Personnellement, j'interdis le pluriel à mes élèves, pour des raisons de "cohérence morphologique" : je veux qu'ils comprennent qu'en français, on accorde essentiellement selon la grammaire et non pas selon le sens sous-jacent... Car ils ont une tendance naturelle à faire des accords
ad sensum assez monstrueux :
*tous le monde, *Renault sont une grande entreprise, *la ville se révoltent, etc. - tous authentique, et j'en ai de pires.
Mais à la vérité, Grevisse §429b1 est beaucoup plus tolérant, et semble admettre la syllepse, avec force exemples.
... Dans ce cas, si le verbe reste nécessairement au singulier, l'adjectif attribut, l'épithète détachée, le participe passé peuvent prendre le genre et le nombre correspondant au sexe et au nombre des êtres désignés
Il est vrai qu'au féminin il paraîtrait étrange de ne pas le faire :
Qui regrette-t-on quand on est si belle (Musset) ; Eh bien, petite, est-on toujours fâchée ? (Maupassant).
En revanche, il me semble qu'une partie des exemples qu'il cite pour le pluriel relève quand même d'un code un peu familier ou du moins populaire, dans un contexte où "on = nous", et c'est là le problème :
On dort entassés dans une niche (Loti, c'est un journal de voyage) ;
on est fatigués (Colette, dans
Chéri, qui se passe chez les "demi-mondaines"),
on est tranquille (Vian,
L'Ecume des jours, assez librement rédigé). Etc.
Bref : le problème fondamental est que "on" est trop souvent employés pour "nous", apparemment depuis le XIXe siècle, mais c'est en train de devenir de plus en plus massif - chez mes élèves, il y a une sorte de répartition acquise entre "nous" considéré comme un pronom tonique (comme "moi") et "on" comme l'atone correspondant (comme "je") : "nous, on est" - et ils ne comprennent même pas le problème quand je le pointe : "nous sommes" est aussi absurde à leur yeux que l'imparfait du subjonctif : quand je le leur impose, j'ai droit à des "nous sont" dans les rédactions.
Dans cinq siècle, "nous" atone pourrait disparaître comme le "ye"et le "thou" anglais, le "we" en afrikaans ("ons is" = "we zijn") ou le "je" de facto en flamand... J'ai remarqué que dans les séries américaines doublées, les doubleurs utilisaient
systématiquement "on" à la place de "we" en anglais, à cause du mouvement des lèvres. Mais cela ne fait qu'accélérer la chute de "nous".