
Je suis fonctionnaire...
L'expression "fonctionnaire de carrière" pourrait être péjorative, mais de toute façon, elle n'existe pas car elle n'a absolument aucun sens, comme il a été dit.
On parle d'un militaire ou un officier de carrière (qui n'est que militaire) par opposition à un militaire ou un officier de réserve (qui exerce une autre profession), ou un appelé.
Cette distinction n'existe pas dans la fonction publique. Et il n'y a pas de moyen d'être fonctionnaire autrement que de carrière, car tout fonctionnaire est recruté sur un concours et non sur ses diplômes ou son expérience professionnelle antérieure* ; par conséquent, il n'est pas ordinaire de commencer une carrière dans la finance et de la continuer dans l'administration des impôts. D'un cadre supérieur qui devient instituteur (la chose est plus courante qu'on ne le croit), on dira qu'il a eu deux carrières.
*C'est le principe, mais il y a dans un sens comme dans l'autre des exceptions. Ainsi, dans la haute fonction publique, comme par exemple au Conseil d'Etat ou au Quai d'Orsay, il y a un quota de postes qui sont dit recrutés "
au tour extérieur".
De plus, le lauréat d'un concours de la fonction publique est - après une éventuelle période où il est
fonctionnaire stagiaire - "versé dans un
corps" ou "intégré dans un corps", d'où il ne bougera plus. Mais attention, subtilité française : le "corps" et "l'administration" ne se recoupent pas forcément.
Ainsi, un même travail sous l'égide d'une même administration peut être accomplis par des fonctionnaires de deux corps différents ; typiquement dans l'Education Nationale : les profs des lycées et collèges peuvent être appartenir au corps des certifiés ou à celui des agrégés. Les enseignants du primaire peuvent appartenir au corps des instituteurs ou à celui des professeurs des écoles. La différence est d'ordre personnel : salaire, temps de travail, possibilités de carrières et d'évolution.
Autre cas courant : un fonctionnaire d'un corps peut travailler pour une administration qui n'est pas la sienne ; par exemple un professeur d'allemand devenir attaché culturel dans une ambassade. On dit alors qu'il est "mis à disposition" ou "en mission" (il y a d'ailleurs une légères différence entre les deux : la mission est à duré déterminée). Il est alors soumis à une autre hiérarchie, mais il
reste dans son corps (dit comme ça, ça fait spiritisme...), il conserve un certain nombre des droits qui lui sont attachés, et inversement ne dispose pas des mêmes conditions d'évolution que les fonctionnaires du corps "normal" (dans mon exemple : du corps consulaire ou du corps diplomatiques - là encore, deux corps pour le même service). Il peut à tout moment demander la "réintégration".
Enfin un fonctionnaire peut cesser de travailler (et donc de percevoir son salaire) pendant un temps mais continue d'être comptabilisé dans son corps. On dit qu'il est "en disponibilité". Mon cas est un peu semblable : j'ai été officiellement recruté professeur agrégé, mais j'ai demandé à ne pas travailler tout de suite. Je suis donc "en report d'intégration". Dans un cas comme dans l'autre, on conserve potentiellement tous les droits qui s'attachent à un corps. Inversement, la hiérarchie conserve tous ses droits sur moi ou presque. En exagérant un peu, le recteur peut m'appeler ce soir et me dire "vous enseignez demain matin à l'autre bout de la France".
Le principe des corps s'applique également à la hiérarchie. Il ne faut pas confondre "progression de carrière" et "progression hiérarchique". Deux niveaux hiérarchiques représentent forcément deux corps différents. Par conséquent, on ne peut progresser dans la hiérarchie qu'en passant à nouveau des concours ; il existe d'ailleurs souvent deux versions d'un même concours : externe et interne. Ainsi, on peut être commissaire divisionnaire de police dès 25 ans en passant le concours externe, ou l'être après avoir été 10 ans inspecteur en passant le concours interne, réservé à ceux qui ont donc accompli 10 ans dans le grade inférieur.
La progression de carrière au sein d'un corps se fait donc sur d'autres critères que la hiérarchie : en gros, le salaire et surtout le poste sont les deux critères. Un fonctionnaire progresse petit à petit au sein des "classes", souvent subdivisées en "échelons". Quand il a fini de passer tous les échelons, il peut même passer "hors classe" (ou il y a encore des échelons, mais souvent moins...). Plus il progresse, plus son salaire est meilleur (il passe de "minable" à "médiocre" en général), et plus, aussi, il peut demander des mutations intéressantes. Pour dire les choses de façon caricaturale, un prof comme un flic a toutes les chances de commencer par une banlieue difficile ; puis à 40 d'obtenir un poste dans une ville moyenne et de finir, juste avant la retraite, dans une grosse ville ensoleillée du sud.
En général, tout corps et/ou toute administration est flanquée d'un corps dit "d'inspection", et même souvent de plusieurs, et là, on entre dans migraine, car en général l'ordonnencement des services d'inspection entre eux est labyrinthique. Je pourrais - en douze pages - vous expliquer rapidement le rôles des IEN, IDZEN, IPR-IA, IGEN et IGAENR dans l'Education Nationale, mais je n'ai jamais compris la différence entre l'IGPN et l'IGS (les "polices des polices", dites aussi les "boeufs-carottes"

) dans la police.
Les corps d'inspection jouent un rôle dans la progression de carrière ; ils peuvent en gros la ralentir très fortement ou l'accélérer un peu ou beaucoup, jamais la stopper (dans l'Education Nationale, un prof peut, après une inspection, obtenir un avancement "à l'ancienneté", "au petit choix" ou "au grand choix" - riez pas, c'est les noms).
Potentiellement donc, l'âge ne joue absolument pas en France sur la position hiérarchique. On peut être inspecteur de l'éducation nationale à 35 ans ou toujours prof à 60. Et même : un prof au dernière échelon de la hors-classe à 60 peut gagner largement plus et avoir une citation bien plus enviée qu'un proviseur-adjoint au rang 1 qui est pourtant son supérieur hiérarchique et auquel il doit obéissance, sacrifice, dévouement et humilité.
Dès lors, comme il a été dit, les noms des "hiérarques" dépend de chaque administration. On a par exemple :
Dans la Police Nationale : préfet de polices, commissaire principal, commissiaire divisionaire, inspecteur.
Dans la Préfectorale : préfet, sous-préfet, secrétaire de préfecteur, secrétaire de préfecture, etc.
Dans l'Education Nationale : recteur, IGEN, IPR-IA, chef d'établissement (proviseur, principal), professeur (pour le secondaire).
Et ainsi de suite. Chaque administration et chaque corps a ses titres, ses hiérarchies, ses protocoles, ses traditions, ses surnoms, ses...