Bonsoir à tous, et merci pour la franchise et l'exposé de vos jugements.
Maïwenn wrote:Bruno, est ce que tu peux expliquer a priori et a posteriori dans ces deux phrases-là, je ne comprends pas
a) Opinez-vous pour une langue a posteriori (Esperanto, Ido, Interlingua, etc.)
b) Opinez-vous pour une langue a priori (Volapuk, Kotava, etc.)
Maïwenn, la distinction établie entre langues artificielles est la suivante :
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langue a posteriori (espéranto par ex.) : langue créée sur des bases et un substrat de langues naturelles, notamment au niveau lexical.
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langue a priori (ex. le kotava) : langue créée totalement, sur des logiques absolument propres, et dont le lexique notamment ne se raccroche à aucune autre.
Pour ma part, j'ai voté 1.
Le rôle d'une langue auxilaire de communication, enfin tel que moi je le vois et le défends, n'est absolument pas de se substituer aux langues actuelles, bien au contraire, mais d'être une alternative neutre à l'omnipotence de celle(s) dominatrice(s) actuelle(s) avec tout ce que cela implique au niveau du déséquilibre et de "l'impérialisme culturel" qui en découle.
La grande majorité des gens de ce forum sont sensibilisés aux questions linguistiques et à défendre la pluralité et le multilinguisme et prêts à apprendre 2, 3, 4 langues et plus. Je suis le premier à m'en féliciter, mais ce n'est pas forcément la règle générale ailleurs.
En Europe, pays de vieilles cultures, la diversité n'est, globalement, pas trop menacée. Par contre, sur d'autres continents, je parle notamment de l'Afrique que je connais bien, le problème y est entier. A l'heure actuelle, compte tenu de l'émiettement linguistique et de l'absence de cultures écrites anciennes, ce sont les langues des (anciens) colonisateurs qui font office de langues-pont entre les communautés. J'avoue que cela me fait mal d'entendre des nigérians devoir parler anglais entre ethnies voisines, ou moi de devoir parler (d'imposer parler en réalité) français avec des amis congolais ou camerounais. Avec toute la culture qui est derrière...
Une langue neutre présente l'avantage (et le défaut) intrinsèque de n'être à la base qu'un outil dénué de connotation culturelle, ce qui lui permet de ne pas entrer en concurrence avec les langues natives, lesquelles resteront d'autant plus celles des locuteurs, et donc de leur être un "allié" en quelque sorte.
L'adoption d'une telle langue pour un continent comme l'Afrique, le continent éternellement exclu, serait, c'est mon sentiment, un signe et un symbole extraordinaires vis à vis du reste du monde; un symbole d'émancipation et d'affirmation que le modèle occidental n'est pas le seul valable.
Cela étant, il est évident que l'idée et les enjeux ne se résument pas en ces quelques constats. Le scepticisme, l'inertie, les forces opposées sont immenses, et cela peut s'apparenter à de l'utopie. Probablement, mais en notre époque les choses évoluent parfois beaucoup plus vite et plus profondément qu'on l'imagine souvent. La plupart du temps dans le mauvais d'ailleurs, mais parfois aussi positivement. Il suffit notamment de voir l'impact acquis en peu d'années par la travail collaboratif et les phénomènes d'open source pour se dire que certaines idées peuvent finalement éclore en dehors des cadres rigides habituels.
Bruno
PS. Ne serait-ce qu'à titre de curiosité intellectuelle, n'hésitez pas à parcourir le site http://www.kotava.org pour vous faire une idée plus approfondie sur une langue artificielle "a priori", les réflexions qui en sont à la base et sa "vitalité".