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L'ablatif dans vos langues...

Posted: 08 Oct 2005 00:14
by Sisyphe
:D Je dois travailler sur l'ablatif en latin, essentiellement en synchronie, mais j'aimerais bien avoir un certain recul comparatiste.

L'ablatif se maintient en latin, sanscrit et me semble-t-il en russe.

Je sais qu'il disparaît en grec ancien, et qu'il n'y en a que des traces en vieil haut allemand.

Je crois savoir aussi qu'il existe un ablatif-sociatif en gaulois.

En revanche je ne sais pas grand-chose des langues slaves et des autres langues celtiques (et de l'albanais et du hittite et du vieux-perse, mais pour la dernière je doute vraiment).

Enfin bref, pour ceux d'entre vous qui manient des langues à déclinaisons, pourriez-vous me dire s'il vous plait

1. S'il existe.
2. Quelles sont ses fonctions principales (ablatif proprement dit (= le lieu d'où l'on vient), instrumental, sociatif (la personne qui accompagne), complément d'agent, attribut, etc.).
3. Eventuellement, s'il possède un nom autre que "ablatif/Ablativ/ablativum/ablativskaïa, etc"

:sun: gratias ago...

Posted: 08 Oct 2005 08:35
by didine
L'ablatif est l'un des 6 cas de lieu du finnois. Il y a l'inessif, l'élatif, l'illatif, l'adessif, l'ablatif et l'allatif.

En finnois, l'ablatif sert avant tout à exprimer l'idée "venir de la surface de".

eg. Saisinko suolan pöydältä? = Est-ce que tu peux me donner le sel qui est sur la table?
Lähden pois saarelta. = Je pars de l'île.

On utilise l'élatif pour exprimer l'idée "venir de l'intérieur de".

eg. Ota jauhot kaapista. = Sors la farine de l'armoire.
Tule pois talosta. = Sors de la maison.

L'ablatif s'utilise également dans d'autres cas.

- expression du temps: kello viideltä = à cinq heures, kuva viime viikolta = une photo de la semaine dernière
- provenance: Sain kirjeen ystävältä. = J'ai recu une lettre d'un ami. / Kysy äidiltä. = Demande à maman. / Kuulin sen Matilta. = C'est Matti qui me l'a dit. ("Je l'ai appris de Matti.")
- après certains verbes de perception: näyttää/kuulostaa/maistuu/haisee hyvältä = équivalent de it looks/sounds/tastes/smells good

C'est exactement pareil en estonien. Il y a aussi un ablatif en hongrois, j'espère qu'Olivier pourra passer dans le coin pour t'en parler.

Je n'ai pas ma grammaire de finnois ici. Je vais à la librairie cet aprèm, je jetterai donc un oeil aux grammaires de finnois pour voir s'il n'y a pas d'autres usages de l'ablatif auxquels je n'ai pas pensés.

Posted: 08 Oct 2005 08:37
by didine
Ah, réponse à ta 3e question.

L'ablatif finnois s'appelle tout simplement "ablatiivi".
L'ablatif estonien s'appelle "alaltütlev". Ca veut dire mot à mot "venant de la surface".

Posted: 08 Oct 2005 09:25
by Olivier
Sisyphe wrote:2. Quelles sont ses fonctions principales (ablatif proprement dit (= le lieu d'où l'on vient), instrumental, sociatif (la personne qui accompagne), complément d'agent, attribut, etc.).
didine wrote:Il y a aussi un ablatif en hongrois, j'espère qu'Olivier pourra passer dans le coin pour t'en parler.
Tiens j'avais pensé que Sisyphe voulait parler uniquement des évolutions de l'ablatif indo-européen? Peut-être pas finalement...
En hongrois c'est un terme latin utilisé tout au plus par certains linguistes
- soit pour désigner les cas "venant de" dans le schéma des suffixes et postpositions de lieu qui ont toujours trois formes: locativus, ablativus, lativus
- soit pour désigner un suffixe particulier, et alors les autres formes "venant de" ont un autre nom: -tól "de (près de)" ablativus, -ról "de (dessus)" delativus, -ból "de (dedans)" elativus... (je donne les suffixes dans la série vocalique "sombre" d'où on peut déduire l'harmonie éventuelle: ó -> ő)
Bref si ta question porte sur les différentes fonctions autres que "le lieu d'où l'on vient" de -tól, ou bien aussi de -ról et -ból, alors je peux essayer de faire une liste, mais a priori les fonctions seront autres que celles que tu mentionnes (instrumental, sociatif, complément d'agent, attribut) qui semblent particulières à l'évolution de l'indo-européen ou du latin.
-- Olivier

Posted: 08 Oct 2005 09:31
by didine
Olivier wrote:Tiens j'avais pensé que Sisyphe voulait parler uniquement des évolutions de l'ablatif indo-européen? Peut-être pas finalement...
Ah, bonne question! Je ne me l'étais même pas posée, vu que Sisyphe n'a pas précisé.

Posted: 08 Oct 2005 10:43
by ElieDeLeuze
Attention, l'instrumental (ce qui tu appelles ablatif?) en vieil-haut allemand est un reste qui apparaît sporadiquement et chez certains auteurs seulement. Si tu veux un topo, ça m'oblige à replonger dans mes archives de fac. Considère-le disparu dès 800-900 dans le bloc "allemand".

Posted: 08 Oct 2005 11:56
by Sisyphe
Merci pour vos réponses.
Olivier wrote: Tiens j'avais pensé que Sisyphe voulait parler uniquement des évolutions de l'ablatif indo-européen? Peut-être pas finalement...
Dans le cadre de mon travail, je m'intéresse essentiellement aux langues indo-européennes, mais le reste m'intéresse aussi à titre personnel.
ElieDeLeuze wrote: Attention, l'instrumental (ce qui tu appelles ablatif?) en vieil-haut allemand est un reste qui apparaît sporadiquement et chez certains auteurs seulement. Si tu veux un topo, ça m'oblige à replonger dans mes archives de fac. Considère-le disparu dès 800-900 dans le bloc "allemand".
Au temps pour moi : c'est l'instrumental et non l'ablatif qui survit en proto-vha. Cela dit, si tu peux m'en parler, ça m'intéresser aussi : en latin, l'ablatif concentre l'ablatif-proprement-dit (dit "ablatif PPD" entre étudiants ;) ), l'instrumental et le locatif.

Car par ailleurs Ph. Marcq et Th. Robin n'en disent pas grand-chose (et je ne connais aucune autre référence facile d'accès pour la linguistique historique de l'allemand).

Posted: 08 Oct 2005 13:14
by ElieDeLeuze
Mittelhochdeutsche Grammatik
Paul/Wiehl/Grosse
éd. Max Niemayer, Tübingen

p.189 A propos des substantifs (traduction libre et rapide)
Remarque3: Il y avait encore en vieil-haut-allemand, un reste de déclinaison instrumentale pour les masculins et neutres forts. Ces formes ont disparu en moyen-haut-allemand.
p.226 A propos des pronoms (traduction libre et rapide)
Remarque 5: En dehors des emplois attributifs, de datif neutre dëm(e) est rare ; en lieu et place, le reliquat instrumental concervé en moyen-haut-allemand apparait fréquemment : diu (ou wiu, voir section 223, remarque 3)
p.229 A propos du mot "ander" (autre, second) (traduction libre et rapide)
L'instrumental au lieu du datif au singulier neutre se rencontre occasionnellement dans ce cas (von andriu)
p.230 A propos du pronom interrogatif (traduction libre et rapide)
Instrumental..........Neutre: wiu (bavarois tardif aussi: weu, wê)
(...)
Remarque 3: Le datif neutre wëm est rare. Il n'apparait pas après préposition. L'instrumental wiu le remplace (in, nâch, umbe, von + wiu), et plus tardivement waz (in, mit, von + waz) pour "casus indefinitus", traité comme un indéclinable. En Nouvel-haut-allemand, cet emploi du datif neutre a disparu ; dans la langue courrante, on rencontre souvent "was" (mit, von + was). [n.d.trad. en allemand correct : womit, wovon, woran...]
p.235 A propos de "etwas"(quelque chose) (traduction libre et rapide)
Remarque 1: iht a également une forme accusative attributive iht "irgendwie". On rencontre aussi les formes déclinées Génitif ihtes, Datif ihte, Instrumental ichtiu.
p.354 A propos des occurrences de l'instrumental (traduction libre et rapide)
L'instrumental se rencontre essentiellement après préposition. Il reste très rare dans les emplois adjectivaux attributifs, adverbiaux ou comparatifs. Les formes diu, wiu, swiu ne se rencontre jamais sans préposition.
(...)
La variété des prépositions pouvant régir l'instrumental qui témoigne de la grande variété des emplois de ce cas. Cependant, il est impossible de les définir clairement en moyen-haut-allemand. Aucune préposition ne s'emploie exclusivement avec l'instrumental.
Ils n'indiquent que les prépositions qui peuvent, en plus de l'accusatif, du datif ou du génitif, aussi régir l'instrumental, mais il n'est jamais précisé de raison de cette alternance. Visiblement, la valeur réelle de l'instrumentale est perdue.
En allemand, c'est le DATIF qui rassemble tout ce que tu décris pour l'ablatif latin. Par contre, cette grammaire montre que les restes de l'instrumental se sont conservés en tant que reliques jusqu'au XIIème siècle.

EDIT Dans Linguistique historique de Philippe Marcq et Thérèse Robin (éd. Colin)
Il y a en vieil-haut-allemand des restes du cas instrumental. On sait, grâce aux travaux de J.Haudry, l'imortance de ce cas dont le fonction était de déterminer le contact. Les contacts étant multiples, ce cas surchargé a été éliminé par bien des langues comme forme particulière, mais non pas comme fonction. Ce cas a été remplacé dans une large mesure par les prépositions, mais sa fonction réduite à l'expression de l'agent, de l'instrument, de l'intermédiaire, du moyen, a été reportée sur d'autres cas. (...)
En allemand, toute trace e forme particulière disparaît dès le moyen-haut allemand. La donction est essentiellement reportée sur le génitif, et aussi, dans une moindre mesure, sur le datif. C'est ainsi que sont nées des tournures telles que : stehenden Fussesn, klopfenden Herzens, et des adverbes exprimant la manière, le temps vague, souvent affublés d'un -s désinentiel de génitif qui peut paraître bizarre : schurstracks, (des) narchtes, nachts, tagsüber, blindlings, schellstens, les advebes ordinaux : erstens, zweitens, dritens, etc. meinstens, anfangs...(...)
L'usure des finales étant une atteinte à la plus élémentaire intelligibilité dans une langue à déclinaisons, il est évident que cette usure est compensée par autre chose. La dscription des phénomènes phonétiques, essentiellement des métaphonies, a montré le procédé utilisé par la langue pour transférer les marques indispensables à l'eintelligibilité sur autre chose que les finales. Mais ce transfert n'apporte pas de solution en soi. Il n'est lui-même qu'un moyen engagé dans un vaste courant de réorganisation du système des déclinaisons, qui conduit de la répartition des paradigmes selon le schéma indo-européen, à la répartition en substantifs forts ou faibles de l'allemand moderne. On retrouve, bien s^r, des traces de l'ancienne répartition, car jamais rien, sauf s'il y a cataclysme, ne "bascule" d'un coup d'un système à un autre.

Posted: 08 Oct 2005 13:16
by damiro
[HS]Oula, je crois que je vais taire cette partie compliquée du finnois (qu'une amie rêverait d'apprendre, sinon, elle aura le moral à zéro avant de commencer... tu dois être une vraie grammaire, si tu me permet l'expression [au sens élogieux])[/HS]...

Sisyphe, si tu veux, je peux poser la question à mon prof d'allemend; car il reste, si on pousse loin dans le détail, des ablatifs ou paratifs absolu, enfin, je n'ai pas trop cherché à en savoir plus- car apprendre à parler un allemand correct, c'est déjà assez pour l'instant... (j'ai même oublié ce qu'est l'ablatif absolu en latin, l'esprit grammarien, chapitre "langues casuelles" vient de se former chez moi :loljump:

:hello:

Posted: 08 Oct 2005 16:11
by svernoux
Sisyphe wrote:l'ablatif-proprement-dit (dit "ablatif PPD" entre étudiants ;) )
Un rapport avec Patrick ? (OK, j'arrête de dire des conneries...)

Alors, didine, ne t'ayant pas répondu au sujet du russe, je le fais : il n'y a pas de cas dénommé ablatif en russe, et en ce qui me concerne, je ne sais pas ce qu'est l'ablatif (lieu d'où l'on vient si j'ai bien compris ?)
Ceci dit, comme je vois que certains parlent d'instrumental, j'ajoute : il existe un instrumental en russe. Je ne sais pas si ça répond à ta question, mais si tu veux en savoir plus, n'hésite pas. Sinon, désolée !

Posted: 08 Oct 2005 16:29
by orangine
Salut! C'est tres favorable, comme le theme, en parlant de la langue lituanienne :)
donc ablatif est ĮNAGININKAS
son nom viet de ĮNAGIS, un outil .
Un petit exemple de son emploi:
DIRBU(v.) KOMPIUTERIU(subst., abl.) = je travaille avec un ordinateur
l'idee est celle que je fais qqch a l'aide de qqch, d'ou l'"outil".
Mais on l'utilise pour traduire d'autres idees, par ex.:
DŽIAUGIUOSI(v.) GRAŽIU(adj.) ORU (subst., abl.)= je suis heureuse qu'il fait beau.
Pas bonne specialiste en linguistique mais c'est a peu pres ca... :)

Posted: 08 Oct 2005 16:38
by didine
damiro wrote:[HS]Oula, je crois que je vais taire cette partie compliquée du finnois (qu'une amie rêverait d'apprendre, sinon, elle aura le moral à zéro avant de commencer... tu dois être une vraie grammaire, si tu me permet l'expression [au sens élogieux])[/HS]...
[HS]Le finnois est en fait très mathématique et très logique. Elle s'en sortira![/HS]

Posted: 08 Oct 2005 16:51
by orangine
petite correction :confused:
je crois que mon dico m'ait trahi... :)
en tenant compte qu'il y a 5 annees que j'ai appris le latin, c'est pardonnable:)
si ablativus est 4eme d'apres l'odre latin donc ca sera GALININKAS en lituanien.
Alors, quelques exemples:
matau(verbe) tave (subst., abl.)= je te vois
geriu(verbe) kavą (subst.,abl.) = je bois du cafe
matau (verbe) juos (subst., abl) miegant (gerondif)= je les vois dormir
pas de fautes cette fois, j'espere:)

Posted: 08 Oct 2005 17:08
by damiro
didine wrote:[HS]Le finnois est en fait très mathématique et très logique. Elle s'en sortira![/HS]
[HS] Moi aussi, je voudrais m'y mettre, mais avec l'allemand et tout...

Tu dis que c'est "mathématique (ah bon!!!), comme beaucoup de langues déclinées. Le problème, c'est "la multiplicité des cas de déclinaison" (pour connaître le tableau, ça doit pas être facile, d'autant qu'à l'exception de l'unif, il n'y a pas bcp de finlandais à l'unif :( ).[/HS] [on devrait p-ê poursuivre en MP, pour éviter de parasiter?]

Posted: 08 Oct 2005 17:10
by didine
En faisant des recherches pour Sisyphe, j'ai vu que le russe a bien un ablativus comparationis. En fait je l'ai trouvé en vieux polonais, mais ca existe encore en russe.

eg. Маша выше Ирины. = Macha est plus grande qu'Irina.
Иван умнее Бориса. = Ivan est plus intelligent que Boris.

Il y a aussi une autre facon de former le comparatif en russe, sans avoir recours à cet ablatif. J'aurais d'ailleurs justement jamais deviné que c'est un ablatif, car le cas utilisé ici en russe est le génitif.

:hello: