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Goniomètre - étymologie ?
Posted: 11 Jan 2006 15:52
by svernoux
Salut à tous, et particulièrement aux héllenistes ou héllenistes-latinistes !
J'ai appris un mot l'autre jour : goniomètre. Tout de suite ça m'a fait l'effet

, mais comme avec KissCool, une fois que j'ai compris que c'était pour mesurer les angles, j'ai fait ouf !
Oui mais sauf que, d'après mes vestiges de grec ancien, il me semblait que la racine pour "angle", c'était qc comme gôno et pas gônio. D'où ma question : d'où il sort, ce "i" ?
Posted: 11 Jan 2006 15:57
by arkayn
D'après
ce site, c'est
gônia qui veut dire angle.

Posted: 11 Jan 2006 15:59
by svernoux
ah merci arkayn !
Ceci dit, ma question reste à demi entière : vu les exemples de ce site, je comprends bien que polygône, en fin de mot, difficile de garder le i, mais sinon pourquoi pas diagoniale, si on a goniomètre ???
Posted: 11 Jan 2006 16:27
by arkayn
Je suis pas étymologiste mais je pense que dans diagoniale, notre palais délicat devaît être heurté par la succession du même son :
go gna surtout qu'il y avait déjà un "
ia" devant. Le deuxième "
gne", en l'occurence
gna ici, s'est affiné pour ne plus laisser que
na.
Sisyphe remettra tout en français, je pense

Posted: 11 Jan 2006 16:29
by svernoux
C'est vrai que c'est pas facile à dire, diagoniale !

Posted: 11 Jan 2006 16:34
by Sisyphe
En grec, l'angle se dit effectivement γωνια [gônia].
La disparition du i est assez subtile, elle vient du passage par le latin.
"diagonal" en grec se dit diagônios.
En latin, dans les traités techniques, on trouve parfois le mot grec tel quel.
Mais parfois, on trouve une tentative de "latinisation du mot", à partir de Vitruve.
OR en grec "-ios" est un suffixe d'adjectif assez pratique et qui se colle sur tout, auquel correspond assez bien le latin "-alis".
Donc, sur la base de "ios = alis", on a coupé :
diagon|ios -> diangon|alis
En oubliant que le mot de base était "gônia" et possédait déjà un i (cela étant, "gônia" est senti par les Grecs comme étant lui-même un dérivé de "gon|u", le genoux, donc c'est sinon juste du moins justifié).
De toute façon, il s'en faut que la transcription des mots scientifiques venus du grec soit toujours rationnelle. On écrit économique mais oecuménique, on a oublié un h dans rythme, metempsycose ou autochtone, on dit déictique mais épidictique, etc. ; sans parler des monstres de la langue française : symptôme mais symptomatique, à côté de rhizome).
D'ailleurs, pourquoi a-t-on gardé un accent circonflexe dans "polygône" et pas dans "goniomètre" ? 9 chances sur 10 : parce que le mot a été inventé en anglais et que le traducteur n'était pas helléniste, ce qui est pardonnable, encore que.
Ca l'est moins quand il s'agit précisément de mots de la linguistique, avec les affreux doublets déictique/épidictique, structral/structurel, le deuxième venant de l'allemand, etc.)
Du reste, le grec lui-même manque de rigueur, car on n'a pas "oublié" le i contrairement à ce que dit Svernoux, il est absent dès le grec : polygone se dit bien majoritairement "polygônos" (polygônios existe, mais il est rare).
Posted: 11 Jan 2006 18:06
by svernoux
Eh bé dites donc ! Je me coucherai moins bête ce soir, ça c'est sûr, mais pour le reste, je vais relire une deuxième fois quand même !
Merci Sis

Posted: 12 Jan 2006 06:59
by Dada
Le poste de Sisyphe me fait penser a qqchose:
on dit un séisme, mais un profil sismique/ une onde sismique.
Le é disparait: simple confort phonetique ou bien?
Posted: 12 Jan 2006 08:36
by Olivier
Dada wrote:on dit un séisme, mais un profil sismique/ une onde sismique.
ça vient bien de σεισμός [seismos] "secousse" (σείω [seiô] "secouer") mais le passage de ei à i n'est pas surprenant, il correspond à la prononciation utilisée dès les premiers siècles de notre ère (d'après les erreurs et variantes dans les textes), comme aujourd'hui aussi en grec moderne
-- Olivier
Posted: 12 Jan 2006 10:51
by Sisyphe
Olivier wrote:Dada wrote:on dit un séisme, mais un profil sismique/ une onde sismique.
ça vient bien de σεισμός [seismos] "secousse" (σείω [seiô] "secouer") mais le passage de ei à i n'est pas surprenant, il correspond à la prononciation utilisée dès les premiers siècles de notre ère (d'après les erreurs et variantes dans les textes), comme aujourd'hui aussi en grec moderne
-- Olivier
C'est cela.
Plus exactement la transformation ei -> i est due à la transcription par les latins (tout comme la transformation ou -> u : Thoukudidês -> Thucydide), ce qui correspondait : a. à la prononciation du grec à leur époque b. aux réalités phonétiques de l'alphabet latin.
Il y a donc d'une manière générale hésitation face aux mots grecs comportants "ei". Grosso modo je dirais que :
A. Les Français, qui sont des gens cultivés

, utilisent presque systématiquement la transcription "via le latin", donc ei = i.
B. Les Anglais mais surtout les Américains, qui sont des imbéciles (

moi, partial et chauvin ? Allons donc...) et qui ne connaissent pas le latin, transcrivent "ei".
->

En fait, c'est Etiemble dans
Parlez-vous franglais qui parmi les méfaits supposés de la langue anglaise mettaient en avant la tendance à écrire "ei" au lieu de "i".
A la vérité, la date de création du mot joue aussi. Tant que les intellos étaient tous passsés par guinze ans de latin de la sixième à la fac, la transcription "i" était une évidence. Anglais et français écrivent "chiroptère - Chiroptera" sans problème, car le mot vient du XIXe siècle.
Elle ne l'est plus, tout comme ai = é et ou = u. Récemment les amateurs de

ont décidé cuistrement de s'appeller "aïroulophiles" ; au XIXe siècle ils se seraient, plus correctement, désigné sous le nom "d'érulophiles".
Je ne serais pas étonné que "sismique" fût antérieur à "séisme". Car le premier correspond à un adjectif "nécessaire" (il n'y a pas d'autre mot pour dire "relatif à un tremblement de terre"). En revanche, le second est un "mot de scientifique", pour désigner sous un terme précis une réalité qui a un nom vernaculaire, mais insatisfaisant ("tremblement de terre" - qui n'est que l'effet) - comme "phonème" pour "son".