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traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 15:20
by isa-bo
bonjour,

dans le cadre d'une recherche généalogique, j'ai trouvé un document en ancien français de Neuchâtel que je dois traduire en allemand, mais pour ce faire, il faut d'abord que je le traduise en français moderne et je ne comprends pas tout de ce texte.
Il s'agit là d'une reconnaissance terrienne datée de 1508.

Merci d'avance pour vos réponses.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 17:37
by Manuela
Et le texte ?

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 18:04
by Sisyphe
:) Oui, donnez-nous le texte que nous verrons ce que nous pouvons faire ; le français de 1508 n'est pas bien mystérieux, ça ne devrait pas être très difficile.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 18:46
by isa-bo
En fait, j'ai scanné le texte, et je n'arrive pas à faire un copié-collé. je vais encore essayer.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 20:07
by isa-bo
Voilà le fameux texte que je viens de retaper, c'est un peu long je sais mais ....


"Pierre Matille Filz de : feu Perrod Vuillot de la saigne Saige saichant et bien adviser commil afferme / Jure par son serement / pour ce faict & corporellement donné / aux sains euvages de Dieu / Cognoit / et confesse / publiquement et ouvertement / par ces presentes / tenir / voloir et debvoir / tenir et possedez / pour luy et ses hoirs / et let ayans cause de luy au temps advenir de tresredoubtez et souverain Sgr monsgr loys dorleans / marquis de Routhelin / prince de chastellallon / conte de neuschastel du charroloys / Visconte de Mollin Et de ses hoirs et successeurs / quelconques / les terres possessions et heritaiges que sensuyvent. / Et premièrement tient led recognoissant / partis et devis avecque glaude (Claude) filz de grand pierre Mathille / et avecq blase(Blaise) / et pierre nepveux dud glaude / la quarte partie dune accensation / faicte par feu bonne memoyre / messr Jehan Jad conte de fribourg / et de neuschastel / A Jehanin sauvestre et Matille relassie de feu Perro Vuillot / mère du dud recognoissant / Led Jehanin pour la moytier / Et lad matille pour l'aultre Ung morcel de prey / cernix contenent / soixante et quatre faulx / gesant en marthel devers la droy Touchant les hoirs Jehan gentil devers bise / ce que futz Jehan Baillot / lequel tient a present Jehan outhenin devers Vent Item / encore deux faulx enqui pres / entre led Jehan outhenin / a cause dud Baillot et le morcel dessuz limitez. Item deux faulx gesant ou long du biez / Et est ce pour quatre deniers censaulx pour Une chascune faulx que sont vingt et ij solz huit deniers / lausannois cesaulx Et est faicte lad accensation sans entraige Appart par lettre sue ce faicte / scelee du propre scel de la couroye dud feu Sgr datee du sixiesme Jour de may."

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 21:43
by Sisyphe
Ok, rien de bien difficile sinon cette fichue manie de la langue juridique de répéter trente-douze fois la même chose (pire que mes élèves).

Je vous fais ça cette nuit si j'ai deux minutes et en espérant qu'il n'y ait pas de lézards cachés, du type régime de propriété délirant spécifique à la Suisse du XVIe siècle, nécessitant un délézardeur du genre Tom.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 10 May 2009 23:52
by Sisyphe
:-? Bon, je commence... Mais ce genre de documents, 'faut y aller petit à petit


Pierre Matille, fils de feu Perrod Vuillot de la [.....] (1), homme qui se prétend sain d'esprit (2), jure par le présent serment, qui a été fait devant les saints ouvrages de Dieu (2), qu'il détient et posséde pour lui, pour ses hériters et pour ses futurs ayant-droit, de la part du très-redouté et souverain seigneur Monseigneur Louis d'Orléans, marquis de Routhelin, prince de Chastellallin [Chastelvallon ?], comte de Neuschatel du Charrolais, Visconte de Mollin, ainsi que des héritiers et successeurs de ce denier (quels qu'ils soient) les terres, possessions et héritages qui suivent :


1. Il y a manifestement un problème dans le texte, très vraisemblablement une "reprise du même au même" de la part du scribe : l'individu s'appelle "Perrod Vuillot de la Saigne", et cet homme est "saichant et bien adviser" (en gros : il a toute sa tête), "comme il afferme = comme il le prétend". Le scribe s'est emmêlé les plumes dans ces deux mots commençant par "Sai-" et à écrit un mot pour rien.

2. Tout ce document est une affirmation par serment, destinée sans doute à faire preuve en justice. Je ne sais pas très bien comment prendre le "fait & corporellement donné"... S'agirait-il d'une ordalie ? En plein seizième siècle, ça ferait un peut tard, mais ça n'est pas impossible. Ou plus vraisemblablement, il l'a fait de vive voix, devant la croix, une Bible ou toute autre bimbeloterie religieuse censée donner force à son serment.

Premierement, ledit individu possède en indivision (1) avec Claude, fils de Pierre Mathille le Grand (2) et avec Blaise et Pierre, neveux (3) de ce deniers, le quart d'une accensation (4),

1. "partis et devis" signifie deux-fois la même chose (cf. "partition" en franglais moderne) = coupé en deux. La logique de la phrase serait qu'ils possèdent ensemble un quart de l'accensation. Le fait qu'il soit mentionnés ensemble (Pierre II + Claude + Blaise + Pierre III), alors que plus loin son mentionnés les autres héritiers, me laisse penser que c'est une part indivise, et non pas un seizième chacun. Reste à déberlificoter l'arbre généalogique, ce qu'on ne pourra faire que lorsque l'on aura traduit tout le document...

2. le grand Pierre Matille : il faut sans doute comprendre qu'il y en a au moins deux, et qu'on parle ici du plus vieux ("P.M. senior") ; mais comme ils sont copossesseur d'une part de l'accensation, il est peu probable qu'ils soient père et fils (à moins qu'ils aient hérité de leur épouse et mère respective ; à voir).

3. "neveu" peut à cette époque aussi bien signifier "neveu" que "petit-fils". Et à ce stade, on commence à se ronger les ongles.

4. Une accensation, c'est le fait de mettre une terre à cens, c'est-à-dire de faire payer un droit à quelqu'un pour qu'il l'occupe et la cultive. C'est-à-dire soit un affermage (le locataire paie en argent la location de la terre) soit un métayage (il paie en nature, une part de sa récolte).
Nos gugusses disent "posséder" cette accensation, donc je comprends qu'ils sont les loueurs de cette terre, et qu'ils touchent indivisement un quart du loyer, qu'il soit en nature ou en monétaire ;

Reste à savoir, du reste, si pour autant cette terre leur appartient, parce que sous l'Ancien Régime, la propriété est une chose compliquée (on peut avoir le fructus et l'usus sans l'abusus ou l'inverse...). Toooooom ! Viens vite nous expliquer l'accensation parce que là je fatigue ! :D

Enfin bref : notre Pierre Matille de la Saigne affirme qu'il possède une partie d'un quart d'un loyer sur une terre.

[La suite plus tard, parce que ça devient compliqué...]

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 11 May 2009 08:12
by isa-bo
Merci beaucoup Sisyphe pour cette explication - traduction de texte, j'espère que vous avez tout de même dormi cette nuit, car pour cette première partie, vous avez dû vous tourmenter les méninges !!

Encore merci et bon courage.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 11 May 2009 20:02
by Sisyphe
[une accensation] octroyée par le regretté sire Jean Jad, comte de Fribourg et de Neuchâtel, à Jehanin Sylvestre et Matille Relassie (1), (fille / enfants (2) ) de feu Perrot Vuillot <et> mère de l'individu qui prête aujourd'hui serment, à raison d'une moitié pour Jehanin et d'une autre pour ladite Matille.

Je laisse toujours de côté pour l'instant la généalogie, on fera le total à la fin. Une chose est sûre : le comte de Neuchâtel a affermé la terre dont il est question à Jehanin Sylvestre et à Matille, chacun 50%. Matille est la mère du Pierre Matille que j'appelerai désormais A, puisqu'il est le centre du texte, celui qui prête serment. Restent deux problèmes :
(1) J'ai d'abord cru que "relassie" était une forme du verbe "relaissier" (abandonner, céder, entre autres sens) très courant en moyen français ; on aurait pu comprendre que Matille était la "relassie" de feu Perrot Vuillot, qqchose comme "celle a qui P.V. a abandonné ses droits". Sauf que je ne trouve rien de tel dans mes dicos ni sur le net. J'en suis réduit à penser que c'est bêtement un nom propre (on ne peut pas parler de "nom de famille" au XVIe siècle, mais c'est en tout cas un "idionyme" (le nom d'une seule personne) ou un "génonyme" (un nom qui se transmet dans la famille). Dans ce cas, il faut comprendre "Matille Relassie de feu Perrot Guillot" comme la très classique tournure qui signifie "fille de X" (cf. dans Marcel Pagnol, dans la Provence du XIXe siècle : Jean de Florette = Jean, fils de Florette).
La question en suspend (2) est de savoir si "Jehin Sauvestre" (en gros : Jean-Sylvestre) est aussi le fils de Perrot Vuillot (le "de" serait en facteur commun). Ce seraient donc un frère et une soeur... Mais pourquoi un seigneur accorderait-il un accensement à deux personnes d'une fratrie, comme ça, sans raison ?

La suite du texte ne peut qu'être un nouveau "tiret" dans la liste des possessions revendiquées par Pierre Matille :

- Un morceau de pré entourés / éclairci contenant soixante-quatre fauchées

J'hésite sur le sens de "cernix". "Cerner" signifie en moyen français "entourer de qqchose", dans un sens plus large que le français moderne. Mais plus vraisemblablement, il existe en ancien français "un cerniz", qui désigne la part d'une forêt destinée à être abattue (après avoir été délimitée circulairement). Tom confirmera, mais le Moyen Âge n'a rien d'écolo, et abat les arbres à une vitesse prodigieuse. Un "pré cerniz" pourrait donc être un pré récemment gagné sur la forêt, suite à une coupe claire. Je crois que le terme moderne est "éclairci".

Il est évident que "une faulx" désigne, par métonymie, une "fauchée", cad la portion de territoire que l'on peut faucher en une journée. Dans d'autres régions de France, l'unité de compte est le "journal", i.e. la quantité de terrain que l'on peut labourer en un jour. C'est très concret pour des paysans.


La suite devient très obscure, j'ai pas fini...

C'est génial, ça me rappelle le temps où je faisais de l'épigraphie latine : une ligne de texte, dix lignes de commentaire.

Re: traduction d'un texte en ancien français

Posted: 13 May 2009 08:58
by isa-bo
Bonjour Sisyphe,

Merci pour ces explications, avec votre traduction, je vais pouvoir aisément faire ma traduction en allemand, et surtout pouvoir expliquer tout ça aux descendants de ces chers Matille.(J'en ai retrouvé au bout du monde alors j'ai pas fini mes traductions !!).