l'espéranto

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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

:P Bon, je vais tenter de répondre maintenant et rapidement ("rapidement", ce mot fait-il partie de mon vocabulaire ?), sinon je vais oublier...

Pour la clarté du débat, il faut que je précise une fois pour toutes ma situation à Bernard et aux autres. Comme pour l'allemand, je parles mal l'espéranto ; je le parlerais bien si faisais un effort et que j'y consacrais du temps, mais en l'occurence, j'ai pas le temps.

Mon rapport à l'espéranto est le même que mon rapport au Schwyzertütsch : il est ancien, il est réel, il est intime et j'ai des connaissances, mais on ne peut pas dire que je parle réellement l'un ou l'autre. L'une et l'autre langues et l'une et l'autre cultures m'intéressent, m'intriguent, voire m'amusent, mais la part de moi-même que j'y consacre relève du temps libre et de la dilettante... Pour l'instant ! Et par conséquent, ma légitimité à parler de l'espéranto (ou à parler l'espéranto tout court mais on verra ça sur l'autre poste) :roll: est évidemment moindre que celle de Bernard ou de Bovido.

Je reviens sur quelques détails : lorsque je parle de "langue de linguiste", il faut bien entendre que je suis linguiste et que la formule relève de la private joke ( :roll: et j'ose dire que je n'aime l'anglais...) entre Pwyll et moi. Voire de l'auto-dérision :lol: . Mais c'est effectivement une langue intriguante.

Quant à l'affirmation des linguistes selon laquelle les langues inventées ne pourraient exister, je nuancerais un peu : les linguistes du XIXe, certainement ( :( mais ils ne disaient pas plus de c...eries que leur époque en générale). Entre-temps, il y a eu l'hébreu, le nynorsk, etc. La défense la plus autorisée de l'espéranto que j'aie lue, c'est sous la plume de Claude Hagège.


:( Loin de moi également l'idée de prendre les espérantistes pour des nigauds, pas même ceux qui associent encore à leur espéranto un ensemble d'idées disons "humanistes" ; même si cet humanisme-là n'a pas forcément la même forme que l'hillélisme de Zamenhoff. Je sais très bien que le lien entre l'un et l'autre n'est pas nécessaire et immédiat. Et s'il existe, je ne le juge pas, surtout pas négativement d'ailleurs.

Quant à la "réussite" de l'espéranto, mon opinion est la suivante :

- En tant que projet de langue internationale, disons pour faire plaisir à Bernard ( ;) ) qu'il n'a pas encore réussi. Mon opinion personnelle - mais je suis un fichu pessimiste :( - c'est que c'est pas demain la veille...

Peut-être qu'un jour un ministre de l'Education Nationale pas idiot (si, si, ça existe... Enfin il paraît...) acceptera d'en faire une option au bac (aujourd'hui vous pouvez passer l'Amharique et le Bambara, mais pas l'espéranto) et je veux bien comptabiliser ça comme une "victoire" de l'espéranto. :-? Mais d'ici à ce qu'il serve au moins de "langue-pont" dans les traductions de l'Union Européenne, il risque de se passer du temps, bien que ce soit le souhait de Cl. Hagège.

Honnêtement, je n'ai jamais vu la moindre publication universitaire en espéranto, en tout cas en linguistique, diachronique comme générale (alors que j'en ai déjà vu en provencal ou en dialecte allemand, c'est pour dire !). Mes amis scientifiques non plus. Je ne doute pas qu'il existe des associations d'espérantistes universitaires, voire différentes associations pour différents domaines, mais que je sache, aucune publication significative du point de vue de la recherche internationale en sciences humaines n'est en espéranto.
:evil: ET C'EST BIEN DOMMAGE ! Quand on sait que les meilleurs spécialistes de phonétique grecque sont aujourd'hui tchèques ou suédois, et qu'ils sont obligés de traduire leurs thèses en allemand ou en anglais, sinon même de les rédiger directement dans ces langues ! Pendant 50 ans il s'est fait de la recherche dans les "pays des l'Est", qui n'est pas forcément sans intérêt, mais le plus généralement en russe, et toutes ces publications sont inaccessibles aujourd'hui.

- Par contre, en tant que langue "tout simplement", il est clair que l'espéranto a marché, contrairement à toutes les autres langues créées. Il y a un nombre significatif de sites internets en espéranto. Et quand on en est à faire des sites à caractère sexuel dans une langue ( :confused: ne croyez pas que je sois obsédé mais ça m'amuse terriblement), c'est qu'il y a réellement des locuteurs "natifs" (= qui le parlent avec le même naturel qu'une langue native)...
... Et c'est ça que je trouve admirable :P .

C'est le premier point que j'appelais "communication" (= langue véhiculaire si vous préférez, langue de contacts, comme l'est malheureusement l'anglais aujourd'hui). Bien sûr, toute langue sert à communiquer (sauf peut-être les langues rituelles, et encore...) :)

Je ne mettais pas non plus de caractère péjoratif derrière le mot "communauté" (il est vrai que notre époque tend à lui en donner un). Le mot de "diaspora" me plaît assez, parce qu'il me semble qu'il en va justement de la culture espérantiste comme de la culture juive dans l'histoire diasporique : aucunement uniforme même si elle a des traits communs, et toujours conçue comme un ajout (plutôt que comme une substitution) aux traits culturels dans lesquels elle se trouvait (voir ce que je disais de l'histoire des shtetls ci-dessus).

J'en viens enfin au point sur lequel Bernard me demande des explication : "la possiblité de se signaler socialement par l'emploi d'une variété de langue supérieure".

Je fais là référence à une chose qui m'est très chère et qui découle de mon histoire personnelle. Je n'ai jamais été pauvre, mais j'ai passé les seize premières années de ma vie dans une banlieue ouvrière pauvre telle qu'on ne se l'imagine même pas quand on y a pas vécu, avec son chômage, sa population immigrée et son échec scolaire. J'ai très tôt compris que le langage était un outils de reproduction sociale, et que si je réussissais scolairement, et que j'étais promis à un avenir brillant (du moins comparativement à tous mes camarades), c'est que je possédais du fait même de mon milieu social originel (profs) une excellente maîtrise de la langue française (c'était déjà marqué sur mon dossier scolaire de maternelle :cry: ), tout le reste - à commencer par la réussite scolaire elle-même - en découle. Ce qui différence un prolo d'une bourgeoise (en plus de vêtement), c'est que l'un dit "il faut pas que tu le fais" et que l'autre dit "il n'est pas nécessaire que vous le fassiez".

Je ne pense pas - très honnêtement - qu'il y ait beaucoup d'ouvriers espérantistes (même si l'association des cheminots sus-mentionnées m'invite à penser le contraire). Mais quoi qu'il en soit (et c'est ce que je voulais dire) : puisque l'espéranto est toujours une langue conquise, on est obligé de laisser sa condition sociale au vestiaire. Tout le vocabulaire, les tics, l'intonation, les tournures, les attitudes qui sont autant de "marqueurs sociaux" dans une langue maternelle disparaissent dans l'espéranto. Et ça, même si c'est un peu naïf de ma part, ça me plaît.

Remplacez "social" par "national" et "banlieue" par "Pologne germano-Russe du début du siècle", et vous avez les conditions qui ont amené Zamenhoff à vouloir créer l'espéranto.

:P Fin du message ; j'espère avoir fait comprendre que si je n'étais pas un espérantiste, j'avais du moins la prétention d'en être l'avocat lucide mais convaincu (l'avocat d'un voleur n'est pas forcément un voleur ;) ).
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svernoux
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Post by svernoux »

Comme je vois que le débat sur l'espéranto est relancé, je viens mettre mon petit grain de sel...
Sisyphe wrote: L'une et l'autre langues et l'une et l'autre cultures m'intéressent, m'intriguent, voire m'amusent, mais la part de moi-même que j'y consacre relève du temps libre et de la dilettante...
Pour le schwyzertütsch, je sais pas, mais pour pour "culture" espérantiste, tu peux préciser ???

Sisyphe wrote: Mais d'ici à ce qu'il serve au moins de "langue-pont" dans les traductions de l'Union Européenne, il risque de se passer du temps, bien que ce soit le souhait de Cl. Hagège.
Personnellement, je ne vois pas l'intérêt d'ajouter l'espéranto à toutes les langues européennes... D'accord, pour faciliter la communication réduire les traductions. Mais vu que la plupart des gens ne parlent pas espéranto, il faudra bien quand même retraduire dans les diverses langues... Et puis, les langues de tous les pays, c'est l'expression de leur identité, de leur culture. L'espéranto, lui, n'est porteur d'aucune culture...
Sisyphe wrote: ET C'EST BIEN DOMMAGE ! Quand on sait que les meilleurs spécialistes de phonétique grecque sont aujourd'hui tchèques ou suédois, et qu'ils sont obligés de traduire leurs thèses en allemand ou en anglais, sinon même de les rédiger directement dans ces langues ! Pendant 50 ans il s'est fait de la recherche dans les "pays des l'Est", qui n'est pas forcément sans intérêt, mais le plus généralement en russe, et toutes ces publications sont inaccessibles aujourd'hui.
A nouveau, je ne trouve pas ça dommage, et c'est de toute façon un problème qui n'a rien à voir avec l'espéranto : ce que tu dénonces là est simplement l'hégémonie de l'anglais. Mais si je comprends bien, les espérantistes souhaitent remplacer l'hégémonie de l'anglais par celle de l'espéranto ? Moi je suis pour la diversité des langues et pour que toutes aient leur place, même si certaines sont moins "importantes" en termes de quantité que d'autres... Quand à l'inaccessibilité des publications en russe : pourquoi donc ? Il suffit d'apprendre le russe ! J'ai l'impression que l'espéranto tend exactement à la même chose que l'anglais : se vouloir une langue universelle, qui encourage en réalité les gens à la paresse de n'apprendre qu'une seule langue pour communiquer avec tous... Mais la réduction des langues, c'est la réduction des cultures ! Si tu n'apprends que l'espéranto (ou l'anglais, c'est la même chose) au lieu d'apprendre le russe, l'arabe, le finnois, le japonais, etc... tu passes à côté des cultures russes, arabes, finnoises, japonaises...
Sisyphe wrote: J'en viens enfin au point sur lequel Bernard me demande des explication : "la possiblité de se signaler socialement par l'emploi d'une variété de langue supérieure".

Je fais là référence à une chose qui m'est très chère et qui découle de mon histoire personnelle. Je n'ai jamais été pauvre, mais j'ai passé les seize premières années de ma vie dans une banlieue ouvrière pauvre telle qu'on ne se l'imagine même pas quand on y a pas vécu, avec son chômage, sa population immigrée et son échec scolaire. J'ai très tôt compris que le langage était un outils de reproduction sociale, et que si je réussissais scolairement, et que j'étais promis à un avenir brillant (du moins comparativement à tous mes camarades), c'est que je possédais du fait même de mon milieu social originel (profs) une excellente maîtrise de la langue française (c'était déjà marqué sur mon dossier scolaire de maternelle :cry: ), tout le reste - à commencer par la réussite scolaire elle-même - en découle. Ce qui différence un prolo d'une bourgeoise (en plus de vêtement), c'est que l'un dit "il faut pas que tu le fais" et que l'autre dit "il n'est pas nécessaire que vous le fassiez".
Je pense que c'est un statut provisoire, cher Sisyphe : si l'espéranto devenait une langue "vivante" avec de réels locuteurs natifs, moi je ne doute pas une seconde que ces différences sociales apparaîtraient... De même que les fameuses irrégularités qui manquent cruellement à l'espéranto. Car ce sont là justement les caractéristiques des langues vivantes, et ce qui fait tout leur charme...
Last edited by svernoux on 17 Aug 2004 11:15, edited 1 time in total.
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svernoux
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Post by svernoux »

Ah oui, je viens de me souvenir d'un truc (pour continuer à casser de l'espéranto... (j'rigole, hein, chuis pas méchante !)) : l'espéranto soit-disant si facile à apprendre et universel. Mais d'après ce que j'en sais, pas si universel que ça et surtout facile à apprendre pour nous autres Européens... Combien de mots d'origine arabe, chinoise, hindi (pour ne parler que de "grandes langues" en tout cas en termes de locuteurs) en espéranto ? Même parmi les langues européennes, je ne suis pas certaine que les langues slaves ou baltes, par exemple, soient représentées...

Et pour la grammaire, pareil : celle de l'espéranto est surtout basée sur les grammaires latine ou allemande, non ?
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Bovido
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Post by Bovido »

Personnellement, je ne vois pas l'intérêt d'ajouter l'espéranto à toutes les langues européennes... D'accord, pour faciliter la communication réduire les traductions. Mais vu que la plupart des gens ne parlent pas espéranto, il faudra bien quand même retraduire dans les diverses langues...
Il est beaucoup plus facile de traduire l'espéranto vers une autre langue (et inversement) qu'une autre langue.
Et puis, les langues de tous les pays, c'est l'expression de leur identité, de leur culture.
L'espéranto, lui, n'est porteur d'aucune culture...
Qu'en sais-tu ?
Mais si je comprends bien, les espérantistes souhaitent remplacer l'hégémonie de l'anglais par celle de l'espéranto ?
Certainement pas.
Moi je suis pour la diversité des langues et pour que toutes aient leur place, même si certaines sont moins "importantes" en termes de quantité que d'autres...
L'espéranto favoriserait les langues minoritaires vu que les langues seraient égales en puissance.
J'ai l'impression que l'espéranto tend exactement à la même chose que l'anglais : se vouloir une langue universelle, qui encourage en réalité les gens à la paresse de n'apprendre qu'une seule langue pour communiquer avec tous...
Le fait d'apprendre l'espéranto rend au contraire plus facile l'apprentissage des autres langues, et l'epséranto ne tend pas à être une langue universelle mais une langue auxiliaire.
Mais la réduction des langues, c'est la réduction des cultures ! Si tu n'apprends que l'espéranto (ou l'anglais, c'est la même chose) au lieu d'apprendre le russe, l'arabe, le finnois, le japonais, etc... tu passes à côté des cultures russes, arabes, finnoises, japonaises...
Voir les deux paragraphes précédents.
Je pense que c'est un statut provisoire, cher Sisyphe : si l'espéranto devenait une langue "vivante" avec de réels locuteurs natifs, moi je ne doute pas une seconde que ces différences sociales apparaîtraient...
L'espéranto est une langue vivante.
De même que les fameuses irrégularités qui manquent cruellement à l'espéranto. Car ce sont là justement les caractéristiques des langues vivantes, et ce qui fait tout leur charme...
Une langue n'a pas besoin d'irrégularité pour qu'elle soit belle ou ait du charme ; de fait, l'espéranto est une très belle langue.
Et puis, le chinois est une langue sans irrégularité, alors qu'elle est parlée courrament.
Ah oui, je viens de me souvenir d'un truc (pour continuer à casser de l'espéranto... (j'rigole, hein, chuis pas méchante !)) : l'espéranto soit-disant si facile à apprendre et universel. Mais d'après ce que j'en sais, pas si universel que ça et surtout facile à apprendre pour nous autres Européens... Combien de mots d'origine arabe, chinoise, hindi (pour ne parler que de "grandes langues" en tout cas en termes de locuteurs) en espéranto ?
Comment expliques-tu que la plus grande proportion (par rapport aux nombre d'habitants) d'espérantophones se trouvent en Chine et au Japon ? Que les meilleurs littéraires espérantistes soient japonais ?
Et de plus, il n'y a pas que les mots qui comptent dans la langue mais la grammaire, la syntaxe, etc.
Même parmi les langues européennes, je ne suis pas certaine que les langues slaves ou baltes, par exemple, soient représentées...
Pourtant si !
Et pour la grammaire, pareil : celle de l'espéranto est surtout basée sur les grammaires latine ou allemande, non ?
Pas seulement.
ĉ ĝ ĥ ĵ ŝ ŭ
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didine
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Post by didine »

Bovido wrote:
Personnellement, je ne vois pas l'intérêt d'ajouter l'espéranto à toutes les langues européennes... D'accord, pour faciliter la communication réduire les traductions. Mais vu que la plupart des gens ne parlent pas espéranto, il faudra bien quand même retraduire dans les diverses langues...
Il est beaucoup plus facile de traduire l'espéranto vers une autre langue (et inversement) qu'une autre langue.
Je ne tiens pas particulièrement à entrer dans le débat sur l'espéranto, mais cette réponse de Bovido m'interpelle. Est-ce que tu pourrais m'expliquer tes arguments?

:hello:
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

:roll: Bon, je précise un peut tout ce qui vient d'être dit :

Rappelons une fois pour toute que l'espéranto n'a jamais prétendu remplacer les langues naturelles, mais seulement s'y ajouter, comme langue d'inter-communication ; ce que fait, mais en partie seulement, l'anglais.

C'est à ce titre que certains, comme Claude Hagège, estiment qu'il pourrait servire de langue-pont dans les organismes internationaux. Didine pourrait nous l'expliquer mieux que moi, mais au sein du Parlement européen, par exemple, il n'y a pas de traducteur grec moderne-letton ou hongrois-norvégien. Et il est difficile de penser qu'à vingt-cinq membres ou plus on pourra jamais trouver toutes les combinaisons, parce que 20 x (20-1) langues = 380 combinaisons.
Du coup, on opère une traduction "en cascade" (grec-moderne -> français -> anglais -> letton [par exemple, j'en sais rien]), d'où une perte de sens et de temps - il parait que les danois sont toujours les derniers à rire :D
On trouve des espérantistes dans absolument toutes les langues, l'idée (juste à mes yeux, mais je pense utopiste pour l'instant) serait que l'espéranto soit la langue centrale pour tous (français -> espéranto -> letton ; letton -> espéranto -> grec, grec -> espéranto -> néerlandais, etc.). Au nom du fait qu'elle est :
1) Quoi qu'on dise, internationale (il y a des clubs espérantistes dans tous les pays) et supra-nationale.
2) Très facile à apprendre (ça je vous le jure !)
3) Très maléable, et en théorie du moins très précise. Car son système de composition ultra-développée fait qu'on peut toujours inventer un mot (un peu comme en allemand, mais en pire ! :D ). Je cite à nouveau l'exemple canonique du mot "thermique", qui peut signifier trois choses en français :

bouclier thermique = contre la chaleur = katraùvarma sxildo
agitation thermique = provoquée par la chaleur = provarma agitado
imprimante thermique = qui imprime au moyen de la chaleur = pervarma printilo

Dans la théorie, cette position me paraît très juste. Dans l'application, encore une fois, force est de constater que c'est pas demain la veille.

Pour ce qui est du vocabulaire de l'espéranto, c'est vrai qu'il est essentiellement germanico-latin, avec pas mal de slave quand même et quelques saupoudrages d'autres langues (hébreu, grec ancien, etc.). Mais encore une fois : le système de composition est tel que les 2/3 du vocabulaire d'un texte sont "auto-gènes". Si vous connaissez "patro" = le père, vous connaissez aussitôt patra = paternel et patre = paternellement, mais aussi patrino = la mère (-ino = suffixe de féminin ; TOUS les féminins sont formés sur les masculins), gepatroj = les parents, et j'ajoute patronomo = patronyme, patromurdanto = parricide que je tire du dico freelang, et je pense que patrigi et patrigxi = rendre père et devenir père, doivent exister aussi (et pourquoi pas patrinigi, patrinigxi, etc.)

De toute façon, quand un coréen veut apprendre le chinois ou l'anglais (ce qui est presque obligatoire pour lui), il doit apprendre 100 % de vocabulaire étranger, pas plus que pour l'espéranto.

Pour ce qui est de la grammaire, comme je le disais plus haut, elle est assez phénoménale. Et même si Zamenhoff l'a construite à partir de standards européens (déclinaison, langue accusative, etc.) elle s'en écarte parfois pas mal. De toute façon les deux-tiers des langues du monde sont accusatives (désolés pour les ergativistes, on peut pas faire plaisir à tout le monde), et comme disait mon prof d'allemand, "les chinois ont beaucoup plus de facilité à apprendre le russe ou l'allemand que l'anglais ou le français, à cause même des déclinaisons, beaucoup plus logique à leurs yeux".
Et Bovido a raison de rappeler que l'essentiel des espérantistes aujourd'hui sont chinois ou japonais. Et c'est ancien.

J'en viens aux publications universitaires que je souhaiterais lire en espéranto. Loin de moi l'idée de médire de la langue russe : au contraire j'aimerais que les activités universitaires du monde russophone soient reconnues à leur juste valeur. Mais la question est purement pratique. Si je m'en tiens à ma biblio de maîtrise, je suis déjà censé maîtriser (dans l'ordre d'importance) :
- l'allemand
- l'anglais
- l'italien
- le castillan
- le latin

Je maîtrise les deux premières et la dernière et je fais aller pour les deux suivantes suivantes, grâce au latin. Le russe, le tchèque, le suédois et le néerlandais sont sans doute des langues magnifiques MAIS JE N'AI PAS LE TEMPS D'ICI MA THESE DE TOUTES LES APPRENDRE ; et il en va ainsi de tous les universitaires.
J'ai plusieurs ouvrages rédigés en latin au XIX et XX siècle dans ma biblio : parce que c'était pour leurs auteurs le seul moyen de se faire comprendre (l'une est polonaise, l'autre danoise). Mais le latin est franchement mort, et s'adapte très mal aux concepts modernes (les possibilités néologistiques ont toujours été très faibles en latin, même du temps où il était parlé).
Franchement, ce serait vraiment bien si l'espéranto était la seule langue de COMMUNICATION dans les sciences. Ca n'empêcherait pas que chacun continue à rechercher dans sa langue ; mais ça mettrait fin à l'hégémonie de l'anglais, qui de surcroît est très mal adaptée et très floue (l'allemand, c'est déjà mieux).

(Ne confondons pas ici valeur pratique et valeur culturelle : un jour, je me mettrai au russe et je tâcherai de pénétrer totalement sa très riche culture et littérature ; mais en attendant, j'ai un besoin technique d'avoir accès aux linguistes slaves. Dire "y'a qu'a" apprendre le russe est un peu facile...
... Et ils sont en train de céder à l'anglais eux aussi.)

Pour ce qui est en fait du statut de langue vivante de l'espéranto, c'est simple : c'est une langue vivante. Pierre Janton dans son Que-Sais-je sur l'espéranto (un peu vieux) estimaient à 5.000.000 le nombres d'espérantistes officiels (affiliés à un club et participant aux rencontres), ce qui laisse de côté tous les espérantistes non-officiels ou les amateurs dans mon genre ; d'autre chiffres disent plus modestement 2.000.000. Ca fait toujours plus d'espérantophones que d'islandophones ou de lettonophones, à qui on ne conteste pas le statut de langue vivante.

Enfin, il y a bien une culture espéranta : il existe des poèmes, des romans, des pièces de théâtres, des chansons écrites en espéranto. Il a existé un cabaret espérantiste à Paris, et surtout le travail de traduction en espéranto est immense. Mais sur ce point je préfère laisser Bernard parler car je connais mal tout ça.
il y a aussi une tendance au jeu de mot en espéranto qui est assez amusante (et qui découle de l'une des seuls faiblesse de cette langue à mes yeux : les mots se ressemblent parfois trop, une erreur sur une lettre fausse parfois le sens). Si vous voulez des exemples, allez donc sur le site "coquin" que je référençais plus haut (attention, mauvais 100 %goût garanti !).

Pour résumer :

1. Si, l'espéranto est une langue vivante, avec une culture propre
2. Non, l'espéranto ne prétend pas supprimer les langues, mais seulement servir de langue-pont.
2bis : Non, l'espéranto ne prétend pas annihiler les cultures, au contraire, elle permet de les faire connaître (parmi les traductions littéraires de Zamenhoff lui-même, il y a des classiques de la littérature polonaise qui aujourd'hui encore sont inaccessibles en français).
3. Oui, ce serait bien pratique, et beaucoup moins dommageable que l'anglais.
4. Non, l'espéranto n'est pas totalement européo-centrée.
5. Malgré tout, je continue de douter, mais par pur réalisme imbécile et pessimiste, de la capacité de l'espéranto a vraiment atteindre ses buts.
Bovido
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Post by Bovido »

katraùvarma
Kontraŭvarma...
TOUS les féminins sont formés sur les masculins
Non, seulement les mots désignant la famille (patro, kuzo, filo, etc.), le reste se forme à partir du neutre.
ĉ ĝ ĥ ĵ ŝ ŭ
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didine
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Post by didine »

Sisyphe wrote:Du coup, on opère une traduction "en cascade" (grec-moderne -> français -> anglais -> letton [par exemple, j'en sais rien]), d'où une perte de sens et de temps - il parait que les danois sont toujours les derniers à rire :D
On trouve des espérantistes dans absolument toutes les langues, l'idée (juste à mes yeux, mais je pense utopiste pour l'instant) serait que l'espéranto soit la langue centrale pour tous (français -> espéranto -> letton ; letton -> espéranto -> grec, grec -> espéranto -> néerlandais, etc.).
En fait on ne prend qu'une langue relais maximum aussi bien en trad qu'en interprétation. Ce sera donc toujours par exemple grec-francais-letton OU grec-anglais-letton OU grec-allemand-letton, etc. Ca revient donc au même qu'on utilise l'espéranto ou une autre langue. ;)
Sisyphe wrote:d'autre chiffres disent plus modestement 2.000.000. Ca fait toujours plus d'espérantophones que d'islandophones ou de lettonophones
Faux pour les lettophones. ;)

Qu'est-ce que tu entends par "moins dommageable que l'anglais"?

:hello:
Bernard(o)
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Post by Bernard(o) »

Pwyll a écrit :
J'ai jamais vraiment compris ce qu'était le communautarisme. Si qn peut m'expliquer (mais pê n'est-ce pas le bon endroit pour parler de ca... ??) ce que ca signifie et qui a créé ce terme...
Le mot communautarisme est l'un de ces nouveaux mots très en vogue actuellement.
Tu n'en trouveras pas de définition dans un dico classique.

Voici ce que j'ai trouvé sur WIKIPÉDIA : l'Encyclopédie Libre.


http://fr.wikipedia.org/wiki/Communautarisme


Bernard(o)
Bernard(o)
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Post by Bernard(o) »

Sysiphe a écrit :
Mon rapport à l'espéranto est le même que mon rapport au Schwyzertütsch : il est ancien, il est réel, il est intime et j'ai des connaissances, mais on ne peut pas dire que je parle réellement l'un ou l'autre.
Pour l'espéranto il est indéniable que, même si tu ne le parles pas vraiment faute de temps pour t'exercer, tu connais très bien le sujet et si parfois nous n'avons pas toujour la même analyse des choses tes posts sont toujours très bien argumentés.
Honnêtement, je n'ai jamais vu la moindre publication universitaire en espéranto, en tout cas en linguistique, diachronique comme générale
J'ai trouvé sur la toile cette liste de linguistes espérantistes et de leurs publications en espéranto ou dans d'autes langues, je te la livre :

http://member.netease.com/~htliu/ldei.htm

ça te sera peut-être utile :D
puisque l'espéranto est toujours une langue conquise, on est obligé de laisser sa condition sociale au vestiaire. Tout le vocabulaire, les tics, l'intonation, les tournures, les attitudes qui sont autant de "marqueurs sociaux" dans une langue maternelle disparaissent dans l'espéranto. Et ça, même si c'est un peu naïf de ma part, ça me plaît.
Je suis tout à fait d'accord avec toi. Sans venir d'un milieu défavorisé, je ne suis pas issu des classes dites supérieures et je parle "comme la langue a poussé". Le fait d'utiliser l'espéranto m'a souvent décomplexé dans certaines situations.

Bernard(o)

:drink:
Bernard(o)
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Post by Bernard(o) »

Svernoux a écrit :
Et pour la grammaire, pareil : celle de l'espéranto est surtout basée sur les grammaires latine ou allemande, non ?
Cette affirmation, suivie d'une négation et d'un point d'interrogation trahit ta méconnaissance du sujet...

Il en est ainsi de certains sujet à propos desquels on a une opinion sans jamais avoir pris la peine de se renseigner. sans avoir cherché à approfondir.
Mais si je comprends bien, les espérantistes souhaitent remplacer l'hégémonie de l'anglais par celle de l'espéranto ?
Eh bien non tu n'as pas compris ou plutôt tu n'as pas cherché à comprendre.
Je te mets au défi de trouver un document émanant du mouvement espérantiste confirmant ces propos.

Pour ce qui est du reste pense que les excellents posts de Bovido et Sysiphe éclareront ta lanterne.
Ah oui, je viens de me souvenir d'un truc (pour continuer à casser de l'espéranto... (j'rigole, hein, chuis pas méchante !))
J'aime aussi parfois casser de la paresse intellectuelle, mais je ne suis pas méchant non plu !

Bernard(o)
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SubEspion
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Post by SubEspion »

Sisyphe wrote::Pierre Janton dans son Que-Sais-je sur l'espéranto (un peu vieux) estimaient à 5.000.000 le nombres d'espérantistes officiels (affiliés à un club et participant aux rencontres)
C'est justement le seul bouquin que ma bibliothèque pouvait me fournir
sur l'espéranto, moi qui m'attendait à devoir faire des choix entre
plusieurs livres. Les ressources sont souvent minimes pour certaines
langues à certains endroits.

IV) L'espérantisme et le public

La finalité de l'espérantisme, répandre l'usage de l'espéranto dans les
échanges internationaux, inspire des comportements variables dans un
milieu fortement marqué par l'individualisme. Ces comportements
varient également selon les pays, selon le statut reconnu à l'espéranto
par les gouvernements, la politique linguistique de ceux-ci, mais aussi la
motivation ultime des espérantistes : suivant qu'ils insistent sur l'idée
interne ou l'aspect linguistique, leur action prend un caractère plus
philosophique ou plus scientifique, les possibilités de nuances et
d'équilibre n'étant pas exclues.

Extrait : L'espéranto par Pierre Janton

Je suis quand même fatigué et je ne me rappelle même plus pourquoi
je viens d'écrire cela, c'est vrai bête :roll:
Bovido
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Post by Bovido »

Je ne tiens pas particulièrement à entrer dans le débat sur l'espéranto, mais cette réponse de Bovido m'interpelle. Est-ce que tu pourrais m'expliquer tes arguments?
Par exemple, il est plus facile de traduire du français (ou une autre langue) à l'espéranto ou de l'espéranto au français (ou une autre langue) que du français à l'anglais car l'espéranto est par sa grammaire, sa structure et par son haute précison, dix fois plus simple que l'anglais et la plus souple de toutes les langues, ce qui lui permet de s'adapter à presque toutes les particularités syntaxiques de l'autre langue.
ĉ ĝ ĥ ĵ ŝ ŭ
Ĉ Ĝ Ĥ Ĵ Ŝ Ŭ
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didine
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Post by didine »

Je suis tout de même très sceptique... Je ne pense pas qu'on puisse généraliser comme ca... :-?
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svernoux
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Post by svernoux »

Bon alors d'abord je voudrais préciser, en réponse à Bovido et Bernardo qui semblent très vexés, que mon intervention ne se voulait pas une agression contre les espérantistes. Je dis simplement ce que je pense au vu de mes maigres connaissances sur l'espéranto, en espérant surtout que vous m'en apprendrez plus. Alors un grand merci à Sisyphe qui lui apporte des réponse argumentées à mes interrogations.
Bernard(o) wrote:Svernoux a écrit :
Et pour la grammaire, pareil : celle de l'espéranto est surtout basée sur les grammaires latine ou allemande, non ?
Cette affirmation, suivie d'une négation et d'un point d'interrogation trahit ta méconnaissance du sujet...

Il en est ainsi de certains sujet à propos desquels on a une opinion sans jamais avoir pris la peine de se renseigner. sans avoir cherché à approfondir.
Bernardo, entre nous, je n'ai jamais prétendu être une spécialiste de l'espéranto, je ne fais justement que poser des questions. Mes connaissances de l'espéranto se limitent aux exposés de ma prof de linguistique à la fac, à la présentation que nous en a faite (à la fac aussi) un espérantiste, à une ou deux feuilles d'introduction à la langues que j'ai eues entre les mains, et enfin à tout ce que l'on peut en lire sur ce forum.

Donc, quand je parle de grammaire allemande, cela ne sort pas tout droit de mon imagination : voici une citation de Sisyphe datant du tout début de ce post :

C'est vrai aussi que sa structure, notamment son régime de composition ressemble plus à l'allemand qu'à l'anglais.

Quand je parlais de l'allemand et du latin, je pensais surtout aux déclinaisons. (Combien de cas en espéranto, au fait ?) Car il ne me semble pas que toutes les langues du mondes se basent sur la déclinaison, si ?

Ps : au lieu de me répondre sèchement, ce serait sympa que tu m'expliques ton point de vue. Si tu n'es pas d'accord, donne-moi des arguments. Parce que si je suis ignare, c'est pas ta réponse qui m'en apprend beaucoup plus, et surtout, c'est pas ça qui me donne envie d'apprendre l'espéranto...
Bernard(o) wrote:
Mais si je comprends bien, les espérantistes souhaitent remplacer l'hégémonie de l'anglais par celle de l'espéranto ?
Eh bien non tu n'as pas compris ou plutôt tu n'as pas cherché à comprendre.
Je te mets au défi de trouver un document émanant du mouvement espérantiste confirmant ces propos.
En fait, je me suis mal exprimée : je ne dis pas que les espérantistes veulent dominer le monde en diffusant leur langue, mais je dis juste qu'il est utopique de croire que la diffusion de l'espéranto à l'échelle où l'espère les espérantistes soit une meilleure solution que l'hégémonie actuelle de l'anglais : je ne vois pas l'intérêt de remplacer une langue dominante par une autre langue dominante. Sauf bien sûr, et je crois que c'est là une des seules qualités que je concède (pour l'instant) à l'espéranto : d'être supranationale.
Sonka - Сонька
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