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Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 09:01
by leelou
Bonjour,

j'ai vu une phrase en Latin sur un bâtiment de ma ville et je voulais savoir si la traduction que j'ai trouvé est correcte :

Vitam impendere pulchro

La vie est belle

Sinon, n'ayant pas/plu l'habitude du Latin (où j'étais plus nulle que nulle en classe), je suis étonnée du mot "pulchro" qui ne fait pas Latin à mes yeux. Quelqu'un pourrait développer l'origine ?
Tout ca m'intéresse enfin. Si mes profs me voyaient ! :lol:

merci

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 10:26
by Latinus
Salut Leelou,

Pulcher était bien employé en latin. Apparemment, la graphie ne serait pas la meilleure.
On le trouve souvent dans les noms "machin le beau / le noble". Si je dis pas de co**erie, un des césars l'avait d'ailleurs dans le sien (vague souvenir d'un cours).

Je ne sais pas si il faut prendre impendere dans le sens de sacrifier mais, dans ce cas, ça dit plutôt que le sacrifice de la vie est beau/noble (plus exactement de ce que j'en traduis : Il est noble de sacrifier la vie / Sacrifier la vie est noble).


Place aux initiés ;)

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 10:32
by leelou
Merci pour ce début d'explication :)

J'attends alors le long post de Sisyphe :D

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 11:13
by Sisyphe
impendere : suspendre / attacher
vitam : <sa> vie
pulchro : à la beauté (lit. "au beau").

*

C'est une parodie de la formule du poète satirique Juvénal "vitam impendere vero" (en gros : consacrer sa vie à la vérité"). Apollinaire l'avait également parodiée pour le titre d'un recueil : "vitam impendere amori" (... à l'amour).

Pulcher, pulchra, pulchrum est un adjectif absolument banal, il fait partie des deux cents mots de latin de base que l'on apprend aux élève. C'est vrai qu'il ne donne pas grand-chose en français, à part le prénom "Pulchérie". En latin tardif, il est remplacé par bellus, bella, bellum, qui signifie plutôt "joli, mignon" au départ, ou par formosus (esp. hermoso), "bien formé".

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 11:42
by Latinus
Voilà voilàà, je retourne à mon ourlet de voilage :shy:

:hello:

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 11:44
by leelou
Merci à vous deux. Donc je traduis ca comme : consacrer sa vie à la beauté.

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 12:11
by ElieDeLeuze
Sait-on comment le ch de pulcher était prononcé en vrai latin ?

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 12:21
by Latinus
Mon vague souvenir de cours donne "pulkier".

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 12:25
by ElieDeLeuze
Donc le h avait une vraie fonction ? On sait pourquoi cette aspiration en plein milieu d'un mot même suivi d'une consonne aux cas obliques ?
C'est pas du n'importe quoi, cette graphie ?

Re: Phrase en latin

Posted: 04 Jul 2015 14:00
by Sisyphe
:ape: Rhaa ! Une fois du plus, Elie pose avec sadisme et une pertinence toute impertinente LA question-qui-tue.

:prof: Ma réponse scientifique, posée en terme de phonologie théorique troubetzkoyenne, et appuyée des considérations sociolinguistiques prenant en compte les acquis de la pragmatique post-searlienne sera : "bin c'est le bordel".

En gros :

1. Jusqu'au premier siècle avant JC, <H> est bien censé noter une aspiration [h], essentiellement devant voyelle initiale ou à l'intervocalique : habeo, hirundo, holus, cohors, veho...
2. Mais entre la fin de la République et le premier siècle après, l'aspiration disparaît très vite (sans doute avant dans le bas peuple) : on peut dès Cicéron écrire prehendere ou prendere, nihil u nil[/], etc. Les pédants essaieront jusqu'au bout de prononcer ces <H>* : Catulle (Ier avant) se moque d'un parvenu qui en ajoute à tout bout de champ, même là où il n'y en a pas ; à Pompéi, on voit des <H> qui manquent et aussi des <H> en trop, etc. Et tous les grammairiens à partir de Quintilien insistent pour dire qu'il faut absolument le mettre sur tel ou tel mot, preuve que précisément, on ne le fait plus (un grammaticus est très exactement un prof du secondaire en fait : toi et moi savons que l'on fait précisément des cours à répétition sur ce que les élèves ne font PAS :evil: ).
3. Les graphies <TH>, <PH> et <CH> sont normalement des artifices pour rendre compte des lettres grecques : malheureusement, elles sont introduites au moment même où l'aspiration elle-même commence à disparaître en latin. On écrit theatrus, philosophus, mais on prononce comme on peut selon qu'on est le grand Tacite ou un esclave basané qui nettoie les latrines du grand Tacite.

4 Oui mais oui mais oui mais : il y a une poignée de mots, pas du tout grecs, pour lequels les Latins auront d'un bout à l'autre absolument voulu rajouter des <H>, comme lac(h)rima "larme", et pulcher, ou encore c(h)orona, c(h)aritas. Cicéron explique doctement que ces mots ont un <H> "quia per aurium judicium licet", "parce que cela semble juste à l'oreille", ce qui est une façon de ne rien dire du tout, comme souvent chez Cicéron (en gros : "parce que c'est plus mieux"). Mais ce qui veut dire aussi qu'on l'entend quand même... Un mélange de contrainte phonétique (n'oublie pas que le [r] est roulé en latin : une séquence [kr] passe d'une occlusive dorsale vélaire à une spirante apico-alvéolaire, en gros de l'arrière de la bouche à l'avant, le temps de passer de l'un à l'autre, il y a dégagement d'air : colle-toi contre une vitre froide et prononce "kleklekleklekle", et tu vas faire de la buée - :D c'est rigolo la phonétique), de chic, de pseudo-hellénisme, d'étymologies plus ou moins populaires... Donc, c'est comme ça !

*C'est marrant d'ailleurs : le maintien envers et contre tout des aspirées me semble typique des accents pédants dans toutes les langues. Dans les feuilletons amerloquiens, on se moque de la haute société de la côte Est qui prononce "ManHattan", "New HHHaven" (cf. http://phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=1757 )...