faciliter par la suite la compréhension et la mémorisation des points difficiles qu’on retrouve dans ces langues ? Ou cela revient-il simplement à s’imposer une charge cognitive supplémentaire ?
Je me pose la question, car ayant vaguement abordé le pali, j’ai été fasciné par le rapprochement manusso / man / homin- / (etc.) et il me semble que de telles associations pourraient faciliter l’acquisition du vocabulaire, mais au prix d’un investissement de départ que je ne mesure pas.

Merci d’avance.
aymeric
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by aymeric »

Bon alors petit début de réponse à ma première question : le site (et le mouvement ?) est financé par une certaine Academia Prisca. Après avoir farfouillé çà et là, je ne trouve rien de concret, mais des détracteurs qui affirment quelque chose qui m’intrigue au plus haut point : la reconstruction du proto-indo-européen nécessiterait parfois des choix discutables, voire arbitraire et teintés de considérations politiques et idéologiques (certains disent même racistes).
Je me demande bien qu’est-ce qui se cache derrière ce mouvement de revitalisation d’une langue tellement morte qu’on n’est pas d’accord sur ce qu’elle a vraiment été...
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Sisyphe
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Sisyphe »

:) Désolé du retard, j'étais en invasion provisoire pour tenter de néolithiser une terre celto-vikingo-germano-latine (ce qui est inutile, car ils ont déjà des vaches... Beaucoup de vaches :meuh: ).
aymeric wrote: 01 Aug 2020 16:40 Bonjour,

Je reviens d’un petit séjour en Grèce, et c’est l’horreur, parce que j’ai une envie irrépressible de me mettre aux grecs ancien et moderne, comme si je n’avais rien de plus pressant à faire de mon temps.
Par le plus grand des hasards, au cours de mon séjour, je suis tombé sur un site prétendant enseigner l’indo-européen moderne (si j’ai bien compris, il s’agit d’une reconstruction du PIE agrémentée de termes modernes), et je me pose les questions suivantes :

1/Mais enfin, qui sont ces gens ?!
:-o :-o :roll: :shy: :loljump: Je ne connaissais pas !

Je ferais une nette différence entre les deux sites :

1) Le site "indo-european.eu" me paraît sérieux : à part une petite faute d'orthographe bien excusable pour un hispanophone ("hidrotoponymy" pour "hydrotoponymy"), tout le reste me semble relever du paradigme scientifique : il cite quantité de références, il avance apparemment des thèses relativement personnelles (dans "contacts linguistiques") extrêmement précises (voire touffues - honnêtement, je n'ai pas les compétences scientifiques pour discuter des contacts uralo-germaniques !), et il balance à peu près entre toutes les approches (linguistiques, toponymiques, génétique), même s'il semble très très branché génétique, mais c'est ce qui correspond apparemment à la spécialisation universitaire de son auteur...
... Tant mieux : c'est la partie de l'indo-européanistique qui manque le plus de spécialiste et de vulgarisation. Ses cartes sont bien faites, même si cela reste un site perso.

2) Je suis plus circonspect à propos de "l'Academia Prisca" :roll: . Là, on sort du paradigme scientifique... :c-com-ca: Je ne vois rien de dangereux non plus, mais on est dans le domaine des "conlangs" ; si on est gentil, on dira qu'on est dans la logique de l'espéranto (mais le projet espérantiste dès ses débuts me semble beaucoup plus construit et réfléchi, quoi qu'on en pense par ailleurs) ; et si on n'est pas gentil, on dira qu'on est dans le doux rêve d'internaute...
Par le plus grand des hasards, au cours de mon séjour, je suis tombé sur un site prétendant enseigner l’indo-européen moderne (si j’ai bien compris, il s’agit d’une reconstruction du PIE agrémentée de termes modernes),
Sur un plan scientifique, la chose est entendue depuis longtemps : on peut à la rigueur poser qu'il y a eu une langue indo-européenne unique un jour (et encore, c'est discutable), mais ce qu'on ne peut reconstituer, ce n'est qu'une vision schématique des choses, une espèce de "formule chimique" qui rend compte de toutes les évolutions dans toutes les langues. L'évolution de la notation de la célèbre "fable" de Schleicher (dont parle le premier site) montre cette évolution théorique : on a pu croire du temps de Schleicher qu'on reconstituerait une "vraie" langue (qui ressemble furieusement à du sanscrit, d'ailleurs) ; mais l'évolution scientifique ultérieure n'a cessé de brouiller les choses. L'arrivée de la théorie laryngale montre cette évolution : il n'y a toujours pas consensus pour savoir ce qu'étaient ces phonèmes, si même d'ailleurs ils ont réellement existé comme tels : ce sont des structures théoriques.

Quant à cet "indo-européen moderne", je l'ai dit : ce n'est rien d'autre qu'une langue créée. Qui a tendance, en gros, a ressembler à de l'indo-européen des années 20, avant l'arrivée des laryngales. Mais c'est assez absurde. Si je prends leur liste de vocabulaire :

- "menis, gen. mənéj(o)s = vandoise". :roll: Passons sur le fait que je ne crois pas avoir jamais dit "vandoise" dans ma vie, sauf au scrabble, et que je doute que 10% des francophones connaissent ce poisson. En fait, l'attribution stable d'un signifié de végétal/animal à un signifiant indo-européen précis est horriblement problématique. J'en ai parlé ailleurs : il y a des mots dans les langues indo-européennes pour dire "la mer", mais rien ne prouve que les Indo-Européens connaissaient la mer ; ça pouvait très bien signifier "grande zone désertique impossible à franchir", et les premiers migrants qui ont découvert une mer ont appelé ça "désert" (tout comme les poètes parlent de la "plaine liquide"). Les Anglais appellent "firefox" un animal qui n'a rien à voir avec un renard, et les grecs appellent "arktomys", c'est-à-dire "ours-souris" une... marmotte ! Qui n'est ni un ours ni une souris. Quel est le poisson de rivière exact qui se cache derrière ce signifiant commun, c'est une question passionnante, mais en faire un "mot de vocabulaire", ça me semble assez grotesque.
- "ad + acc. + podí = chez" : pourquoi s'embêter à inventer des circompositions ? "Ad" aurait suffi... Il n'y avait probablement pas de prépositions proprement dite en indo-européen ; certaines langues développent des circompositions (comme l'allemand), mais c'est une minorité.

En gros, leur vocabulaire ressemble au Vocabulaire indo-européen de Xavier Delamarre... Sauf que ce dernier (très critiqué, du reste) ne prétend pas faire autre chose que de donner des équivalences simples à des étudiants débutants.

Alors, créer une langue, pourquoi pas... Si c'est "pour s'amuser", on peut être créatif. J'ai dû jouer à ce genre de choses quand j'avais vingt ans.

Mais prétendre en faire la LV2 de toute l'Europe est discutable dans le principe ; et dans la circonstance, totalement absurde. On a beaucoup discuté de l'espéranto ici il y a quinze ans, je n'y reviens pas (ça, c'est pour le principe). Sauf que (dans l'application) l'espéranto était fondé sur la plus grande régularité possible, alors que tenter d'apprendre leur système de déclinaison à mi-chemin entre le grec et le sanscrit, cumulant à peu près toutes les exceptions, ça n'a pédagogiquement aucun sens :-o ! Ni pour apprendre l'indo-européen "scientifique", ni pour communiquer "réellement".
Bon alors petit début de réponse à ma première question : le site (et le mouvement ?) est financé par une certaine Academia Prisca. Après avoir farfouillé çà et là, je ne trouve rien de concret, mais des détracteurs qui affirment quelque chose qui m’intrigue au plus haut point : la reconstruction du proto-indo-européen nécessiterait parfois des choix discutables, voire arbitraire et teintés de considérations politiques et idéologiques (certains disent même racistes).
Je me demande bien qu’est-ce qui se cache derrière ce mouvement de revitalisation d’une langue tellement morte qu’on n’est pas d’accord sur ce qu’elle a vraiment été...
:cry: Que la recherche des Indo-européens comme peuple ait pu mener à des délires nationalistes et racistes, c'est presque une banalité de le dire. THE bouquin à avoir chez soi, c'est celui de Bernard Sergent, Les Indo-Européens, et il revient très bien sur l'histoire de ces dérives (pp.37 sqq). L'idée d'une "race de guerriers blonde aux yeux bleus" a plu aux nazis, et continue d'alimenter des délires sur internet.

Pour autant, toute recherche sur les Indo-Européens comme peuple n'est pas nazie, ni taboue. Je ne vois absolument rien de moralement critiquable dans le premier site internet mentionné plus haut.

La question de la reconstitution linguistique est moins directement polémique. Elle peut l'être par les conséquences que l'on prétend en tirer : il y a deux niveaux ;
1) Le débat sur l'origine des UE : pour reprendre mon exemple des animaux/végétaux, il y a un mot *bhagos qui donne des noms d'arbres, notamment assez souvent celui du hêtre (fagus en latin) ; "donc", les IE connaissaient le hêtre, or le hêtre ne pousse pas à l'Est de l'Ukraine centrale, donc les IE ne venait pas de plus que loin que ce territoire... Sauf que dans d'autres langues, le mot héritier signifie "chêne" ou "sureau". Alors, est-ce que cela ne signifierait pas plutôt "sureau", secondairement appliqué au hêtre ? Ca n'a pas beaucoup de conséquences, sauf si je veux ABSOLUMENT prouver que les Indo-Européens auraient été des nordiques blonds aux yeux bleus.
2) Le débat sur de prétendues "valeurs" indo-européennes communes. Il y a indubitablement tout un vocabulaire de la "foi", de la parole donnée etc. en indo-européen. Mais de là à prétendre que les IE auraient été naturellement dignes de foi, par opposition à des Sémites forcément fourbes et cauteleux...

Je ne peux pas mieux faire que renvoyer à la critique (acerbe) que Bernard Sergent fit du Que-Sais-Je de Jean Haudry sur Les Indo-Européens il y a trente-huit ans : https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-26 ... 7_4_282879 ; toute cette dérive y est très bien expliquée.


2/Est-ce que dans une optique de long terme (car je ne peux pas, je ne dois pas, m’y mettre maintenant) d’apprentissage du grec et d’approfondissement du latin, il peut être "rentable" de s’initer au PIE ? Est-ce que ça peut vraiment faciliter par la suite la compréhension et la mémorisation des points difficiles qu’on retrouve dans ces langues ? Ou cela revient-il simplement à s’imposer une charge cognitive supplémentaire ?
Je me pose la question, car ayant vaguement abordé le pali, j’ai été fasciné par le rapprochement manusso / man / homin- / (etc.) et il me semble que de telles associations pourraient faciliter l’acquisition du vocabulaire, mais au prix d’un investissement de départ que je ne mesure pas.
:) Alors :

1) Apprendre le grec moderne ET le grec ancien en même temps, c'est dangereux, vous allez tout confondre !
2) Apprendre un peu de grec ancien d'abord pour ensuite se mettre au moderne est très profitable, notamment pour l'orthographe qui est restée bloquée... deux mille ans en arrière !
3) Apprendre le proto-indo-européen théorique et "chimique", c'est l'oeuvre d'une vie. Ce qui peut être profitable, en revanche, c'est de vous procurer le Dictionnaire étymologique de la langue grecque[/url] de Pierre Chantraîne... Qui vous donnera tous les rapprochements dont vous rêvez.

:jap: Où me poser la question au cas par cas...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
aymeric
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by aymeric »

Merci beaucoup Sisyphe ! Passionnant comme toujours.
on a pu croire du temps de Schleicher qu'on reconstituerait une "vraie" langue (qui ressemble furieusement à du sanscrit, d'ailleurs)
Est-ce à dire que le sanskrit est la langue indo-européenne vraisemblablement la plus "proche" de ce qu'aurait été le PIE ? J'avais cru comprendre que c'était le lituanien ?
l'évolution scientifique ultérieure n'a cessé de brouiller les choses. L'arrivée de la théorie laryngale montre cette évolution : il n'y a toujours pas consensus pour savoir ce qu'étaient ces phonèmes, si même d'ailleurs ils ont réellement existé comme tels : ce sont des structures théoriques.
Donc si je comprends bien, ça marche un peu comme en physique : on se fiche de savoir à quoi peuvent bien "ressembler" les choses (un quark, ou une laryngale) dont on parle, du moment que la supposition de leur existence permet d'expliquer le comportement de la matière (ou, ici, des langues actuelles) qu'on examine ?
alors que tenter d'apprendre leur système de déclinaison à mi-chemin entre le grec et le sanscrit, cumulant à peu près toutes les exceptions, ça n'a pédagogiquement aucun sens :-o !
Effectivement. À ce sujet : "leur système de déclinaison" : c'est donc un système de leur cru ? Diffère-t-il des théories existantes, ou vient-il simplement combler un vide théorique, parce qu'on ne sait pas trop comment se déclinaient les noms du PIE ?
- "ad + acc. + podí = chez" : pourquoi s'embêter à inventer des circompositions ? "Ad" aurait suffi... Il n'y avait probablement pas de prépositions proprement dite en indo-européen
Oui là je suis complètement perdu. Donc ils essayent de reconstruire un indo-européen viable, mais inventent des trucs qui n'existaient pas en PIE et qui ne sont même pas nécessaires ? Je ne comprends plus trop la démarche, là.
3) Apprendre le proto-indo-européen théorique et "chimique", c'est l'oeuvre d'une vie. Ce qui peut être profitable, en revanche, c'est de vous procurer le Dictionnaire étymologique de la langue grecque[/url] de Pierre Chantraîne... Qui vous donnera tous les rapprochements dont vous rêvez.
Donc en fait, essayer d'apprendre le PIE scientifique serait un peu l'équivalent d'essayer d'utiliser un logiciel sans interface, en ne voyant que du code s'afficher à l'écran ? En effet c'est décourageant.
En fait, je m'intéresse non seulement au latin et au grec, mais aussi au russe (que je suis toujours en train d'apprendre tant bien que mal) et au pali, qui est sur ma liste. D'où cette idée que des rapprochements latin-grec-pali-russe pourrait être intéressants à titre personnel. J'ai d'ailleurs remarqué que les "palisants" (? espèce visiblement assez rare) s'appuient souvent sur des rapprochements pali-sanskrit-PIE quand ils parlent sémantique, mais je ne sais pas quelles sont leurs sources.

Merci encore pour toutes ces références et pour les explications captivantes.
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Sisyphe
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Sisyphe »

:D Oh bin zut alors ! Que des questions passionnantes... Il faut donc que j'y réponde ; et je ne vais donc pas avoir le temps de faire le boulot scolaire et ennuyeux de préparation de ma rentrée que j'avais prévu de faire ce soir... Comme c'est dommage ! :shy:
aymeric wrote: 14 Aug 2020 14:43 Merci beaucoup Sisyphe ! Passionnant comme toujours.
on a pu croire du temps de Schleicher qu'on reconstituerait une "vraie" langue (qui ressemble furieusement à du sanscrit, d'ailleurs)
Est-ce à dire que le sanskrit est la langue indo-européenne vraisemblablement la plus "proche" de ce qu'aurait été le PIE ?

:) Vu du XIXe siècle, penser que le sanscrit, et en particulier le sanscrit védique était du "quasi-indo-européen" n'était pas absurde :
- C'est ce qui était le plus ancien à leur disposition ; si l'on retient la date de 1500 avant J.C.
- C'était la langue qui paraissait avoir conservé vivantes le plus de formes qui sont ensuite relictuelles dans les autres langues. Il y a huit cas en sanscrit, autant en russe (mais l'instrumental est déjà strictement prépositionnel), alors qu'on devine clairement en latin et en grec comment le locatif (résiduel en latin, caché dans des formes adverbiales comme οἴκοι "à la maison") et l'instrumental (et l'ablatif en grec) ont été "mangés" par d'autres. Idem pour les modes personnels : deux en latins (indicatif et subjonctif), trois en grec (indicatif, subjonctif et optatif, mais ce dernier est en régression), trois en sanscrit.
- Cette logique de "perte successives" semblait répéter le modèle des langues de notre ère : le latin a des cas mais les perd progressivement (plus que deux en anciens français et en roumain), les langues modernes ont tendance à perdre le subjonctif (de plus en plus périphrastique en allemand : er würde kommen plutôt que er käme, strictement périphrastique en néerlandais, totalement disparu en anglais sauf archaïsmes du type God save the queen, etc. etc.).
- Accessoirement, les védas sont des texte religieux qui témoignent d'une cosmologie très élaborée, d'une structure sociale qu'on retrouve résiduellement ailleurs et d'une proto-histoire d'un peuple qui a le souvenir de s'être "déplacé" avant.

Certains diront que le mouvement "d'Est en Ouest", de l'Inde du Nord à l'Europe, avait aussi quelque chose qui flattait un peu les conceptions philosophiques, notamment hégéliennes, de l'époque.

Sauf qu'entre-temps, on a découvert le hittite, qui est au moins aussi anciens, mais qui ne rentre pas du tout dans le schéma d'évolution de "l'indo-européen à huit cas". Ni d'ailleurs dans le schéma d'évolution phonétique.
J'avais cru comprendre que c'était le lituanien ?
:D C'est un nationaliste lituanien qui vous a dit ça ?

Le lituanien, autant que je le connais (c'est-à-dire : par les livres, :book: ), a quantité de traits qui n'existait absolument pas en indo-européen :
- Des phonèmes nasaux et un système compliqué de diphtongues
- Des cas secondaires (illatif, allatif) dus à l'influence des langues fenniques
- Une préverbation aspectuelle assez systématique...

Au mieux, on peut dire que, de temps en temps, le lituanien conserve un peu congelé quelques mots de vocabulaires qui ont disparu d'autres langues, comme su "avec", qui est le σὐν du grec, ou pilis "citadelle", qui est le premier sens de πόλις (et de pur en sanscrit, d'où tous les toponymes indien en -pur). Certes, quand j'ouvre mon Parlons lituanien, je reconnais certes tout de suis quelques mots, comme sunus "fils" ou jus "vous" - mais son et ye en anglais classique ne sont pas si loin non plus ! Et je suis sûr qu'en faisant la liste du vocabulaire d'origine russe ou fennique, on arriverait à autant de mots.

Si j'en juge par la conjugaison du présent, la distance (l'usure) avec l'indo-européen "théorique" est la même qu'en latin ou en grec. Ou même qu'en roumain, d'ailleurs. Donc : moins "évolué" que d'autres langues contemporaines, mais pas de "l'indo-européen" en barquette Findus non plus.

l'évolution scientifique ultérieure n'a cessé de brouiller les choses. L'arrivée de la théorie laryngale montre cette évolution : il n'y a toujours pas consensus pour savoir ce qu'étaient ces phonèmes, si même d'ailleurs ils ont réellement existé comme tels : ce sont des structures théoriques.
Donc si je comprends bien, ça marche un peu comme en physique : on se fiche de savoir à quoi peuvent bien "ressembler" les choses (un quark, ou une laryngale) dont on parle, du moment que la supposition de leur existence permet d'expliquer le comportement de la matière (ou, ici, des langues actuelles) qu'on examine ?
:sun: C'est exactement ça.
alors que tenter d'apprendre leur système de déclinaison à mi-chemin entre le grec et le sanscrit, cumulant à peu près toutes les exceptions, ça n'a pédagogiquement aucun sens :-o !
Effectivement. À ce sujet : "leur système de déclinaison" : c'est donc un système de leur cru ? Diffère-t-il des théories existantes, ou vient-il simplement combler un vide théorique, parce qu'on ne sait pas trop comment se déclinaient les noms du PIE ?
En gros : leurs tableaux ressemblent à ce qu'on trouvait encore dans les manuels universitaires des années 50, qui n'avaient pas encore "digéré" le hittite et le tokharien.

:prof: Le système de déclinaison de "l'indo-européen à huit cas", il est assez clair et net : c'est le point sur lequel les langues-filles se superposent le mieux, et les jésuites du XVIe siècle en mission aux Indes l'avaient déjà remarqué ! Si je mets l'un à côté de l'autre la "deuxième déclinaison" en latin archaïque / grec homérique / sanscrit, ça saute au yeux :

N. equos / ἵππος / açvas
V. eque / ἵππε / açva
Ac. equom / ἵππον / açvam
G. equosio / ἵπποιο / açvasya

Si j'admets que les /o/ et les /e/ deviennent indifféremment des /a/ en sanscrit, et qu'un /-m/ final devient un /-n/ en grec, j'ai facilement : *-os, *-e, *-om, *-osjo. Au passage, vous remarquez qu'il y a une alternance vocalique "e/o", comme c'est d'ailleurs le cas pour les verbes en grec ancien si vous avez déjà bien appris votre présent (la terrible "voyelle thématique" à apprendre par coeur : ο, ε, ε, ο, ε, ο)... Ce qui en fout un coup au mythe du "sanscrit quasi-indo-européen", puisque c'est la seule langue qui la fait disparaître complètement !

Le problème, c'est qu'il n'est pas certain que le modèle "à huit cas" soit le plus ancien, à cause :
1) du hittite
2) du bazar objectivement constaté dans toutes les langues : si vous avez fait du latin, vous vous êtes certainement demandé pourquoi il n'y a jamais de différence entre ablatif et datif au pluriel ("... rosis, rosis" !) et pourquoi les neutres ne distinguent jamais nominatif et accusatif.

Les indo-européanistes s'en tirent en étageant : l'indo-européen à huit cas, ils l'appellent "proto-indo-européen III" (ou "late proto-indo-european"), c'est le plus facile à reconstituer (et c'est celui qui sert de base à l'invention que ce fil a pour sujet)... Et ensuite, ils spéculent sur un "PIE II" et un "PIE I", mais plus on remonte, et plus c'est éthéré, évidemment (car on extrapole à partir d'extrapolations !).
- "ad + acc. + podí = chez" : pourquoi s'embêter à inventer des circompositions ? "Ad" aurait suffi... Il n'y avait probablement pas de prépositions proprement dite en indo-européen
Oui là je suis complètement perdu. Donc ils essayent de reconstruire un indo-européen viable, mais inventent des trucs qui n'existaient pas en PIE et qui ne sont même pas nécessaires ? Je ne comprends plus trop la démarche, là.
:roll: J'ai l'impression qu'ils veulent caser le fait que, dans toutes les langues filles, des noms de parties du corps ont donné des prépositions. Le ante du latin = ἀντὶ du grec, en hittite, veut dire "front".

En soi, d'ailleurs, c'est totalement banal, cf. en français : "en face de, au pied de, vis-à-vis de" (ancien français vis = le visage).

:c-com-ca: C'est toute l'absurdité de la démarche : faire d'une langue à partir d'éléments originels. C'est comme de vouloir faire remonter gendarme en français à gentes de armis en latin ! Oui, chaque mot provient du mot latin en question, mais *gentes des armis ne veut strictement rien dire dans cette langue ! De même qu'il n'a jamais dû exister en ancien français de croix-contrée (cross-country !)... :lol:
3) Apprendre le proto-indo-européen théorique et "chimique", c'est l'oeuvre d'une vie. Ce qui peut être profitable, en revanche, c'est de vous procurer le Dictionnaire étymologique de la langue grecque[/url] de Pierre Chantraîne... Qui vous donnera tous les rapprochements dont vous rêvez.
Donc en fait, essayer d'apprendre le PIE scientifique serait un peu l'équivalent d'essayer d'utiliser un logiciel sans interface, en ne voyant que du code s'afficher à l'écran ? En effet c'est décourageant.
:jap: C'est exactement ça.

Éventuellement, savoir ce qu'est une variable, un script ou un opérateur bouléen, ça peut vous aider à comprendre pourquoi le logiciel beugue.

Là, c'est pareil.
En fait, je m'intéresse non seulement au latin et au grec, mais aussi au russe (que je suis toujours en train d'apprendre tant bien que mal) et au pali, qui est sur ma liste. D'où cette idée que des rapprochements latin-grec-pali-russe pourrait être intéressants à titre personnel. J'ai d'ailleurs remarqué que les "palisants" (? espèce visiblement assez rare) s'appuient souvent sur des rapprochements pali-sanskrit-PIE quand ils parlent sémantique, mais je ne sais pas quelles sont leurs sources.
Comme aide pédagogique, je suis d'accord. Avoir un peu d'indo-européen en tête, ça facilite les choses.

Pour le russe, je vous conseille deux ouvrages du même Sergueï Sakhno (prof aux langues-o')
- Dictionnaire Russe-français d'étymologie comparée, L'Harmattan
- 100 racines essentielles du russe, ellipse (qui est la version condensée)

Le premier en particulier vous met "sous les yeux" le russe gus' "oie", l'allemand Gans, et le français scientifique "anséridé". Celui du milieu permet de "faire le pont" (anséridé vient du latin classique [/i]anser[/i], mais qui plus archaïquement s'écrit hanser, et en gros, il faut poser un truc comme *ghəns comme étymon...
... Qu'en indo-européen "super-scientifique" on écrit maintenant *ģʰh₂-ns !
... Qui vous donne aussi žąsìs en lituanien, et χἠν en grec ancien (le chénopode est un nom plus scientifique d'une plante appelée aussi "ansérine blanche" et white goosefoot en anglais, tout se tient !)

:) il en a des centaines, même s'il convoque rarement le groupe indo-aryen (mais il vous rappelle quand même l'étymologie commune de mir "la paix", mitiger et le dieu Mithra !).

:loljump: Et puis il y a des étymologies formidables, comme "crime" et "Kremlin" ! Effectivement apparentés.

:c-com-ca: Pour les pâlis, là, je suis incompétent. Mais tous les dictionnaires étymologiques (du latin, du grec, du russe) ont des index inversés, donc si vous avez au moins la forme sanscrite correspondante, je peux vous retrouver un éventuel lien avec les groupes que je maîtrise.
Merci encore pour toutes ces références et pour les explications captivantes.
:jap:
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
aymeric
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

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:D Oh bin zut alors ! Que des questions passionnantes... Il faut donc que j'y réponde ; et je ne vais donc pas avoir le temps de faire le boulot scolaire et ennuyeux de préparation de ma rentrée que j'avais prévu de faire ce soir... Comme c'est dommage ! :shy:
Mince, je culpabilise (presque) ! Tu sais, ça ne presse pas tant que ça, étant donné que je n'ai pas encore trouvé de Master d'études indo-européennes auquel tout ceci m'a *évidemment* donné envie de m'inscrire. D'après mes lectures l'université française actuelle ne s'illustre pas particulièrement dans cette discipline qu'elle a laissée à d'autres nationalités, c'est vrai ? Heureusement que tu es là pour nous représenter sur la scène indo-européaniste mondiale.
Sauf qu'entre-temps, on a découvert le hittite, qui est au moins aussi anciens, mais qui ne rentre pas du tout dans le schéma d'évolution de "l'indo-européen à huit cas". Ni d'ailleurs dans le schéma d'évolution phonétique.
Début d'explication très aguichant... mais tu n'en diras pas plus... Décidément, qu'on parle de celte ou d'indo-européen, ce sont des sujets qui éveillent les concupiscences... :confused: :loljump:

J'ai trouvé un site de l'université du Texas (si je me souviens bien) qui donne des cours de tokharien, latin, grec, lituanien (ce qui avait renforcé mon idée fausse, en fait on a dû me dire que c'était juste une langue très conservatrice, et j'ai fait ensuite le téléphone arabe avec moi-même), et sans doute de hittite, je vais voir ça une fois rentré chez moi... cela dit ce site ne semble pas offrir de cours abordant à fond la comparaison entre toutes ces langues, ce qui est pourtant le vif du sujet (?).
le lituanien conserve un peu congelé quelques mots
Joli ! :loljump:
Pour le russe, je vous conseille deux ouvrages du même Sergueï Sakhno (prof aux langues-o')
- Dictionnaire Russe-français d'étymologie comparée, L'Harmattan
Merci ! Je passe à Paris bientôt, j'irai faire un tour chez Gibert...
... Qu'en indo-européen "super-scientifique" on écrit maintenant *ģʰh₂-ns !
Et justement, est-ce que cet indo-européen super-scientifique ne peut être appris qu'au fil de lectures dans les revues spécialisées, au gré des publications ? ou bien existe-t-il un "manuel" pour étudiants en linguistique comparée ?
« Bouffer du code » ne m'enchante pas, mais je ne rechignerais pas à m'y frotter au moins un peu. "Pour voir" !
Gearoid_2
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

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Pour le lituanien, pê qu'on peut dire que c'est la langue IE la plus conservatrice qui soit encore parlée, et non que c'est la langue IE la plus conservatrice qui soit attestée :) . Bon, le sanskrit est parlé mais probablement pas par des locuteurs natifs :)
aymeric
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by aymeric »

Alors si ! apparemment il est encore parlé comme langue première dans quelques villages en Inde...

Oui, concernant le lituanien, c'est effectivement ce que j'aurais dû comprendre. Merci !
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Sisyphe
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Sisyphe »

Début d'explication très aguichant... mais tu n'en diras pas plus... Décidément, qu'on parle de celte ou d'indo-européen, ce sont des sujets qui éveillent les concupiscences... :confused:
:loljump:

Tiens, en voilà une autre : lire du hittite tient du masochisme façon donjon & safe word, parce qu'ils écrivent avoir trois systèmes graphiques en même temps :

1) Des syllabogrammes, mais qui varient selon la position syllabique (CV ou VC ou CVC), ce qui fait déjà presque 200 signes phonétiques.
2) Des akkadogrammes, plutôt idéogrammatiques
3) Des sumérogrammes, idéo- ou logogrammatiques, notamment comme détermineurs

:ape: Oui, parce qu'ils se sont dit que ce serait trop bête d'écrire dans une seule langue alors qu'on peut en mélanger trois.

Et attention : tout ça en utilisant les mêmes cunéiformes de base. Moi je dis qu'ils auraient au moins pu mettre des couleurs.

Détail ici : https://en.wikipedia.org/wiki/Hittite_cuneiform

Gearoid wrote:Pour le lituanien, pê qu'on peut dire que c'est la langue IE la plus conservatrice qui soit encore parlée, et non que c'est la langue IE la plus conservatrice qui soit attestée :) . Bon, le sanskrit est parlé mais probablement pas par des locuteurs natifs
:roll: Mouais... Disons que ce qui est conservé est effectivement plutôt bien conservé, mais ce qui est innovant est aussi vachement innovant par rapport aux standards indo-européens.

En fait, le lituanien, c'est une omelette norvégienne !
Aymeric wrote: Alors si ! apparemment [le sanscrit] est encore parlé comme langue première dans quelques villages en Inde...
:shy: ouille, ouille, ouille...

Il faut se méfier des infos que l'on trouve sur le sanscrit ; entre les délires new-age sans conséquence côté occidental, et les délires nationalistes quasi-nazis côté indien (j'ai l'ai de godwiner, mais on ne se rend pas compte de la violence du nationalisme hindo-indien contemporain), il y a beaucoup d'approximation.

1) Le sanscrit védique a dû un jour être une vraie langue. Le problème est qu'entre les écritures de l'Indus au troisième millénaire avant JC (non déchiffrées, sans doute pas IE), et l'écriture brahmi au troisième siècle avant JC, il n'y a... RIEN :-o :-o ...
... Du moins il ne reste rien. Donc, soit des écritures ont existé et il n'en reste aucun artefact (pas complètement impensable : les pierres de l'Inde ne se prêtent guère aux inscriptions, les Gaulois connaissaient l'écriture mais nous n'avons qu'une centaine d'artefacts), soit plus vraisemblablement, l'Inde a connu deux millénaires et demi d'agraphie complète.
... Donc, ce trou laisse déjà place à tous les fantasmes : le sanscrit védique est une langue qu'on ne peut pas "dater" (1500 est une estimation reçue, et il y a des nationalistes pour remonter à 20 000 ans). Ce qui est certain, c'est que les védas se sont transmis oralement, avec des apprentissages par coeur comme dans les madrasas. Ce qui laisse déjà la place à une "artificialisation" de langue.

2) Le nom même de "sanscrit" signifie "parfait". À partir du IVe siècle avant, la langue entre dans une phase de fixation théorique. En gros, à partir de cette époque, le sanscrit a le même destin que le latin au moyen âge. Ce n'est pas une langue "maternelle", mais c'est une langue savante dont on fait des poèmes, des traités, des grammaires... Et avec laquelle une élite cultivée peut certainement s'entretenir avec un relatif naturel ; mais à l'échelle des populations indiennes, c'est déjà infinitésimal sous les Guptas, et encore moindre à partir des Moghols (exactement comme le latin n'a cessé de reculer dans les échanges savants du Moyen Âge au XXe siècle - même si officiellement on écrivait toujours sa thèse complémentaire en latin en France jusqu'en 1905 !).

3) Les pâlis ne descendent pas du sanscrit en droite ligne. Ils descendent du même "magma" indo-aryen de départ dont le védique est une manifestation. C'est comme dire que le breton vient du gaulois : en fait, non. Ce sont des langues apparentées, mais elles ont leur propre histoire chacune.

Donc, il ne peut pas y avoir de villages où l'on parle "encore" le sanscrit. Il y a une élite de Brahmanes qui continuent de "maîtriser" le sanscrit, mais quant à savoir ce que cela signifie... Disons que c'est un peu comme l'irlandais : entre prétendre le savoir, et le savoir réellement... L'affirmation est déjà problématique en République d'Irlande, avec des décomptes rigoureux d'un ministère qui a les moyens ; alors en Inde, il faut rajouter le voile du nationalisme, et l'inégale présence de l'Etat fédéral...

;) Mais la constitution a une version en sanscrit, à peu près comme la Suisse grave ses pièces en latin. Pour dire que.

*

La suite au prochain numéro...
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Gearoid_2 »

Oui, j'ai aussi entendu dire qu'il y avait des villages où "on parlait sanskrit" mais ça me paraît impossible que ça soit leur langue maternelle, tout comme il y a des gens qui parlent latin couramment aujourd'hui mais ce sont tous des apprenants, dans aucun endroit le latin aurait été conservé tel quel depuis l'époque classique sans aucune modification. Le latin moderne ça s'appelle le français, l'espagnol, l'italien etc. Le sanskrit moderne ça s'appelle le hindi, le bengali etc...
Peut-être que les (des?) gens parlent entre eux dans certains villages mais ce sont forcément soit des apprenants, soit éventuellement des néolocuteurs natifs (élevés en sanskrit par des parents qui l'ont appris)...
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Sisyphe
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Sisyphe »

Gearoid wrote: Peut-être que les (des?) gens parlent entre eux dans certains villages mais ce sont forcément soit des apprenants, soit éventuellement des néolocuteurs natifs (élevés en sanskrit par des parents qui l'ont appris)...
:roll: Effectivement, je voyais quelque chose comme ça. Et par "village", il faut sans doute entendre "trois maisons écartés rassemblant des familles de brahmanes".
La suite au prochain numéro...
- La lecture la plus essentielle, pour l'aspect "civilisation", et aussi pour l'histoire de la discipline, c'est Bernard Sergent, Les Indo-européens, chez Payot.
- Pour le dernier état de la science, et facile à lire, mais uniquement du côté "civilisation" : Iaroslav Lebedynsky, Les Indo-Européens, chez Rivage.
- Pour la langue, dans le genre "rapide à lire", il y a le Que-Sais-Je de Jean Haudry L'Indo-Européen (n°1798). Ce bouquin-là n'a rien de criticable
- Et quoique les spécialistes le méprisent (ce n'est pas "assez scientifique" pour être mentionné dans une thèse, mas justement, ça la rend lisible), il y a le Vocabulaire indo-européen : lexique étymologique thématique de Xavier Delamarre, chez Maisonneuve.

Sur la langue seule, en revanche, c'est difficile de trouver des ouvrages de vulgarisation... J'ai toujours utilisé Robert S.P. Beekes, Comparative Indo-European Linguistics, an Introduction, John Benjamins Publishing, mais passé les premiers chapitres, ça devient technique.
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Gearoid_2 »

- Et quoique les spécialistes le méprisent (ce n'est pas "assez scientifique" pour être mentionné dans une thèse, mas justement, ça la rend lisible), il y a le Vocabulaire indo-européen : lexique étymologique thématique de Xavier Delamarre, chez Maisonneuve.
Je l'ai, je le trouve très bien. Delamarre est une pointure, je crois que c'est le seul indo-européaniste spécialisé dans les langues celtiques qui soit en activité en France (depuis le départ en retraite de PY Lambert). D'ailleurs il a obtenu un poste au CNRS il y a pas longtemps...
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Sisyphe
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Sisyphe »

Gearoid_2 wrote: 19 Aug 2020 20:53
- Et quoique les spécialistes le méprisent (ce n'est pas "assez scientifique" pour être mentionné dans une thèse, mas justement, ça la rend lisible), il y a le Vocabulaire indo-européen : lexique étymologique thématique de Xavier Delamarre, chez Maisonneuve.
Je l'ai, je le trouve très bien. Delamarre est une pointure, je crois que c'est le seul indo-européaniste spécialisé dans les langues celtiques qui soit en activité en France (depuis le départ en retraite de PY Lambert). D'ailleurs il a obtenu un poste au CNRS il y a pas longtemps...
:lol: J'ai assisté à une soutenance ou le/la candidat(e) s'est vu(e) reprocher par tous les membres d'avoir cité cet ouvrage, et ce fut une farandole de sarcasmes universitaires sur cet ouvrage "destiné aux poubelles de l'histoire"...

... Mais je suis bien d'accord : il est très pratique ; et Delamarre a eu raison de ne faire un truc lisible par tout le monde, même celui qui n'est pas au fait de la dernière théorique laryngalisto-accentuello-cabalistique à la mode ; le but est de s'orienter dans le vocabulaire, de la même façon qu'une carte du métro n'a pas besoin de noter tous les accidents géographique de la ligne réelle. Et la critique universitaire ne visait pas son auteur, effectivement précieux lui aussi.

:c-com-ca: C'est la même "règle" qui fait qu'on ne doit jamais citer dans une thèse le Gaffiot, le Bailly ou le dictionnaire provençal de Fettuciari et alii, mais des monstres germaniques en douze volumes ! Sur le fond, c'est défendable (la même logique interdit de citer Wikipedia, même si personne ne nie que certains articles hyperprécis, hyperorganisés hypersourcés sont dignes du CNRS) ; mais le sarcasme, lui, n'est pas justifié.

:sun: Je suis certain que le chef-géomètre-topographe en chef de tous les travaux de la RATP doit avoir collé sur sur son bureau une carte ordinaire du métro de Paris, ne serait-ce que pour repérer une station et ses embranchements quand on l'appelle au téléphone. Après, s'il a besoin d'aller sortir le "bleu" qui indique le moindre dénivelé de 0,1‰, il sait où chercher.
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by aymeric »

Sisyphe wrote: 17 Aug 2020 16:11

- La lecture la plus essentielle, pour l'aspect "civilisation", et aussi pour l'histoire de la discipline, c'est Bernard Sergent, Les Indo-européens, chez Payot.
- Pour le dernier état de la science, et facile à lire, mais uniquement du côté "civilisation" : Iaroslav Lebedynsky, Les Indo-Européens, chez Rivage.
- Pour la langue, dans le genre "rapide à lire", il y a le Que-Sais-Je de Jean Haudry L'Indo-Européen (n°1798). Ce bouquin-là n'a rien de criticable
Merci beaucoup Sisyphe !
Alors je reviens de Paris (plus précisément de chez Gibert !) et si j’ai pu trouver le Delmarre en rayon (que je n’ai pas pris car je n’ai pas accroché), je n’ai trouvé aucune des quatre références que tu m’as données (ces trois-ci plus celle concernant le russe). D’après le catalogue en ligne du vendeur, ces ouvrages ne sont plus édités depuis belle lurette ! Moi qui croyais que nous avions à peu près le même âge, toi et moi... :loljump:
Direction donc Abebooks, à moins que tu ne souhaites te débarrasser des tiens :D .
Gearoid_2
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Re: Proto-indo-européen ancien et indo-européen moderne

Post by Gearoid_2 »

J'ai assisté à une soutenance ou le/la candidat(e) s'est vu(e) reprocher par tous les membres d'avoir cité cet ouvrage, et ce fut une farandole de sarcasmes universitaires sur cet ouvrage "destiné aux poubelles de l'histoire"...
En fait je me demande en quoi c'est pas assez scientifique : c'est parce que c'est classé par thèmes et non par racines ?
Parce qu'à part ça, je pense pas qu'il y ait de conneries dans ce livre; y a une biblio sérieuse au début...
En gros Pokorny c'est scientifique parce que c'est en allemand et c'est par ordre alphabétique, et Delamarre c'est pas scientifique parce que c'est en français et c'est par thèmes ? Si c'est ça, franchement les membres du jury dont tu parles sont c*ns...
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