il y a autre chose d'hyper intéressant dans la dernière définition que tu m'a donné de "paradeison", à savoir : "jardin royal". en effet, Dieu est souvent comparé à un Roi, et l'univers, à son royaume ! est-ce que la connotation "royale" du mot "paradeison" est très appuyée ?
Oui et non... En fait, ce n'est pas une connotation, c'est une dénotation, c'est le sens même : le paradeison est un truc immense, qu'on ne peut trouver qu'accolé à un palais royal (il me semble que dans l'une des attestations du terme chez Josèphe signalée par Perseus, il parle également du temple de Jérusalem - cela dit, c'est en lecture cursive, suis pas spécialiste).
Comme je l'ai dit, c'est un mot emprunté à l'avestique (c'est à dire au persan) : pairi-daêza, littéralement "enceinte" (pairi est apparenté à "peri" en grec ancien, le persan étant aussi une langue indo-européenne. Le pairadaêza des rois de Perse, c'est un parc façon Versaille, mais clos (d'ailleurs le parc de Versaille est toujours clos).
Au niveau grec, la principale connotation, elle est surtout "orientale" : ces parcs enclos remplis d'animaux sauvages, cela fascinait les Grecs. Cela étant, à l'époque hellénistique, tous les diadoques (les successeurs d'Alexandre en Asie) se sont construit des "paradeisoi"*, c'était donc un mot déjà un peu plus ancré dans les habitudes.
Je ne pense pas qu'il y ait de rapport particulier entre ce mot grec et la vision d'un "Dieu-Roi". Je pense surtout que les Grecs n'avaient pas d'autre terme pour transcrire l'idée du jardin d'Eden, quel que fût le mot sémitique originel.
*vérification faite, on trouverait plutôt paradeisos (masc.) que paradeison (neutre)
c'est vrai, en fait... finalement, après coup, je me demande s'il ne serait pas plus juste de traduire systématiquement par jardin

Je me souviens d'une longue interview d'H. Meschonnic, qui a retraduit la Bible, et qui disait vouloir la débarasser de ses "bondieuseries" (disait-il). Le fait est que la bible, tel que l'Occident l'a possédée, c'est-à-dire par la vulgate de Saint Jérôme, est dès l'origine truffée d'approximations (non-traductions, hellénismes, hébraïsmes), à quoi s'ajoute la tradition de chaque nation en matière de traduction (cf. les anglophones qui lisent toujours la bible dans la langue du XVIe siècle). "Ange" "Christ" "Paradis" "redempteur" ont des sens théologiques aujourd'hui très fixés, alors qu'ils sont, dans le texte grec au moins, des termes assez simples "messager" "empommadé" "jardin"...
Redemptor, par ex., c'est "celui qui rachète pour le compte de quelqu'un". Un des sens courants en latin classique, c'est "entrepreneur de travaux publiques !".
Qui sait encore que le premier sens du mot "crèche", c'est "mangeoire pour animaux" ? "crèche" est un mot du français médiéval, à l'époque il était compris. Aujourd'hui il ne demeure que comme concept de l'histoire religieuse.
Sans parler de "nouveau testament", qui prête à confusion : testamentum en latin, c'est le témoignagne, non le testament au sens moderne du terme, etc.