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Le français [accord avec "on"]

Posted: 10 Jul 2014 12:56
by le franc
Bonjour,

Je vois de plus en plus un "s" à la fin d'un verbe alors que le pronom "on" est un pronom de la troisième personne du singulier.

Par exemple, "on est censés...". Pour ma part, j'écrirais plutôt "on est censé". Ai-je raison ?

merci pour votre réponse


Note du modérateur : merci de faire des titres explicites, précisant clairement la question posée...

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 10 Jul 2014 13:48
by Sisyphe
Personnellement, j'interdis le pluriel à mes élèves, pour des raisons de "cohérence morphologique" : je veux qu'ils comprennent qu'en français, on accorde essentiellement selon la grammaire et non pas selon le sens sous-jacent... Car ils ont une tendance naturelle à faire des accords ad sensum assez monstrueux : *tous le monde, *Renault sont une grande entreprise, *la ville se révoltent, etc. - tous authentique, et j'en ai de pires.

Mais à la vérité, Grevisse §429b1 est beaucoup plus tolérant, et semble admettre la syllepse, avec force exemples.
... Dans ce cas, si le verbe reste nécessairement au singulier, l'adjectif attribut, l'épithète détachée, le participe passé peuvent prendre le genre et le nombre correspondant au sexe et au nombre des êtres désignés
Il est vrai qu'au féminin il paraîtrait étrange de ne pas le faire : Qui regrette-t-on quand on est si belle (Musset) ; Eh bien, petite, est-on toujours fâchée ? (Maupassant).

En revanche, il me semble qu'une partie des exemples qu'il cite pour le pluriel relève quand même d'un code un peu familier ou du moins populaire, dans un contexte où "on = nous", et c'est là le problème : On dort entassés dans une niche (Loti, c'est un journal de voyage) ; on est fatigués (Colette, dans Chéri, qui se passe chez les "demi-mondaines"), on est tranquille (Vian, L'Ecume des jours, assez librement rédigé). Etc.

Bref : le problème fondamental est que "on" est trop souvent employés pour "nous", apparemment depuis le XIXe siècle, mais c'est en train de devenir de plus en plus massif - chez mes élèves, il y a une sorte de répartition acquise entre "nous" considéré comme un pronom tonique (comme "moi") et "on" comme l'atone correspondant (comme "je") : "nous, on est" - et ils ne comprennent même pas le problème quand je le pointe : "nous sommes" est aussi absurde à leur yeux que l'imparfait du subjonctif : quand je le leur impose, j'ai droit à des "nous sont" dans les rédactions.

Dans cinq siècle, "nous" atone pourrait disparaître comme le "ye"et le "thou" anglais, le "we" en afrikaans ("ons is" = "we zijn") ou le "je" de facto en flamand... J'ai remarqué que dans les séries américaines doublées, les doubleurs utilisaient systématiquement "on" à la place de "we" en anglais, à cause du mouvement des lèvres. Mais cela ne fait qu'accélérer la chute de "nous".

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 10 Jul 2014 15:36
by le france
merci pour cette explication !

Je frôle la crise cardiaque à chaque fois que je vois un "s" avec on. Au final, peut-on dire que c'est une erreur qui est rentrée dans la langue ? :cry: Mais bon, je vais lutter contre cet accord.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 12 Jul 2014 13:33
by Roland
La position de Sisyphe est compréhensible du point de vue pédagogique, notamment pour éviter de retrouver dans des copies le genre de monstruosités citées. Mais du point de vue linguistique il n'y a pas lieu de se scandaliser, mais de constater une évolution qui se généralise. Voyez les explications de Jehan ci-dessous par exemple :

http://www.etudes-litteraires.com/forum ... ec-on.html

Ou celles de Bernard Cerquiglini dans ses Petites Chroniques du français comme on l'aime (Ed. Larousse, 2012) :
Il y a actuellement en français deux pronoms on.

- Le premier on est très ancien. Issu d'un affaiblissement du latin homo, "l'homme", c'est un pronom indéfini. Il est sujet impersonnel d'un verbe au singulier ; son attribut est singulier également ; ses pronoms disjoints sont de troisième personne. On écrira par exemple : on est prié (singulier) de fermer la porte derrière soi (3e personne). Le point crucial est qu'il n'inclut jamais le locuteur. Ce pronom vénérable est encore bien vivant : on m'a volé mes clés !

- Au début du XXe siècle est apparu dans la langue populaire, puis familière puis parlée, un nouvel emploi du pronom on. Incluant le locuteur, ce on fonctionne comme pronom personnel de première personne plurielle : c'est un équivalent de nous. Bien que suivi d'un verbe au singulier, son attribut est pluriel et ses pronoms disjoints sont de première personne. On écrira par exemple : hier, on est allés (attribut au pluriel) au cinéma avec nos amis (1ère personne du pluriel).
Plus léger que le pronom nous, ce nouveau pronom on a fait fortune, malgré l'opposition des puristes, qui le condamnent, surtout en reprise de nous : *nous, on est contents.

Il faut cependant convenir que, dans la langue parlée, ce nouvel on est devenu un véritable pronom personnel pluriel. Ce que confirme la variation de son attribut, en nombre mais aussi en genre. A ce titre, des dames peuvent dire : on est allées (féminin pluriel) au cinéma sans nos maris.

Ces deux pronoms on sont donc bien différents : ils peuvent d'ailleurs coexister dans la même phrase : on est allés au cinéma, car on nous avait dit que le film était excellent.

La réponse à la question de l'accord est donc simple. Si on exclut le locuteur, il s'agit du pronom on indéfini et l'accord est au singulier. Si on inclut le locuteur, nous avons affaire au pronom on personnel ; le participe passé ou l'attribut suit le nombre et le genre de ce locuteur pluriel.
En conclusion, j'interdirais l'accord aux élèves pour ne pas faire surchauffer leurs méninges, mais je me l'autoriserais. :)

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 12 Jul 2014 14:34
by Sisyphe
La position de Sisyphe est compréhensible du point de vue pédagogique, notamment pour éviter de retrouver dans des copies le genre de monstruosités citées. Mais du point de vue linguistique il n'y a pas lieu de se scandaliser, mais de constater une évolution qui se généralise.
;) On est d'accord.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 12 Jul 2014 18:10
by Andergassen
Rien à ajouter, sauf qu'on est les meilleurs. :king:

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 12 Jul 2014 22:27
by Roland
Un coup d'œil sur la liste des tolérances grammaticales et orthographiques, par curiosité :
http://lamaisondesenseignants.com/index ... 001&rub=31
(I, 9).

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 13 Jul 2014 13:36
by Maïwenn
en FLE j'enseigne que "on" a 3 sens : les gens (En France on parle français), une / des personnes indéfinies (on frappe à la porte) et nous. Et que s'il a la valeur de "nous" on peut le trouver accordé.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 14 Jul 2014 11:54
by iubito
l'accord masculin/féminin est normal, mais l'accord pluriel me choque

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 15 Jul 2014 06:53
by le france
oui, moi aussi ça me choque, d'autant plus qu'il n'y a pas que "on", il y a "est" et ça c'est bien singulier :roll:

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 15 Jul 2014 17:03
by Roland
Pour choquer encore : ;)

XVIe, XVIIe s. :

Ce peuple guaignoient leur vie de façon bien estrange (Rabelais)

La plupart assurent qu'il faut dire... (Vaugelas)

Et ainsi ce peuple, déçu par l'avènement ignominieux et pauvre du Mesie, ont été ses plus cruels ennemis (Pascal)

Français contemporain :

Syllepse de nombre :
⦁ Minuit sonnèrent
⦁ Jamais il n'eût tourmenté un chat : il les respectait
⦁ Entre le pauvre et vous, vous prendrez Dieu pour juge,
Vous souvenant, mon fils, que caché sous ce lin,
Comme eux vous fûtes pauvre, ... (Racine).
⦁ La plupart se sentent écoeurés.

Syllepse de genre :
⦁ C'est la sentinelle qui le premier s'inquiète

Syllepse de personne :
⦁ Est-ce que j'aime les gâteaux ? (pour "est-ce que tu aimes ?")
⦁ A-t-on été sage ? (pour "as-tu été sage ?")
⦁ "Nous" de majesté
⦁ Personne de politesse : Votre Altesse veut-elle ...

http://wronecki.pagesperso-orange.fr/fr ... igures.htm (un collectionneur)

En anglais :

- The police have arrived. (= La police est arrivée.)
- The family are now sitting around the table. (= (toute) La famille est maintenant assise autour de la table.)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syllepse

The orchestra are...
The United States is...

Tout cela pour dire que l'accord grammatical n'a pas toujours été un impératif dans tous les cas en français, que l'accord suivant le sens a existé de façon plus ou moins fluctuante suivant les époques, qu'il existe toujours de nos jours dans certains cas, qu'il diffère dans d'autres langues, et que je ne vois donc pas ce qu'il y a de choquant à constater sa survivance, ou son apparition (mais datant quand même d'un siècle) dans le cas de on équivalent de nous, dans l'orthographe contemporaine.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 15 Jul 2014 19:10
by kokoyaya
Maïwenn wrote:en FLE j'enseigne que "on" a 3 sens : les gens (En France on parle français), une / des personnes indéfinies (on frappe à la porte) et nous. Et que s'il a la valeur de "nous" on peut le trouver accordé.
Pareil, j'accorde quand c'est "nous" et je laisse au singulier dans les autres cas.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 16 Jul 2014 02:38
by Maïwenn
comme Roland, je n'y vois rien de choquant.

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 16 Jul 2014 22:05
by iubito
De sacrés exemples Roland !
Le ceul qui a "on" n'est pas accordé au pluriel : A-t-on été sage ?
ouf ! :lol:

La plupart des gens sous-entend Plusieurs personnes, presque toutes, pas une seule.
Les douze coups de Minuit sonnèrent

Amusant aussi les exemples en anglais
The police have arrived, en général les bleus ne sortent pas seul(s ?) ;)

Jamais il n'eût tourmenté un chat : il les respectait
@Beaumont, fuyons ! :lol:

Re: Le français [accord avec "on"]

Posted: 16 Jul 2014 22:28
by ElieDeLeuze
L'accord grammatical de l'adjectif est à mon avis intenable avec on=nous, mais hors de question de ne pas respecter la conjugaison du verbe au singulier. Les anglophones sont libre de dire les bêtises qu'ils veulent, c'est pas mon problème.

P.S. Bizarrement, je ne supporte pas le singulier après "la plupart de" et "une majorité de".