flamenco wrote:ann wrote:beelemache wrote:et je reviens sur mon sujet: l'économie et les langues?
personne

ben non....
Dis moi Ann, tu as l'ai branché dans la linguistique... C'est un domaine qui m'interesse, c'est la filière qu'on appelle "sciences du langage" en France, c'est ça? En plus tu vas peut-être pouvoir m'aider. Ma prof de grammaire espagnole nous a dis qu'il y avait beaucoup de débouchés en entreprises pour les diplomés en linguistique, tu en as entendu parlé? Sinon tu sais où je peux me renseigner sur les cursus en linguistique?
Merci beaucoup!!!
Flam'
Sur ce point je puis commencer de te répondre, puisque je suis aussi "linguiste" en devenir (enfin pour l'instant, je "dédeviens" comme on dit en Franche-Comté

), et parce que je connais assez bien notre système universitaire.
Il y a, en gros, deux moyens de devenir "linguiste". L'une est effectivement de suivre la voie appelée "sciences du langages", mais attention, ces filières-là sont orientées essentiellement vers la linguistique
générale, éventuellement vers la synchronie ou la sociolinguistique, amsi en tout cas vers une étude de la langue considérée de manière conceptuelle. En gros, c'est ce que fait Ann ou quelqu'un comme Noam Chomsky. C'est également au sein de cette filière que l'on trouve en France (enfin que l'on trouvait, parce que tout change si vite en ce moment) la mention TAL (traitement automatique des langues), à laquelle je pense Ann fait allusion, qui relève plutôt de l'informatique.
L'autre, c'est de poursuivre l'étude de la langue que l'on a entamée - donc pour toi l'espagnol - et de se spécialiser petit à petit vers l'étude de son histoire et de sa grammaire, ou en essayant de déborder vers un cadre à peine plus vaste, en l'occurence l'histoire des langues romanes. On devient alors "linguiste" en ce sens que l'on connaît et que l'on peut expliquer les rouages et les évolution en diachronie d'une langue considérée comme quelque chose de vivant. C'est en gros ce que je fais pour le latin et le grec, avec la perspective d'étendre à toutes les langues indo-européennes, c'est ce que fait Ronan, et c'est ce qu'a fait Henriette Walter dont je t'avais parlé.
Dans cette optique, il faut suivre globalement en fait le cursus habituel : licence, agrégation et doctorat, en se spécialisant au passage : suivre les options dits de linguistique durant la licence, faire des mémoires de maîtrise et de DEA (master 1 et master 2 selon la nouvelle terminologie que je conspue) - tout en continuant, jusqu'à l'agrégation, à supporter plus ou moins la littérature.
Pour la question du "débouché", il faut prendre en compte certains éléments :
1) Il faut bien comprendre une fois pour toute qu'en France, les diplômes délivrés par les facultés n'ont pas beaucoup de valeur en-dehors de l'Université elle-même. Pointer à l'ANPE avec un DEA d'histoire ne sert à rien, même avec un doctorat.
Font exception les DESS (ou "master pro" selon la terminologie que je conchie), qui par nature délivrent des savoirs "appliqués". Sur ce point, il est clair que les filières de science du langage mènent plus facilement à des DESS de "linguistique appliquée" (mais à quoi ?) que les filières de langues LLCE.
2) Sinon, pour quelqu'un qui se forme dans la linguistique, il n'y a essentiellement d'avenir qu'universitaire. Cad pondre une thèse, et réussir à se faire une petite place à l'université, comme enseignant-chercheur ou comme chercheur tout court. Ce que je fais, ce que fais Ronan et ce qu'a fait Ann.
Il faut cependant bien comprendre qu'une thèse universitaire n'a rien de couru d'avance. Avoir un doctorat, par exemple, ne signifie pas du tout trouver automatiquement une place quelque part. Sur ce point, les diachronistes dans mon genre ont le petit avantage d'avoir une agrégation (de grammaire, d'espagnol, d'anglais, etc.), qui garantit au moins le statut de fonctionnaire, donc un aimable "parachute" dans l'enseignement secondaire. Les sciences du langage, elles, ne mènent à rien de concret. On peut avoir bac+9 et vendre des frites pendant longtemps (je ne peux pas te dire dans quelle proportion la filière est bouchée ou pas, Ann te l'expliquera mieux que moi).
3) En tout état de cause, je suis obligé de te le dire :
méfie-toi des déclarations des profs qui te disent que leurs matières ont de l'avenir. Les profs, surtout quand ils sont directeurs d'un département ou d'un sous-département, ont la déplorable habitude de "draguer" leurs étudiants pour avoir plus d'effectifs, donc plus de financement, car en France les sou-sous sont directement fonction du nombre d'étudiants inscrits, et de rien d'autre (même chose pour les directeurs de mémoire et thèse, y'a des dangers publics...
et puis soyons clair, un doctorat c'est dans une grande fac - Lille c'est OK je pense - ou mieux, à l'école pratique des hautes études, pas ailleurs, c'est triste mais c'est comme ça. Par ailleurs, si tu envisages la voie "langue vivante" (ou morte, enfin mon type de cursus), l'agrégation est
obligatoire ; c'est le seul vrai diplôme de cinquième année, et surtout, elle est exigée
de facto dans le recrutement des maîtres de conférence. Là encore, ne croies pas les petits malins qui te diront que si tu l'as ratée c'est pas grave tu peux quand même faire ton DEA ("master recherche") et ta thèse avec eux - NAN ! Tu vas te retrouver avec une thèse et sans possibilité d'emploi.
Comme je l'ai dit plus haut, les diplômes des universités en France sont encore peu tournés vers le secteur privé - surtout dans les matières académiques. En principe, LLCE, c'est fait pour devenir prof (de lycée ou de fac, mais prof). Et si l'on te propose un DESS, vérifies-en bien la valeur avant (une association d'anciens élèves ? Un taux de placement connu ? Des parrainages dans le privé ? Le nombre de stages proposés ? Etc.).
Voilà, en gros, ma réponse. Evidemment, rien n'empêche de faire un double cursus (c'est juste deux fois plus de boulot), et de privilégier l'une ou l'autre au final (moi-même, j'ai le projet de faire un bout de licence de linguistique générale - sciences du langages donc - dès que j'ai l'agreg).
Il y a aussi toujours la possibilité de faire ses études à l'étranger. Mais il faut se méfier aussi.