Pourquoi vous lancez toujours des sujets passionnants quand j'ai pas le temps ?
En vacances + en confinement + pas vu la tête d'un élève depuis cinq semaines = je réussis quand même à me mettre du travail sur le dos...
Merci à Elie pour toute l'étendue tudesque. Je ne peux que rajouter quelques guirlandes indo-européennes.
Mutatis mutandis, c'est le même bazar. Il y a un terme commun *mori (dont le
Meer ci-dessus, mais aussi la latin
mare, le vieil-irlandais
muir (et le breton
mor, le russe
more (et accessoirement, le nom de la Poméranie veut dit bêtement "littoral" en vieux-prussien, l'occasion de rappeler que le vieux-prussien est une langue balte, en vertu de la loi historique du "pousse-toi-d'l'à-que-j'm'y-mette", appelée aussi Drang nach Osten ou Lebensraum selon votre degré de nazisme). Et il est aussi attesté en ossète, auquel on ne fait jamais attention, parce qu'on oublie toujours de ranger ses Ossètes.
Donc, ça a l'air simple. Sauf que pas du tout : (1) tous ces exemples viennent du côté Ouest, et (2) un groupe aussi "maritime" que le grec n'a pas le mot, et le remplace par une foule d'autres empruntés à des langues locales, et (3) en sanscrit,
marus veut dire "désert de sable", alors que les dénominations de la mer sont très imagées.
Quant au
See, il est pangermanique, mais il est n'est que germanique... En gros, il y a ceux qui le rattachent à une racine voulant dire "agitée" et ceux qui le raccordent à une racine qui veut dire "seau, cuve, réservoir".
Explication vraisemblable : les "Indo-Européens" (l'idée même que ce soit "un" peuple est absurde, mais disons des gens qui ont véhiculés ces langues) ne connaissaient pas la mer, du moins pas tout de suite. Et quand ils ont bougé et découvert des étendues d'eau plus grosses que leurs lacs, et en plus salés, ils se sont débrouillés avec les moyens du bord, si j'ose dire.
À une autre échelle, j'ai l'impression que c'est un peu ce que décrit Elie : vue du haute des Alpes et quand on a pas mieux que le cheval et les fleuves pour rejoindre l'étendue salée la plus proche, la mer, c'est jamais qu'un gros lac (la première fois que j'ai vu le Léman, à 5 ans, j'ai cru que c'était la mer : c'est plus gros que la piscine municipale et il y a du sable, donc c'est la mer). De la même façon d'ailleurs que j'ai toujours été étonné qu'on parle de "Mer morte" (mais les Grecs l'appelaient "lac"), alors qu'elle est à peine plus grosse que le Léman, et plus petite que le Grand lac salé de l'Utah. Et quand vous êtes un Batave du VIe siècle, la mer, vous l'avez dans les pieds en permanence, c'est froid, ça mouille, ça abime tout il suffit d'un coup de vent pour que le lac d'à côté devienne saumâtre ; et vous vous dites : vivement qu'on invente le moulin à vent, que je puisse me débarrasser de cette saloperie et planter des tulipes à la place.
Ne parlons pas de la mer d'Aral, c'est bientôt plus qu'une flaque.
Plus d'info ici (le teaser d'une thèse passionnante) :
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01843423/document
Ajout hors-sujet : Ca faisait des années que je n'avais pas eu droit au moment d'envoyer à l'avertissement : "au moins un message a été posté depuis que vous avez commencé à écrire ce sujet". Ca, c'est du LokaNova de l'âge d'or... Et oui, le temps passe