Rebonjour à tous et toutes
Il n'y a pas que les mots qui varient du Québec à la France : les coutumes aussi. Lorsque nous étions dans l'avion entre Montréal et Paris pour ce même voyage, mon ami me mit en garde : "Ne bois pas d'eau du robinet à Paris. C'est pas qu'elle est pas bonne mais y ont pas les mêmes microbes que chez nous. Ils ont les anticorps pour les leurs mais y en a plusieurs qui tombent malades en buvant de l'eau à l'étranger. Je propose qu'en arrivant à l'hôtel, on s'achète de l'eau en bouteilles : comme ça, on aura pas de problème." Bon : on se met d'accord sur une marque qu'on aime.
Puis c'est l'arrivée à l'hôtel, escortés de ces messieurs de la CII. Puis nous nous installons dans nos chambres qui sont adjascentes. Alors je décide de commander l'eau. Puisque nous serions probablement là pour au moins deux semaines, j'en commande une certaine quantité. Je téléphone donc au service aux chambres et ça donne à peu près ceci :
"Bonjour. Ici le 35." "Ah oui : les invités de la CII. Tout est à votre satisfaction?" "Oui : super! Vous serait-il possible de nous livrer du Perrier?" "Mais certainement monsieur! Combien en désirez-vous?" "Quinze litres s'il vous plaît." "... (silence lourd)" "Allo?" "Oui oui. Je crois avoir mal compris. Combien avez-vous dit?" "Quinze litres s'il vous plaît." "Vous voulez quinze litres de Perrier?" "Oui, c'est bien ça". "Euh... pour quand voulez-vous ça?" "Bin... maintenant si c'est possible." "Euh... un instant s'il vous plaît." Et je l'entends qui dit à son patron "Ce sont les gars de la cédeuzi. Ils veulent quinze litres de Perrier!" "QUINZE LITRES!???" Puis le patron prend le téléphone et, d'une voix autoritaire et un peu brusque, parlant très rapidement : "VOUS VOULEZ QUINZE LITRES DE PERRIER?" "Oui, si c'est possible." "DANS VOTRE CHAMBRE?" "Bin... oui." "TOUT DE SUITE?" "Euh... bin c'est pas urgent, mais lorsque possible." "VOUS VOULEZ QUINZE LITRES DE PERRIER DANS VOTRE CHAMBRE TOUT DE SUITE!" "S'il vous plaît, oui." "ET COMMENT VOULEZ-VOUS ÇA?" "Bin euh... liquide si possible." Il hésite : "En bouteilles d'un quart de litre, d'un demi-litre, comment?" "Bien : pour faire moins encombrant, quel est le plus gros format?" "Le litre". "Bon, quinze fois un litre alors." "VOUS VOULEZ QUINZE LITRES DE PERRIER DANS VOTRE CHAMBRE CE SOIR!" "Oui s'il vous plaît. Ça pose problème?" "Euh... non, non. Je vous les envoie".
Réal et moi ne comprenions pas cet emportement... Quelques minutes plus tard, un garçon nous apporte le Perrier et se retire. Réal me donne un conseil : puisqu'il faisait assez chaud, si nous voulions boire notre eau fraîche... il alla à la salle de toilette, fit partir la chasse d'eau se mit une bouteille dans l'eau. "Comme ça, dit-il, nous aurons de l'eau froide à boire".
Le lendemain matin, je me lève assez tôt, m'habille et me rends à la chambre de Réal pour discuter de notre première journée aux labos. Puis j'entends frapper à la chambre d'à côté, c'est à dire la mienne. Je vais au corridor : c'étaient les messieurs de la CII qui venaient nous chercher. Me voyant à la porte de la chambre de Réal, ils y viennent ...au moment où Réal sortait une bouteille de "l'eau fraîche", ce qui nous valut la remarque "Bin dites donc, c'est vraiment un hôtel de luxe ici : du Perrier dans les vatères!" Je leur demande : "Vous arrivez tôt : y a t-il quelque chose d'urgent?" Embarrassé, l'un d'eux nous fait remarquer "Vous semblez bien portants". Réal et moi nous nous regardons... "Bien... oui. Pourquoi pas?" "On avait un peu peur" fut la réponse.
Puis nous descendons "déjeuner" comme on appelle au Québec le repas du matin. Et là, on a droit aux explications. "Nous étions inquiets. Nous avons reçu un appel du président nous demandant de nous rendre chez vous le plus tôt possible." "Mais pourquoi?" demandai-je. "Nous avions peur que vous ne soyiez pas en état de venir aux laboratoires." Réal et moi comprennions de moins en moins. "L'hôtel nous a téléphoné vers six heures ce matin, disant que vous aviez commandé quinze litres de Perrier hier soir. Nous voyons bien que c'est parce que vous aimez l'eau. Mais, euh... ici, à Paris, dans les hôtels, quand on commande du Perrier, c'est rarement pour le boire pur..."
Autre pays autres moeurs, quoi.