
J'ai honte j'ai honte j'ai honte j'ai honte, je t'ai promis plusieurs fois de te parler du latin-grec en sup et je ne l'ai jamais fait !
Flagellez-moi, flagellez-moi.

Bon, mon gros problème est que je ne connais que médiocrement le système universitaire belge.
Voici ce que je peux te dire :
- Tes compétences en latin-grec (en tout cas en latin), je les ai constatées sur ce forum. Effectivement, tu es plus que doué ; même si d'une manière générale il me semble que le niveau de latin des élèves belges est meilleur que celui de leurs camarades français, je pense que même au niveau belge tu dois te trouver dans le haut du panier. Donc, c'est une chose que tu peux largement envisager.
- Certes, il faut toujours envisager la question des débouchés. Mais celle de l'interêt reste primordiale. Il faut faire ce que l'on aime, et il faut le faire bien.
La seule chose que je sache du processus de certification des futurs professeurs en Belgique, c'est que vous n'avez pas de concours centralisé comme chez nous. Donc le problème du recrutement se posera dans les mêmes termes que pour un cursus de traducteurs : il faudra réussir à te "vendre" avec un ton diplôme de prof.

Je m'étonne un peu de ton chiffre de 50%. C'est cinquante pour cent de quoi au juste ? Car ça me paraît beaucoup. Est-ce :
a. 50 % des étudiants habilités à l'anciennement (après ce que vous appelez "agrégation", et qui n'a rien à voir avec la nôtre) qui se retrouvent
définitivement sans emploi ? Ca me paraît énorme.
b. 50% des mêmes habilités qui ne trouvent pas d'emploi
immédiatement (disons dans les trois ans) ?

Ca malheureusement, ça risque d'être la même chose partout.
c. 50 % des étudiants licenciés qui n'arrivent pas à intégrer le cursus de certification ("agrégation") ?

Dans ce cas, tu as moins à craindre : tu as toutes les chances d'être dans les meilleurs.
-La "linguistique" se divise naturellement en deux grands domaines :
A. La linguistique générale, qui étudie la langue en générale, comme système, a priori. C'est assez ardu, et cela c'est une spécialité en soi dans les universités, en France (on l'appelle ici "sciences du langage") comme en Belgique.
B. La linguistique historique, qui s'applique à une langue ou à un groupe de langue, et qui cherche à reconstruire son histoire. Donc, si j'ai bien compris, celle qui t'intéresse.
Les deux se croisent, bien sûr. Je dirais que la première est à la seconde ce que les mathématiques sont à la physique. Un cadre théorique bon à connaître au moins dans ses grands principes.
Tous les cursus de langues proposent, en guise de mineur au moins, un peu de linguistique historique (quoique dans les faits, on en fasse plus pour certaines langues que pour d'autres, en tout cas en France). Mais si tu veux étudier cela dans le cadre le plus vaste, c'est à dire celui des données indo-européennes, la voie royale reste le latin-grec.
Dans ce domaine, la linguistique sera forcément une spécialité qui te viendra
au cours de tes études. Dans le cadre d'une "mineure" d'abord (terme prétentieux pour dire "option"), puis après ton diplôme de 3e année (c'est quoi déjà chez vous ? Je sais que ce n'est pas la licence) dans le cadre d'une spécialisation et d'un mémoire au cours de la "licence" (notre maîtrise, +4 après le secondaire) et du "master" (:mad: horreur, vous aussi vous avez adopté ce mot). Et enfin d'une thèse.
Dans ce cas, évidemment, le seul et unique débouché possible ce sera la recherche. Il te faudra donc envisager un cursus long, jusqu'au doctorat, donc huit ans au minimum (avec, je suppose, des possibilités de bourse).

Si c'est la voie que tu veux choisir, je n'aurai qu'un mot : Louvain-la-Neuve. Sur le plan de la linguistique ancienne, elle a une réputation internationale, c'est sous son égide (et chez l'éditeur Peeters) qu'est désormais publié pratiquement tout ce qui se fait en linguistique du latin-grec, voire en linguistique tout court. Des gens comme Yves Duhoux ou Marius Lavency (doit être en retraite celui-là) font autorité.
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Je ne veux pas trop prêcher pour ma paroisse. Tu es également doué pour les langues, c'est un fait. Mais quand j'entends parler ici même les traducteurs, je n'ai pas l'impression que la situation soit bien meilleure dans leurs cursus, sans compter que là, manifestement, il te faudra sortir de Belgique...
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'faut s'y faire, on est la génération "dans la merde".
Si tu continue dans la linguistique ancienne et dans la recherche, une bonne pratique de l'anglais (plus accessoirement du néerlandais, au moins au niveau belge) te sera de toute façon un énorme avantage, car 30 % de la documentation est en anglais (et 40 % en allemand, autre langue importante).
Les doubles cursus sont-ils impossibles en Belgique ? (Du genre anglais-latin/grec, pour pouvoir te "rabattre" sur un poste d'enseignant d'anglais si tu n'en trouves pas en latin/grec).
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J'avais donné à une autre membre une bibliographie sommaire de linguistique
générale pour qu'elle voie ce que c'est. Je peux aussi te donner quelques références de linguistique du latin et du grec.
C'est promis, en mars, je continue mon cours d'indo-européen

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La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)