
L'usage de l'article devant les noms de pays, au même titre que leur genre, fait partie des points les plus nébuleux de la grammaire française à mon avis.
D'abord une certitude : les noms de pays généralement
supportent l'article (la France, l'Allemagne, le Danemark, le Togo, le Zimbabwe, l'Argentine, l'Inde, le Bhoutan, le Samoa occidental). Sauf une poignée qui n'en a absolument jamais : Israël, Madagascar, Singapour, Haïti, Cuba, sans parler de la sous-poignée qui hésite (Palau, Panama...). Sont exclus de l'analyse par ailleurs les pays précédés dans leur appelation officielle d'un nom commun (qui sera pourtant pourvu d'une majuscule en l'occurence) : les Etats-Unis, la Fédération de Micronésie, les Emirats Arabes Unis ; dans ce cas, les règles sont celles du nom commun.
Par "supportent", je veux dire que l'on peut toujours en mettre un, mais qu'on ne le met pas aussi systématiquement que pour un nom commun.
Pour ce qui est de l'expression de la provenance proprement dit "je viens de...", il me semble que l'absence d'article est le cas le plus courant : de France, d'Italie, d'Allemagne, de Suède, de Norvège, de Pologne, de Russie, etc. Globalement, il semble que les noms de pays anciens ne prennent pas d'article, tandis que les noms de pays récents en prennent : de France, d'Italie, d'Allemagne, de Chine, de Mongolie etc. mais du Canada, du Brésil, du Costa-Rica.
... Sauf qu'on dit "du Danemark" - bon, "-mark" peut-être considéré comme un nom communs (dans la mesure où c'est le nom du peuple qui est premier : Danois -> danemark). Oui, mais on dit "du Portugal" (mais on disait "de Portugal" au 17e siècle, cf. les
Lettres de la religieuse Portugaise). Bon, c'est pas très clair.
Moins claire encore la différence entre "de France/de la France".
Bref, je crois qu'il n'y a aucune règle. Suivant les époques, on a dit "je me suis marié en Panama/au Panama/à Panama" (en parlant de l'Etat), tout est une question d'usage à mon avis.
Damiro wrote:On peut aussi dire: Je viens de Portugal, de Canada, mais cet usage est assez ancien (me trompes-je Sisyphe?).
En français classique, oui. Jusqu'à la moitié du 17e siècle, l'usage de l'article est encore relativement logique : en position de complément, l'article est généralement absent devant un nom non-concret et/ou non dénombrable : "sans perdre temps" (Bossuet), "je ne vois pas différence entre eux", "j'ai tendresse pour toi, j'ai passion pour lui" (Corneille), "j'ai souvenir / qu'en un pré de moines passant..." (La Fontaine), etc.. Il nous en reste pas mal de locutions figées, surtout avec "avoir" : "j'ai peur, n'ayez crainte, ne perdons pas courage, etc.".
Et donc logiquement devant les noms de pays. Guillarague écrivait "en Portugal".