samedi soir

[ElieDeLeuze]

Après une semaine de vacances à pousser les copies dans un coin, je me suis sacrifié le samedi soir, depuis le milieu de l'après midi en fait, à corriger des devoirs nullissimes. Les élèves arrivent à des tours de force : des phrases complètes en allemand sans majuscule (ils se foutent de moi, c'est sûr), des commentaires composés en décomposition dont un sans un seul exemple du texte, une interprétation textuelle allemande où tous les élèves arrêtent d'argumenter dès qu'ils ont trouvé un et un seul mot vaguement relié à la question.
Qu'une seule explication: leur prof est nul.

... et encore trois paquets à me taper demain. Je pleure.

[leo]

je compatis, mais tu formes quand même un bon club avec Sisyphe au niveau qualité d'élèves

[Maïwenn]

Non, franchement, les pires ce sont les miens, personne ne peut rivaliser. Les élèves d'Elie oublient les majuscules mais font des phrases. Les miens ne savent pas tous répondre à la question "How are you?" à l'oral.

[Sisyphe]

La question du "qui a les pires élèves ?" revient à peu près à établir un concours de la tarte au pomme la plus ratée : celle d'Elie est intégralement carbonisée, tandis que celle de Maï n'a pas de pommes. Les miens confondent la crème avec le lait, la farine de blé avec la maïzena, les pommes avec les coings et nonobstant brûlent le tout.

La pire copie du monde est toujours celle qu'on a sous les yeux.

Et puis la copie et l'élève sont deux choses différentes.

@Elie : je sors de 34 heures consécutives de correction d'un paquet en six jours, parce que les collègues ont voulu absolument que les copies soient rendues avant les vacances. J'ai corrigé dans le train, dans le métro, dans le bus, dans file d'attente de la poste, assis, debout et même dans mon lit.

[Maïwenn]

Honnêtement, je pense que tant qu'on n'a pas vu ce que produit le système scolaire public thaï, on ne peut pas imaginer la catastrophe... Rien à voir avec ce qu'on lit ici ou là sur la Corée ou le Japon. Et ils ne sont même pas disciplinés.

Vraiment, je préfèrerais donner la 1ère place à qui la veut, mais je crois que j'y suis...

[leo]

bon, d'accord, le club a donc pour l'instant 3 membres et quelques admirateurs, Maï présidente ?

[Maïwenn]

Oh non, un club comme ça me rappellerait trop le boulot ! D'ailleurs je reprends mardi, un volontaire pour y aller à ma place ?

[Chrysopale]

Pour ma part, ça a été soirée couture entre filles (les garçons jouant au poker). Au passage cette fois, ça a aussi été l'occasion d'amener les vêtements qu'on ne porte plus pour se les échanger. Bonne séance de rigolade donc.

Mais j'ai quand même travaillé à mon manteau, qui est presque totalement épinglé.

[Andergassen]

Non, franchement, les pires ce sont les miens, personne ne peut rivaliser. Les élèves d'Elie oublient les majuscules mais font des phrases. Les miens ne savent pas tous répondre à la question "How are you?" à l'oral.

C'est normal. Quand on me demande comment je suis, je ne peux pas répondre tout bêtement "I'm fine". Je me dois de creuser la réponse, d'analyser mon moi profond, ça prend du temps. Et le vocabulaire manque souvent pour faire le rapport circonstancié d'une introspection.

[leo]

tu m'enlèves les mots de la bouche...

[Maïwenn]

Arrêtez de leur trouver des excuses, ils sont irrémédiablement nuls.

[Sisyphe]

Arrêtez de leur trouver des excuses, ils sont irrémédiablement nuls.

Ouh... Je sens que le lexomil n'est pas loin...

Dis-toi bien une chose : tu ne peux pas aller, en tant que professeur, au-delà de ce que le système d'enseignement dans lequel tu te trouves peut offrir. Toute tentative mène à la dépression, et ça n'a rien d'une hyperbole.

Tu ne dirais pas d'un angliciste de seconde en France qu'il est "nul" parce qu'il se prend encore les pieds dans les temps simples et composés ou qu'il n'est pas capable de soutenir une conversation simple (pas encore de niveau B du CEL). De même que tu ne dirais pas d'un élève de quatrième qu'il est "nul" parce qu'il ne sait pas faire une dissertation même "de loin" (faire au moins semblant), mais on a le droit de le dire à la fin d'une terminale générale, non plus que je ne dirais d'un latiniste de première qu'il est "nul" parce qu'il n'arrive pas à traduire en latin un texte littéraire facile de dix lignes.

Pourtant, un Allemand (de Gymnasium) d'un âge équivalent à notre seconde a assez facilement un niveau B1 voire B2 (;) récente humiliation de mes élèves par leurs correspondants il y a quelques jours), alors que le même Teuton deux ans plus tard n'a toujours même pas le début de l'idée d'organiser ses idées sur une feuille (d'où la souffrance d'Elie ), et un lycéen de seconde il y a soixante ans faisait usuellement du thème latin (mais n'aurait jamais entendu parler de comptabilité ou de management comme mes STG).

Donc, non, tes élèves ne sont pas nuls : ils sont cinquante par classe. Ils sont le produit d'un système scolaire qui n'a pas ou ne se donne pas les moyens d'avoir la moindre efficacité, surtout dans une langue vivante.

Modifie tes exigences en conséquence : si 30% de la classe arrive à bafouiller "I'm fine, thank you" à la fin de l'année scolaire, tu auras mérité tes palmes académiques.

Et n'oublie pas LA règle cardinale : ton premier devoir, en tant qu'enseignante où que ce soit dans le monde, c'est d'assurer ta[/i] propre survie physique et morale (les élèves, la pédagogie et le savoir passent ]après).

[Maïwenn]

Dis-toi bien une chose : tu ne peux pas aller, en tant que professeur, au-delà de ce que le système d'enseignement dans lequel tu te trouves peut offrir. Toute tentative mène à la dépression, et ça n'a rien d'une hyperbole.

Ne t'inquiète pas, j'en ai très bien conscience. Et aujourd'hui, ayant eu de nouvelles instructions sur les notes*, j'ai décidé d'en faire encore moins que prévu. Tout n'est qu'une vaste plaisanterie, je serai donc clown, pas plus. Par contre je persiste, ils sont nuls. Ce n'est pas forcément de leur faute, mais c'est le cas. Et s'il n'y avait que les langues...

* si un élève a la moyenne générale, on n'a pas le droit de lui mettre de notes sous la moyenne. En plus de tout ce que j'ai déjà dû faire (cf messages sur mon blog en début de mois), je dois donc remonter plein de notes. Moi je ne vois pas le problème si un élève a 14, 9 et 12, mais ici c'est interdit. Et je ne peux pas non plus baisser les notes, parce que je n'ai pas le droit de coller plus de 3% de mes élèves. De toute façon les notes, bonnes ou mauvaises sont inutiles puisque tout le monde passera dans la classe supérieure, sans soutien pour les plus faibles évidemment.

[svernoux]

* si un élève a la moyenne générale, on n'a pas le droit de lui mettre de notes sous la moyenne. En plus de tout ce que j'ai déjà dû faire (cf messages sur mon blog en début de mois), je dois donc remonter plein de notes. Moi je ne vois pas le problème si un élève a 14, 9 et 12, mais ici c'est interdit. Et je ne peux pas non plus baisser les notes, parce que je n'ai pas le droit de coller plus de 3% de mes élèves.

Même si ça n'est pas très utile, j'essaie quand même de comprendre : alors les élèves ont toujours la moyenne, si on ne peut pas leur mettre de note en dessous de la moyenne ? Le serpent se mord la queue ?

[Maïwenn]

]Même si ça n'est pas très utile, j'essaie quand même de comprendre : alors les élèves ont toujours la moyenne, si on ne peut pas leur mettre de note en dessous de la moyenne ? Le serpent se mord la queue ?

Oui, c'est ça. Tout le monde doit avoir uniquement des notes au dessus de la moyenne, sauf les 3% qu'on peut coller. Mais c'est compliqué, il faut remplir des papiers spéciaux, alors j'évite. J'en ai collé 4, dont 2 qui étaient indiqués comme absents dès le début du semestre. Et aujourd'hui on m'a demandé pourquoi ils n'ont eu que des 0... Ben, sans doute parce que je ne les ai jamais vus, qu'est-ce que l'administration attendait pour retirer leurs noms de la liste ? (c'est ce qui est fait pour les autres qui changent d'école)

Etant donné que les notes étaient ma seule arme pour essayer de les discipliner et lutter contre les retards, il ne me reste plus que le mensonge : "je vais baisser vos notes !". En espérant qu'ils ne remarquent jamais que c'est impossible...