
C'est une absurdité de la langue française, en effet ! Elle tient à la faiblesse structurelle du démonstratif "ce" en français, qui est phonétiquement très faible. Dès le Moyen Âge, "ce" a été renforcé :
- Ce -> ceci, cela.
- Ce -> celui, celle (ce+elle)
Et parfois, le renforcement a été à son tour renforcé !
- Celui, celle -> icelui, icelle (très archaïque)
- Celui, celle -> celui-ci, celui-là.
Dans une langue familière (ou le renforçatif "-ci" tend à disparaître), on trouve même "celui-là-là" ! D'ailleurs, mes élèves écrivent souvent "suilà" et donc "suilà-là". Preuve qu'ils n'identifient plus "celui-là" comme trois ni même comme deux unités, mais comme une seule.
*
C'est la même chose qui s'est produite avec la tournure interrogative.
La structure minimale reste correcte en français :
Qu'est-ce ?
Pronom-adjectif interrogatif + verbe + pronom démonstratif (what is this, was ist das, quid est hoc ?). Toutefois, cette formule est aujourd'hui plutôt soutenue. Dans une langue plus courante, on éprouve le besoin de renforcer.
Qu'est-ce que c'est ?
À l'origine, ce
que... était une relative véritable, qui met l'accent sur "ce". Ainsi, au XIIe siècle, dans le
Roman de Renart :
Qui est ce, Diex, qui m'aparole ?
= Qui est cet <individu>, grand Dieu, qui m'adresse la parole ?
De même, dans Racine, Thésée dit une fois :
Qu'est-ce que j'entends ?, cela signifie profondément : quelle est cette chose (sous-entendu : ce sacrilège) que j'entends ? En l'occurence, Thésée apprend que son fils Hippolyte aurait courtisé sa belle-mère Phèdre, ce qui serait donc un inceste dans la loi grecque. La formule est encore très forte.
Mais cette valeur s'est petit à petit perdue. La première moitié ("qu'est-ce que...") a été senti comme une sorte d'adjectif interrogatif :
[qu'est-ce que] [ce] [est]
what...............that....is ?
Quid...............hoc.....est ?
Mais dans un troisième temps, et toujours à cause de la faiblesse congénitale du "ce" en français, on a éprouvé dans une langue familière le besoin de renforcer une fois de plus l'interrogation par une autre relative
Qu'est-ce que c'est que ça ?
En fait, à l'origine, on disait "qu'est-ce que c'est que cela est ?". En effet, tout le premier tiers a été senti comme un pronom interrogatif :
[Qu'est-ce que c'est que] [cela] [est]
...........=What.............that... is ?
..........= Quid..............hoc...est ?
Puis on a opéré une ellipse du verbe être, et une contraction du pronom : "que ça".
*
Et encore, c'est n'est pas fini... Dans les bandes dessinées, on voit parfois écrit de façon humoristique "kessékça ?", qui rend compte de la prononciation réelle qui tend à en faire presqu'un seul mot.
*
En tant que professeur de français, je m'impose de parler le plus correctement posssible dans mes classes. Je ne dis donc jamais "qu'est-ce que c'est ?", mais toujours "qu'est-ce". Mais un jour, dans une copie, un élève m'a écrit : "caisse ?"
