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Posted: 21 Aug 2004 19:46
by Bernard(o)
Svernoux a écrit :
La plupart des gens qui ne réussissent pas en langues étrangères sont ceux qui sont incapables de différencier un sujet d'un attribut en français
Là c'est pousser le bouchon un peu loin :evil:

Il y des sommités en leur matière qui reconnaissent n'avoir aucune disposition pour les langues. Ces gens là sont pourtant capables de faire la différence entre sujet et attribut ...

J'en ai connu d'autres qui pensaient être nuls en langue et qui ont appris l'espéranto sans rencontrer de difficultés particulières...

Enfin il y a ceux qui parviennent à apprendre une, voir plusieurs langues étrangères, sans avoir aucune notion de grammaire...

Cela me fait penser à Andreo Cseh 1895 - 1979 , un pasteur tchèque qui inventa une méthode directe (bien avant la lettre) d'enseignement de l'espéranto. Cseh avait la pédagogie dans le sang et ses cours, destinés à un public ouvrier, avaient beaucoup de succès. Il va sans dire qu'il n'y était pas question de grammaire.

La Ĉe-metodo n'appartient pas seulement à l'histoire de l'espéranto, elle est toujours appliquée grâce à un institut qui s'est créé pour former des enseignants. Elle est encore souvent utilisée pour les débutants à l'occasion de rencontres internationales.

Suite au prochain numéro :D

Bernard(o)

Posted: 21 Aug 2004 23:43
by Bernard(o)
Sur son site :

http://membres.lycos.fr/reinsesperanto/ ... utique.htm

Jean Marin a écrit :
De plus, ce qui dicte le choix d'une langue, dans 95 sinon 99 % des cas, n'a rien à voir avec une vision idéaliste ou même simplement morale, mais simplement avec un désir de réussite et de promotion sociale.
Svernoux a commenté :
Je crois que tous les membres de ce forum prouvent quotidiennement le contraire…
Quand à moi je suis persuadé que les membres de ce forum sont plutôt représentatifs des 1 à 5% des cas dont parle Jean Marin.

Bernard(o)

Posted: 22 Aug 2004 00:33
by Bernard(o)
Jean Marin sur son site :

http://membres.lycos.fr/reinsesperanto/ ... utique.htm

a écrit :
Au mieux, c'est-à-dire à moins de 5 % des élèves, cette infime minorité de privilégiés de la mémoire et du milieu social, qui après 7 ans d'études secondaires et 1500 heures de cours arrive à déchiffrer sans trop de difficulté un texte dans une langue étrangère.
Svernoux a commenté :
Moui, c'est un peu péremptoire tout ça… Moi je "déchiffrais sans trop de difficulté" l'anglais avant même de le commencer au collège. Et je ne fais pourtant pas partie d'une classe privilégiée...
Tu fais alors partie des privilégiés de la mémoire dont parle Jean Marin. Les privilègiés du mileu social font leurs études à l'étranger dans des écoles privées d'où ils reviennent avec un bagage linguistique qui leur assure les meilleurs postes.

D'après ce que j'ai cru comprendre tu as fait des études et tu as une profession en rapport avec les langues. Les gens qui se préparent à d'autres professions et les exercent ne peuvent pas toujours investir suffisamment de leur temps pour approfondir leurs connaissances linguistiques et n'arrivent jamais au niveau d'un professionnel.

L'espéranto ne vit que grâce au travail et à la bonne volonté de gens qui sont à 95% des amateurs.
Je n'ai moi même aucune formation en linguistique, ni un métier en rapport avec les langues.
Cela ne m'a pas empêché de présider un club, d'enseigner, de faire des conférences, de guider des visites touristiques, de traduire des programmes informatiques dans cette langue. Cela serait-il réalisable dans une langue ethnique que j'aurais apprise dans des conditions scolaires ?
Je sais que la réponse est non puisque j'ai fait de l'allemand scolaire pendant 7 ans, que je vis à 40 km de l'allemagne où je me rends souvent. Bien sûr je me débrouille, (selon l'expression consacrée) mais je suis loin de pouvoir prétendre au niveau que j'ai en espéranto.

Bernard(o)

Posted: 22 Aug 2004 01:49
by Sisyphe
La reste de ma réponse est encore en cours (je sais, c'est long... Mais après tout la gestation de la femelle éléphant dure 24 mois vous pouvez bien attendre un peu. Comment ça ça n'a rien à voir ?).

Mais puisque j'ai un pied (et j'espère bientôt plus) dans l'enseignement, je puis réagir un peu "à chaud" (disons à tiède) aux derniers propos de Bernard.

*

Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'écrit M. Marin (et que reprend Bernard) sur l'aspect "stratégique" des choix de langue dans notre enseignement. Je l'ai déjà dit ici plusieurs fois, et tous les faits, toutes les études, toutes les statistiques de l'Educ' Nat' me donnent raison : pour l'essentiel des cas, le choix d'une LV1 ou d'une LV2 par des parents (même si le choix est en apparence avalisé avec bonne volonté par l'enfant) se fait pour des raisons strictement statégiques.

Dans le détail, il faut un peu différencier les stratégies à court terme, comme celles qui concernent le latin : on prend latin pour être dans une "bonne" classe (c'est très regrettable, et en même temps, je suis un peu hypocrite parce que c'est la seule chose qui maintienne le latin dans les lycées). Et puis il y a les stratégies à long terme, et c'est l'anglais qui en sort total gagnant...
... Il y a quelques années encore, c'est à dire jusqu'à notre génération à Svernoux et moi, l'allemand bénéficiait d'un vision positive dans le cadre d'une stratégie "à court terme". Prendre allemand LV1 = être dans une "bonne" classe. Pour différentes raisons, cet avantage a cessé de jouer, et les demandes d'allemand sont en chute libre, comme par suite les postes aux concours.

Cette loi économique joue aujourd'hui à fond "pour" l'anglais et l'espagnol, et contre l'allemand et les langues régionales. Les quelques poucents d'enfants qui échappent à cette logique stratégique ne peuvent pas grand-chose. En gros ce sont des fils de prof dans mon genre - qui de toute façon sont assurés de leur réussite vis-à-vis d'un système qu'ils connaissent (ou que l'on connaît pour eux), ou de "militants", au sens très large : y compris le pillier d'assoc' régionale, ou tout simplement des membres de Freelang ;) , en tout cas des gens qui font l'effort - anormal dans notre société, il ne faut pas jeter la pierre aux autres - de sortir de d'une vision économique des choses.

C'est une réalité, triste d'ailleurs (mais qui a toujours existé : si dans le "bon vieux temps" tout le monde faisait du grec, c''était pas - malgré les déclarations - pour l'amour des humanités, parce que c'était un signe de distinction sociale, et que le lycée, à lui seul, suffisait à indiquer un état social supérieur, hérité ou conquis). Mais c'est d'elle qu'il faut partir, avec réalisme. Les parents veulent assurer à leurs enfants le meilleure "bagage" dans le struggle for life qu'a toujours été mais qu'est de plus en plus notre société. D'une certaine manière, c'est leur rôle, ne les blâmons pas.

D'une certaine manière, c'est un des meilleurs arguments "contre" l'espéranto (disons une des meilleures raisons de croire qu'il n'a aucune chance comme projet global). Tant que la bourse de New York ou même simplement les publications universitaires ne seront pas en espéranto mais en anglais, l'attrait de l'espéranto sera aussi limité que celui du breton (mais après tout, il y a un CAPES de breton).

*

À l'inverse, il ne faut pas exagérer le rôle des différences sociales, en disant "de toute façon, les pauvres ratent à l'école" - parce que l'extrême de cet argument, c'est "alors ne nous occupons pas d'eux".

D'ailleurs je ferais remarquer qu'à ma connaissance, svernoux est loin d'être une privilégiée sociale. Je n'aime pas trop l'idée non plus de "privilegiée de la mémoire".

Ce que je sais par mes lectures mais surtout par mon expérience personnelle, c'est que les "miracles" sociaux via l'école sont bien plus nombreux qu'on ne le croit, et surtout bien plus complexes. Lorsqu'on veut faire du "Bourdieu facile", on dit "Bourdieu est un miraculé social parce qu'il vient d'un monde paysan et qu'il a fait l'ENS" - mais on oublie (et il oubliait) de dire que les parents de P. Bourdieu n'était plus paysans mais petits employés de la Poste. Economiquement, ça ne change rien, mais socialement, cela signifie que leur génération était déjà engagé dans un processus d'ascension social. Je me souviens d'une étude montrant que les enfants d'ouvriers syndiqués réussissaient mieux que les autres, parce que justement le syndicalisme suppose de rejeter les fatalismes sociaux inconscients ("on est pauvre et exploité mais c'est comme ça on y peut rien").

Bref : c'est un peu exagéré de dire qu'il faut être uniquement privilégié de la mémoire (surdoué, quoi - mais si svernoux est très intelligente ! Je n'en doute pas :D ) ou fils de riche pour réussir à apprendre l'anglais.

Ayant grandi aux côtés de fils et filles d'immigrés, je puis même dire que les langues vivantes sont au contraire le premier "élément de réussite" des jeunes maghrébines (il n'existe aucun statistique officielle, mais il suffit de compter les noms arabes dans les listes des CAPES d'anglais, allemand, espagnole par rapport à ceux de français - ou ils sont encore importants - ou pire par rapport à ceux de maths). Certes, cette réussite se manifeste plutôt du secteur public (enseignement ou autre), mais ce n'est pas forcément pour de raisons de niveau acquis - l'agreg d'anglais ne doit être vraiment plus facile qu'un concours d'école de trad, c'est juste différent) ; c'est pour des raisons d'abord techniques (le facs publiques mènent d'abord et avant tout à l'enseignement) mais surtout de peur sociale (en gros : de peur du racisme ; la vertu des concours c'est qu'on ne peut pas vous dire que vous n'avez pas le profile du poste = vous n'êtes pas blanche).

Bien sûr, le milieu socio-économique originel joue dans l'appréhension des langues. Les gosses de riches qui se paient des summer schools aux USA j'en ai connu ! Mais pour l'instant ( :evil: souhaitons que ça dure, ça n'en prend pas le chemin, avis perso), notre système permet encore à quiconque veut étudier les langues de le faire dans des conditions les moins mauvaises possibles. Un gosse de riche, même avec douze mois à[barré]travailler[/barré] faire la teuf aux US, s'il est con, ne réussira pas un concours d'entrée d'école de trad ni les partiels d'un cursus LEA. Ce qui joue n'est pas tant le niveau économique des parents que la claire vision des possibilités offertes pas notre système d'étude. Domaine pour lequel les fils de profs dans mon genre sont largement privilégiés. Le contre-exemple, ce sont tout(e)s les beur(ette)s sortant pas mauvais en langue de leurs lycées avec un bac ES et qui s'inscrivent en LLCE (langue-enseignement) dans une petite fac en s'imaginant sortir traductteurs/trices international(e)s.

Dans ce domaine, l'espéranto joue peu.

*

Quant à la méthode Cseh, je n'ai pas encore très bien compris en quoi elle consiste... Mais un certain atavisme educ-nat me rend très très prudent, pour ne pas dire sceptique devant les pédagogies alternatives et les tenant du pédagogisme façon IUFM. Même s'il est évident que la facilité de l'espéranto en fait la LV1 rêvée.

:evil: Oui parce que j'aimerais dire une chose aussi : la suprématie de l'anglais comme LV1 fait beaucoup de dégât. Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas une langue facile, au contraire. Les enfants peu habitués à entendre des langues étrangères - donc les pauvres - buttent sur la prononciation d'une manière rédhibitoire et sont incapables de "segmenter" à l'oral, quand on passe une cassette... Pour ceux atteint d'une dyslexie légère (ce que j'appelle perso une dyslexie sociale), et qui donc sont déjà ruinés en français (06/20) s'enfoncent encore plus - expérience d'aide au devoir via une copine - en ramenant chez eux des 1/20. A ce rythme, un enfant même s'il a des talents ailleurs prend l'école en haine et est complètement foutu en six mois.

Quand à l'argument de l'accessibilité (un tiers de mots latins), il ne joue pas au début : les mots courants, de base, sont justement ceux qui ont tendance à être germaniques (the house, the dog, the cat, the bed, the desk, green, yellow et presque toutes les couleurs, in, out, uppon et presques toutes les prépositions, left, right, now, tomorow, yesterday et tous les marqueurs temporels, etc. etc.). Il faut avoir atteint un certain niveau pour pouvoir dire, comme le Dodo d'Alice au Pays des merveilles "for the immediate adoption of more energetic remedies" - et s'entendre répondre par la petite souris "speak english !". :P

Posted: 22 Aug 2004 02:47
by Sisyphe
(Rien à voir avec ce qui précède)

:gniii: Quel idiot je fais :

ezoko vient bêtement du latin ! Du moins du latin scientifique : esox, esocis (Esox lucius, famille des esocidés).

Vérification faite, en latin classique le mot désigne un poisson inconnu du rhin, mais qui n'est pas le saumon (salmo). On trouve aussi "isox", ce qui tendrait à prouver que le e initial n'était pas très fort, ou qu'il était prothétique.

Venu du gaulois apparemment. Et bel et bien apparenté à chtchouka en russe, csuka en hongrois etc. Malgré tout cette ressemblance entre des formes latines, slaves et hongroises (substrat celtique)(1) peut avoir joué dans l'adoption de ce mot, de préférence à une forme *brocxeto ou *hesxto".

(1) : pour Pwyll, je trouve encore *eo en celtique désignant le saumon.

Posted: 22 Aug 2004 17:49
by svernoux
Bernard(o) wrote:Svernoux a écrit :
La plupart des gens qui ne réussissent pas en langues étrangères sont ceux qui sont incapables de différencier un sujet d'un attribut en français
Là c'est pousser le bouchon un peu loin :evil:

Il y des sommités en leur matière qui reconnaissent n'avoir aucune disposition pour les langues. Ces gens là sont pourtant capables de faire la différence entre sujet et attribut ...
Oui, j'admets, je me suis un peu emballée...
Mais :
Bernard(o) wrote:Enfin il y a ceux qui parviennent à apprendre une, voir plusieurs langues étrangères, sans avoir aucune notion de grammaire...
Là, c'est toi qui pousse un peu à mon avis ! Apprendre une langue correctement sans AUCUNE connaissance de grammaire, j'ai vraiment des doutes. Sauf une langue apprise tout petit dans un environnement de cette langue, bien-sûr...
Bernard(o) wrote:J'en ai connu d'autres qui pensaient être nuls en langue et qui ont appris l'espéranto sans rencontrer de difficultés particulières...
Pour rebondire également sur ton affirmation que tu ne parles pas l'allemand malgré 7 ans de cours à l'école et sur le post de Sisyphe, je pense que le fait qu'on mette si longtemps à apprendre des langues en France n'est pas tant dû à la langue elle-même (même si ok, l'espéranto est plus simple) qu'à la façon dont on les enseigne. D'ailleurs, c'est pas chez nous que c'est le plus catastrophique. Pour avoir vu l'Ukraine, je peux vous dire que des gens qui sortent de 5 ans de fac de français là-bas ne se débrouillent pas mieux en français que des Allemands au niveau bac avec le français comme deuxième langue. Et pourtant, dieu sait qu'on nous rabat les oreilles avec les aptitudes toutes particulières des Slaves aux langues !

Sinon, Sisyphe, merci pour les compliments, mais je ne suis pas plus intelligente qu'un(e) autre. La seule capacité particulière que j'ai pour les langues, c'est une bonne aptitude à reproduire les sons inexistants en français. Mais c'est là une bien petite part de l'apprentissage d'une langue ! Pour le reste j'ai fait comme tout le monde : j'ai appris du voc, des déclinaisons, des conjuguaisons irrégulières par coeur, et je peux vous assurer que je déteste apprendre par coeur ! Et je n'ai compris les déclinaisons allemande qu'en première, soit au bout de 6 ans, lorsqu'un prof a enfin pris la peine de nous les expliquer...

PS : ça ne m'a pas empêcher d'adorer l'allemand dès la 6ème et de communiquer avec plein de gens dans cette langue, d'écouter de la musique, de lire des bouquins,...

Pour faire le point sur les "privilégiés" de leur milieu social : je ne vais pas vous refaire ma biographie, c'est déjà fait. Je ne sais pas ce que vous aviez compris, mais moi, je pensais surtout en termes de milieu intellectuel plutôt que de milieu économique. Parce qu'économiquement, je suis plutôt privilégiée ; je ne suis pas d'une famille de millionnaires, mais pas non plus de prolos, on vit bien. Par contre, sur le plan intellectuel, je pense que Sisyphe avait beaucoup plus d'atouts que moi pour réussir dans une branche intellectuelle : dans ma famille, que des manuels, avec peu de bagage scolaire, etc. Et comme je l'ai dit dans un autre post, mes parents disent des trucs du genre "infarctus", "rénumération" etc. Chez nous, ça parle lyonnais, ça fait des fautes à l'oral et à l'écrit, et le subjonctif imparfait est totalement inconnu au bataillon (de même que l'attribut du sujet).

PS : déjà que le russe, ça leur paraissait complètement farfelu, mais maintenant que j'ai annoncé le japonais, ils sont pas loin de la syncope !

Posted: 22 Aug 2004 18:08
by svernoux
Au sujet du choix des langues orienté par l'économie : oui, mais pas que. Même si c'est dû effectivement à l'attraction des gens pour l'anglais, le système éducatif est complètement asservi à l'anglais : aujourd'hui, si jamais tu ne veux pas apprendre l'anglais, c'est tout bonnement impossible ! Si ce n'est pas en première langue, alors ce sera en deuxième. Personnellement, je ne connais pas de collège ou de lycée où l'on peut échapper à l'anglais. S'il y en a, ils doivent être bien cachés...
Bernard(o) wrote:Svernoux a écrit :
Mais bon sang, on apprend aussi les langues pour le plaisir, pas que pour la science ou le boulot !
Il y a aussi dans la vie des impératifs que j'appelerai "alimentaires" et si l'on est obligé d'y investir trop d'effort et de temps il n'y a plus de place pour le reste.

Si l'espéranto était reconnu comme langue de communication internationale et apprise par tous, le temps et les efforts économisés pour son apprentissage par rapport à toute autre langue, pourraient être consacrés à l'apprentissage d'autres idiomes, non plus pour des besoins "alimentaires", mais par goût, selon un choix délibéré qui ne serait pas forcément imposé par les critlères actuels.

C'est en cela que l'espéranto peut aider à préserver les langues aujourd'hui menancées, le besoin en communication internationale étant résolu, on pourrait apprendre d'autres langues pour d'autres raisons : cultuelles, historiques, affectives...

Bernard(o)
Moi aussi j'ai des impératifs alimentaires. Je bosse 37 heures par semaine, j'ai un rapport de stage à écrire et une soutenance à préparer, et ça ne m'empêche pas de passer beaucoup de temps sur Freelang (et d'autres forums), de correspondre avec des gens du monde entier, de lire beaucoup, de sortir avec mes amis, de passer énormément de temps avec ma nombreuse famille, d'avoir un chéri, de faire un peu de sport et d'entretenir mes langues tout en apprenant le japonais et (attention, c'est un scoop !), bientôt l'ukrainien. Plus plein d'autres activités annexes que je ne saurais énumérer. Mais à chacun ses priorités, pour moi c'est les langues, pour d'autres c'est le sport, pour d'autres c'est dormir ou ne rien faire devant la télé. Mais je ne crois pas que les gens qui n'aiment pas les langues se mettront tout à coup à y consacrer plus de temps si on leur apprend l'espéranto. Peut-être cela leur permettra-t-il de s'exprimer en espéranto, mais je ne vois pas en quoi ça leur donnerait plus envie d'apprendre d'autres langues. Pour quoi faire d'ailleurs ? Si l'espéranto devenait vraiment une langue de communication parlée par tous, porteuse de culture et permettant de tout exprimer, je ne vois vraiment pas pourquoi les gens se casseraient le tête à apprendre des langues compliquées qui n'auront plus aucune autre utilité que décorative... L'espéranto ne sauve pas plus de langues que l'anglais.

Posted: 22 Aug 2004 21:44
by svernoux
En ce qui concerne la culture, je crois que nous ne tomberons jamais d'accord. Je m'explique, en donnant la définition de "culture" de mon Petit Robert (je vous passe la culture des tomates et la culture physique) :

1-Développement de certaines facultés de l'esprit par des exercices intellectuels appropriés. Par extension : ensemble des connaissances acquises qui permettent de développer le sens critique, le goût, le jugement. Culture philosophique, littéraire, scientifique, artistique. Culture générale.
2-Ensemble des aspects intellectuels d'une civilisation. La culture gréco-latine. Culture occidentale, orientale. La culture française.
3-Ensemble des formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines.

Or, d'après toutes nos discussions, je vois que votre conception de la culture se limite au point 1, voire uniquement à la culture littéraire. Ma vision de la culture, elle, englobe les trois points, tout particulièrement le troisième qui m'est cher.

Bovido wrote:L’espéranto peut faire toutes les nuances imaginables. Pour ton exemple, le mot en espéranto est Filbogepatroj

C’est ce que présente ce site, les jurons dépendent de celui qui les utilise ; l’espéranto est très créatif.

En espéranto, je le redis, on peut dire n’importe quoi car il est une langue agglutinante.
En fait : « Boire de l’eau » => « Akvtrinki » ; « Boire du jus de fruit » => « Fruktsuktrinki » ; « Boire une eau médicinale » => « Kuracakvtrinki » ; « Boire régulièrement » => « Ofttrinki ».
Merci Bovido !!! Ca commence à rentrer ! Même si la tête est dure… :gniii: Je commence à comprendre le principe. Je crois que j'avais du mal parce que vous n'êtes pas tous d'accord entre vous, les espérantistes, vous dites des choses un peu contradictoires parfois. Les uns disent que c'est une langue figée, avec un comité qui surveille de près son évolution, et puis là tu me dis qu'on peut faire tout et n'importe quoi… En fait, j'ai l'impression que chacun fait ce qu'il veut de l'espéranto : qui y met une idéologie, qui non, etc. Pour en revenir aux exemples ci-dessus, c'est vrai que linguistiquement, c'est génial de pouvoir tout inventer. Mais au vu des différentes cultures, je reste convaincue que la compréhension ne peut pas être parfaite. Même si tu peux dire des choses qui n'existent pas dans d'autres langues, les locuteurs de ces autres langues risquent de ne pas te comprendre, même en espéranto, car tu parles peut-être d'une réalité qui leur est inconnue ou qui est différente pour eux. Finalement, je reviens aux Eskimos : s'il te décrivent très précisément en espéranto leurs 20 sortes de neige, tu ne seras pas plus avancé. Soit parce que tu n'as jamais vu ces sortes de neige, soit plus probablement parce que, même en les voyant, tu ne sais pas les distinguer. Pourquoi ? Parce que tu vois de la neige une fois par an dans les Alpes ou les Pyrénées et non pas tous les jours depuis ta naissance. Autre exemple : un Allemand te dit en espéranto qu'il faut t'arrêter au feu jaune. Je pense que tu vas au moins être déconcerté quelques secondes, peut-être les quelques secondes qu'il t'aurait fallu pour t'arrêter. A moins que tu ais fait de l'allemand et que tu connaisse la civilisation allemande. Et le problème est le même pour les proverbes et les expressions idiomatiques. Encore que les proverbes, je l'accorde, même quand ils sont différents, suivent généralement une logique suffisamment identifiable pour qu'on puisse en comprendre le sens. Si tu dis à un espérantiste Japonais ou Africain, ou même Anglais ou Italien, que untel travaille du chapeau, je donne ma main à couper qu'il ne te comprendra pas. Parce que chez lui, ça se dit autrement. Et adopter ce qui se dit chez lui ne change rien, puisqu'à ce moment là c'est toi qui e comprends plus rien. C'est là où je veux en venir depuis le début avec ma culture : les différentes cultures induisent forcément une certaine barrière d'incompréhension, quelle que soit la langue, même l'espéranto.

Posted: 22 Aug 2004 23:34
by Bernard(o)
Svernoux a écrit :
Au fait, y'a pas que de la bettrave dans le borsch ! Parfois y'en a même pas du tout... Kasha, c'est non seulement la purée, mais toutes les formes de bouillies, voire même tous les féculents servis nature...
Désolé je suis nul en cuisine. Les définitions précises selon la Plena Illutrita Vortaro de Esperanto sont :

barĉo : soupe aigre à base de bettes, d'origine ukrainienne.

kaĉo : aliment ayant l'aspect d'une pâte molle, faite principalement de farine mélangée avec de l'eau ou un autre liquide ou de légumes cuits longement et à moitié liquéfiés par ajout d'eau.

On peut effectivement traduire par purée ou bouillie

sens figuré : nourriture mal préparée, tout ce qui ressemble à de la purée ou de la bouillie (péjoratif)

dérivés :

kaĉigi: cuire ou presser pour rendre à l'état de purée ou de bouillie
kaĉigilo : presse-purée
bebokaĉo : bouillie liquide pour jeunes enfants composée de farine ou de poudre fabriquée industriellement, mélangée avec de du lait ou de l'eau et éventuellement réchauffée ou cuite.
avenkaĉo = poriĝo (poridge)
maizkaĉo = polento (polenta)
En russe, il y a le verbe que tu indiques, mais "svati" (le nom) désigne les beaux-parents de ton enfant vis-à-vis de toi-même. L'espéranto a-t-il repris cette nuance ?
J'ai entendu des ukrainiens utiliser le terme svato pour indiquer le lien de parenté :
ex : ili estas niaj svatoj (ils sont nos xxxx) comme on dirait : ils sont nos cousins.
Cette forme, peu orthodoxe (sans jeu de mots), n'est pas entérinée par l'académie, c'est un néologisme qui le sera peut-être un jour.

Bernard(o)

Posted: 23 Aug 2004 10:18
by didine
Sisyphe wrote:1. la edzino de pastoro iras al kongreso per sxia aùto "la femme du pasteur va au congrès au moyen de son automobile".

Mais en réalité, je puis redistribuer les éléments essentiels de cette façon-là :

2. la pastoredzino alkrongresas sxiaùte "la pastorofemme au-congrètise soi-voituriquement"

C'est un peu limite , mais je ne pense pas que la formulation soit fausse. Or cette dernière structure – et on pourrait faire pire – est typiquement celle d'une langue agglutinative (Didine parlait du finnois plus haut).
Cette "agglutination" de l'espéranto me paraît très artificielle... mais c'est peut-être juste une impression que j'ai, car même en finnois, on dirait dans ce cas Papin vaimo menee kongressiin autolla. ("pasteur-du femme va congrès-vers voiture-en").

Cette phrase est typique des formes agglutinatives que l'on trouve en finnois: Kirjoittauduttuamme hotelliin menimme kolmannessa kerroksessa sijaitsevaan huoneeseemme. ("enregistré-après-nous hôtel-vers allés-nous troisième-au étage-au se-trouvant-vers chambre-vers-notre = "Après nous être enregistrés à l'hôtel, nous sommes allés dans notre chambre, qui se trouvait au troisième étage."). Ca reste logique là où l'espéranto me paraît tiré par les cheveux, mais en même temps c'est difficile de juger sur une seule phrase.

Pour ce qui est de la question de la traduction... Je trouve encore une fois que c'est aller un peu loin que de dire que l'espéranto est la langue la plus facile à traduire. Je fais pas mal de traduction, et je peux dire que la difficulté d'un texte repose dans la nature de ce texte et non dans la langue dans laquelle il est écrit. Le fait que Bovido trouve qu'il est plus simple de travailler avec l'espéranto en traduction est que l'espéranto est probablement la langue étrangère qu'il maîtrise le mieux. C'est tout.

Posted: 23 Aug 2004 10:29
by svernoux
Sisyphe wrote:ezoko vient bêtement du latin ! Du moins du latin scientifique : esox, esocis (Esox lucius, famille des esocidés).

Vérification faite, en latin classique le mot désigne un poisson inconnu du rhin, mais qui n'est pas le saumon (salmo). On trouve aussi "isox", ce qui tendrait à prouver que le e initial n'était pas très fort, ou qu'il était prothétique.

Venu du gaulois apparemment. Et bel et bien apparenté à chtchouka en russe, csuka en hongrois etc. Malgré tout cette ressemblance entre des formes latines, slaves et hongroises (substrat celtique)(1) peut avoir joué dans l'adoption de ce mot, de préférence à une forme *brocxeto ou *hesxto".
Bravo pour la reconstitution ! Mais franchement, même si c'est marqué dans un de tes bouquins, je mets au défi n'importe quel russe de reconnaître "chtchouka" dans "ezoko"...

Posted: 23 Aug 2004 10:41
by svernoux
Bernard(o) wrote:Svernoux a écrit :
Au fait, y'a pas que de la bettrave dans le borsch ! Parfois y'en a même pas du tout... Kasha, c'est non seulement la purée, mais toutes les formes de bouillies, voire même tous les féculents servis nature...
Désolé je suis nul en cuisine. Les définitions précises selon la Plena Illutrita Vortaro de Esperanto sont :

barĉo : soupe aigre à base de bettes, d'origine ukrainienne.
Je ne t'en veux pas du tout ! Même en français, le borsch est toujours décrit comme "une soupe à la betterave". Mais j'ai juste mis ces précisions pour votre culture générale...
Bernard(o) wrote:bebokaĉo : bouillie liquide pour jeunes enfants composée de farine ou de poudre fabriquée industriellement, mélangée avec de du lait ou de l'eau et éventuellement réchauffée ou cuite.
Juste pour ton info : on appelle ça (chez moi en tout cas) de la blédine. D'après le nom de la marque. ;)
Bernard(o) wrote:
En russe, il y a le verbe que tu indiques, mais "svati" (le nom) désigne les beaux-parents de ton enfant vis-à-vis de toi-même. L'espéranto a-t-il repris cette nuance ?
J'ai entendu des ukrainiens utiliser le terme svato pour indiquer le lien de parenté :
ex : ili estas niaj svatoj (ils sont nos xxxx) comme on dirait : ils sont nos cousins.
Cette forme, peu orthodoxe (sans jeu de mots), n'est pas entérinée par l'académie, c'est un néologisme qui le sera peut-être un jour.
Je vérifierai si ça n'est pas autre chose en ukrainien, mais je pense que ça doit désigner ce que j'expliquais. Car il y a tout plein d'autres mots en russe pour les cousins, parents et autres membres de la famille...

Posted: 23 Aug 2004 10:44
by didine
Bernard(o) wrote:On peut effectivement traduire par purée ou bouillie
Ou alors par "gruau", non? :-?

Posted: 23 Aug 2004 10:57
by svernoux
didine wrote:
Bernard(o) wrote:On peut effectivement traduire par purée ou bouillie
Ou alors par "gruau", non? :-?
Je crois que ça dépend des kasha. Pour la grechka, on dira effectivement "gruau de sarrazin". Mais pour le pcheno, ça peut être "semoule" tout court ou "gâteau de semoule" si c'est sucré, ou encore pour risovaya kasha, on dira tout simplement "riz" en français (à la différence que c'est généralement en Russie du riz rond/collant, le riz long qu'on a en France étant inconnu, ce qui explique que ça s'appelle kasha alors qu'en France, notre riz n'a pas du tout l'apparence d'une kasha !)

Posted: 23 Aug 2004 12:24
by Bovido
Je commence à comprendre le principe. Je crois que j'avais du mal parce que vous n'êtes pas tous d'accord entre vous, les espérantistes, vous dites des choses un peu contradictoires parfois. Les uns disent que c'est une langue figée, avec un comité qui surveille de près son évolution, et puis là tu me dis qu'on peut faire tout et n'importe quoi… En fait, j'ai l'impression que chacun fait ce qu'il veut de l'espéranto.
L’espéranto a des règles de base que l’on ne doit pas outrepasser, ces règles larges mais à absolument ne pas dépasser permettent cette créativité ; l’Académie d’espéranto est là pour surveiller, si on peut dire, l’emploi correct de ces règles, ce qui veut dire que l’on ne fait pas tout et n’importe quoi.
Je te mets là un lien présentant les règles de base de l’espéranto afin de t’éclairer : http://www.akademio-de-esperanto.org/fu ... index.html
Pour en revenir aux exemples ci-dessus, c'est vrai que linguistiquement, c'est génial de pouvoir tout inventer. Mais au vu des différentes cultures, je reste convaincue que la compréhension ne peut pas être parfaite. Même si tu peux dire des choses qui n'existent pas dans d'autres langues, les locuteurs de ces autres langues risquent de ne pas te comprendre, même en espéranto, car tu parles peut-être d'une réalité qui leur est inconnue ou qui est différente pour eux.
Si on connaît les racines composant le mot composé, on connaît ce mot composé.
Et le problème est le même pour les proverbes et les expressions idiomatiques. Encore que les proverbes, je l'accorde, même quand ils sont différents, suivent généralement une logique suffisamment identifiable pour qu'on puisse en comprendre le sens. Si tu dis à un espérantiste Japonais ou Africain, ou même Anglais ou Italien, que untel travaille du chapeau, je donne ma main à couper qu'il ne te comprendra pas.
Les proverbes de l’espéranto ont été spécialement conçus pour qu’ils soient aisément compréhensibles par tous.
ili estas niaj svatoj (ils sont nos xxxx)
« Ils sont nos entremetteurs. » laŭ mi.
Cette "agglutination" de l'espéranto me paraît très artificielle...
Qu’entends-tu par artificielle ?
Ca reste logique là où l'espéranto me paraît tiré par les cheveux, mais en même temps c'est difficile de juger sur une seule phrase.
En espéranto, on peut faire, si on le souhaite, des phrases parfaitement précises et sans ambiguïté, ou alors des phrases peu claires et floues
Autre exemple : « Je cours à l’hôtel avec des chaussures noires. » peut se traduire par une phrase classique du point de vu français : « Mi kuras al la hotelo per nigraj ŝuoj. (Je cours à le hotel au moyen de noires chaussures.» ou alors par une phrase compacte : « Mi alhotele pernigrŝue kuras. (Je vers-hôtelement au-moyen-de-noires-chaussurement cours).».