Tsigane, Gitane, Rom : une ou des langue(s) ?
Posted: 29 Dec 2002 10:07
Tsigane, Gitane , Rom : une ou plusieurs langue(s) ?
L'évocation des Roms, il y a peu, suite à une question d'Estrella et une réponse de iubito, m'a fait me souvenir que j'avais deux livres anciens relatifs aux Tziganes. Evoquer ce thème riche en images est aussi un moyen d'atténuer notre"honte" (comme l'a écrit iubito) de voir nos gouvernants actuels institutionnaliser la chasse aux Rom, même si n'est pas clair à l'esprit de beaucoup (dont le mien) leurs moyens d'existence quand l'on voit par exemple (comme il y a peu, près de "chez moi") cette multitude de caravanes avec toutes une paraboles de télévision sur le toit et de puissantes voitures auxquelles elles sont attelées : semble bien fini le temps des roulottes, et l'on s'y perd en conjecture.... Un peu de clarté à ce sujet serait bien venu, cependant que ce "mystère" sur les sources de revenus ne doit pas dominer ou gommer l'analyse des langues qu'ils parlent et l'examen de leur migration à travers le temps.
I --- Donc d'un livre publié en 1961 ("les Tziganes" par JP Clébert, éditions Artaud) j'extraie en synthétisant ce qui suit :
A) La langue tzigane proprement dite, ou tzigane de base, est le "roumani" (ou "romanès"; de "rom" = homme).
Cette langue est pour partie d'origine indienne, plus particulièrement HINDI. Sa grammaire et plus de la moitié de son vocabulaire fondamental se rattachent aux groupes parlés encore aujourd'hui dans le nord de l'Inde (bassin indo-gangétique et nord-ouest du Dekkan). Les dialectes (hindi, guzrati, marathe, cachemiri, romanès, etc...) de ces groupes parlés sont les rameaux du sanscrit lui-même rameau d'une langue mère dont on peine a retrouvé la trace.
Exemple d'équivalence avec les chiffres 1- 2 - 3 - 4 - 5 :
Tzigane roumain --= ék (1)------ dui (2)----- trin (3) ---- chtar (4) ------ panch (5)
Tzigane grec -------= yek (1)----- dui (2)----- trin (3) ---- (i) star (4) --- panch' (5)
Tzigane arménien-= yaku (1)--- dui (2)----- t'rin (3) ---- ch'tar (4) ---- bench' (5)
Tzigane syrien-----= yoka (1)--- di (2)6 ----- taran (3) --- star (4) ------ punj (5)
Hindi-----------------= ek (1)------ do (2) ----- tin (3) ------ car (4) ------- panch (5)
Exemple d'équivalence mots romani(ou tzigane) et hindi + traduction en français:
romani -= yakh --- yag --- kalo --- ker ----- khil ------ kin ------- amaro
hindi ---= akh ----- ag ---- kala ---- kar ---- ghi -------- kin ------- amara
français = oeil ---- feu --- noir ---- faire --- beurre --- acheter -- notre
Exemple de construction de phrase :
romani -= dja, dik kon tchalavelo o vurdo;
hindi ---= dja, dik kon tchalaya dvar ko;
français = va voir qui frappe à la porte.
Conjugaisons et déclinaisons en romani sont calquée sur le modèle hindi.
Exemple : la marque du féminin par la désinence i:
romani -= kali
hindi ---= kali
français = noire
Outre le HANDI, la seconde langue très contributive du romani est le GREC MEDIEVAL. La plupart des mots qui ont cette origine ont même sens et même écriture. Il est probable que c'est en Asie Mineure que les Tszigane ont recueilli ce vocabulaire auprès des Grecs qui l'habitaient, plutôt que dans la Péninsule elle-même.
Le romani comporte aussi des termes
- ARMENIENs ----(grast = cheval; bov = poêle; kotor = morceau; ...)
- OSSèTEs ----------(vurdon = chariot, roulotte; ...)
- UKRAINIENs —(kurve = putain)
- ROUMAINs, HONGROIS, RUSSEs, SALVONs, ALLEMANDs, SERBEs, POLONAIS,etc...
Le repérage de ces emprunts permet parfois de reconstituer les routes de migration. Ainsi la langue des Tszigane de Finlande contient des mots suédois mais pas de russes: ils auraient donc atteint ce pays par l'ouest. Cependant les repères linguistiques s'embrouillent avec le dialecte des Tziganes du nord de la Russie qui possède des éléments grecs, roumains, serbes, hongrois, allemands et polonais.
Il y a lieu de remarquer la constance de certains apports. Ainsi dans le dialecte des Tziganes du pays de Galles (le plus éloigné de la "patrie" des Tziganes), on retrouve les mêmes termes grecs, iraniens, arméniens...
B) Sur la base de ce romani que pratiquement aucun Tzigane ne parle plus de façon pure, viennent se greffer de nombreux idiomes. Leur amplitude de variation dépend des groupes, et elle peut s'observer lors du pèlerinage annuel aux Saintes-Marie-de-la-Mer, à l'écoute attentive des prononciations. Ainsi la phrase "latchi rat' (= bonsoir, bonne nuit) apprise de Tziganes dits "hongrois" est incompréhensible à leurs voisins! Malgré la bonne volonté de mon auditoire, impossible de deviner si je devais dire latcho ghès ou latcho divès pour leur souhaiter le bonjour!
Difficile aussi d'évaluer le nombre de dialectes. Les principaux sont le tzigane arménien (parlé en Transcaucasie), les dialectes de Bulgarie, de Serbie, de Tchécoslovaquie, le tzigane roumain, le tzigane finlandais, le tzigane allemand, le tzigane du pays de Galles, les dialectes gypsies, le gitan catalan et le gitan andalou.
Le YENISCH n'appartient pas au groupe romani (les Yenisches ne sont pas considérés comme Tzigane), c'est un dérivé du rotwelsch allemand, très influencé par le yiddish (alors que les Yenisches ne sont pas juifs). Ainsi les dialectes tziganes d'Allemagne comportent des mots hébreux.
Le CALO (mot dans lequel on retrouve la racine "kala" = noir), dont la particularité est de ne recéler aucun terme allemand, est un dialecte original forgé par les Gitans espagnols qui se souviennent aussi du romani. On y trouve plus de 2000 vocables arabes ou dérivant de l'arabe; le passage par l'Afrique du Nord est ainsi confirmé.
Le CALAO est un dérivé du calo des Gitans espagnols mais contenant beaucoup de termes portugais.
Si les dialectes tziganes ont abondamment adopté les vocabulaires des pays traversés, ils ont aussi participé à l'enrichissement des langues de l'Europe.
Ainsi le "calo" a laissé de nombreuses traces dans l'ESPAGNOL populaire:
gacho (= amant) [ son féminin gachi = maîtresse, fille], gili (= imbécile), sandunga (= grâce, charme), chunga (= ironie), najarse (= s'en aller - du tzigane "natchav"), cate (= gifle), mangante (= mendiant, vagabond), camelar (= faire la cour), canguelo (= peur), ful (= faux), fulero (= tricheur), archarar (= troubler, susciter de la jalousie), terne (= brave), etc...
L'ANGLAIS a hérité de termes divers comme pal (= copain - de phral = frère), cosb (= bâton - de krash); et l'on sait que Caliban, le héros fantastique de Shakespeare, est le nom tzigane de la noirceur : kaliben.
L'ALLEMAND en a bénéficié [l'auteur du livre précise recevoir, au moment de l'impression un ouvrage qui évoque cet apport et qu'il regrette de ne pouvoir modifier son texte en conséquence.]
Le FRANÇAIS en a bénéficié particulièrement au XIXe siècle. Si certains vocables d'origine romani, qui faisaient partie du vocabulaire argotique de l'époque balzacienne ont disparu aujourd'hui, d'autres sont toujours employés sans que l'on soupçonne leur origine "bohémienne":
- le mot "bath" dans l'expression "c'est bath" vient du pur romani (bakht = chance);
- on porte un toast en disant : bakht tu ké! (la chance sur toi);
- baraka (origine arabe, chargée jadis aux Indes d'un sens plus subtil : abandon dévot, quasi amoureux, à la divinité suprême, la bhakti [selon Louis Renou].
- selon le philosophe Esnault, de 20 à 30 mots du parler populaire viennent du romani, comme par exemple : berge (= année) de bers, surin (= couteau) de tchuri, rupin (= riche) de rup, argent (= la roupie indienne), ouste ( dans " allez, ouste!") de uste (= lève-toi), costaud (= fort) de kusto.
- l'argot connaît encore : chouraver (= voler) de tchurav, lové (= argent) de lové, michet et micheton ( = client d'une prostituée et victime d'un mauvais coup) de mishto (bon), natchaver (= s'enfuir) de natchav (peut-être de l'expression : mettre les adjas), choucard (= beau) de shuchar, trac (= peur) de trach, tchao! (= adieu - ciao en italien) de tcheav = aller.
- la désinence habituelle des verbes tziganes, en "av", qu'on retrouve dans "natchaver" et "chouraver" a fait école puisqu'on trouve en argot la "mengave" ( = mendicité).
- les utilisateurs de l'argot qui ont eu des contacts avec les tziganes ont adopté des termes connus comme gail (= cheval), zoumine (= soupe), verdine (= roulotte de forain).
*******************
II ----- De l'autre ouvrage ("Les tzigane", éternels voyageurs - par Bart McDowell publié par les éditions Flammarion en 1979 sur un copyrigh du National Geographic Society de 1970) j'extraie ceci (en regardant une carte des migrations vers l'ouest) :
- Partis du nord-ouest de l'Inde, il y a près de mille ans, les Tsizganes se sont ouverts une route à travers l'Asie et l'Europe, faisant naître sur leur passage légendes et contes romantiques.
- Kaboul (Afghanistan), Mashhad et Tabriz (Iran - ex Perse) d'où la route de divise entre d'un côté ceux qui allèrent vers le Liban, Israél et l'Egypte, et de l'autre côté ceux qui atteignirent la Turquie en passant par la Chaine du Taurus en Turquie pour finalement atteindre Istambul (ancienne Byzance) et delà, la route à nouveau se divise entre ceux qui atteignirent le Mont Athos vers 1100 puis la Crète vers 1322, ceux qui atteignirent la Yougoslavie vers 1348, et ceux qui à partir de 1370 atteignirent la Valachie, la Transylvanie vers 1416 et l'Urss vers 1501.
- De la Valachie partent des peuples qui atteignent la Hongrie et la Tchécoslovaquie vers 1415 et la Pologne vers 1428. Une autre branche de cette route conduit certains l'Allemagne, le Danemark puis d'un côté une arrivée à partir de 1512 en Suède, et de l'autre côté, une arrivée en Ecosse vers 1508. D'Allemagne atteinte vers 1416, certains atteignent la Belgique en 1420 puis L'Angleterre. De Tchécoslovaquie, d'autres arrivent en Suisse vers 1414 et finalement en France, à Macôn en 1419. Un groupe remonte vers Paris pour l'atteindre vers 1427, un autre descend vers Barcelone qu'il atteint vers 1425.
************
III -----Et je conclurai en citant un peu de poésie tzigane d'Europe centrale (extraie du 1er livre) :
Na janav ko dad m'ro has, -------------= Je n'ai jamais connu mon père,
niko mallen mange hs; -----------------= et je manque d'amis;
Miro gule dai merdyas, ----------------= ma mère est morte depuis longtemps
Pirani gule dai pregelyas; -------------= et mon aimée partie fâchée;
Uva tu, oh hegedive, -------------------= toi seul, ô mon violon,
Tut sal minding pash mange.---------= m'accompagne dans le monde.
The m're vodyi man dukhal, ---------= Que mon coeur crève de douleur,
Posici cuces tu sal, ---------------------= je n'entends pas d'argent dans ma poche,
Papele ma bashavav, ------------------= je joue une chanson sur mon violon,
Paletunes pashlyovav.-----------------= et je fais taire la faim et la douleur.
M'ra shatrako hin duy malla --------= Mon violon a deux copains
Mange pera, vodyi cavlya; -----------= Qui me mangent la moelle,
Kamaviben te piben ------------------= Amour et Soif ils s'appellent
Taysa hin pash bashapen...-----------= et m'accompagnent, moi musicien....
*******************
IV ------ iubito a dit avoir trouvé près de 100 mots romanis, ajoutés à ceux que je peux donner ici, il y a matière à faire un petit dictionnaire Freelang à télécharger! Et comme cela serait bien de voir cette langue - si multiforme - s'inscrire ainsi parmi les autres! Alors, iubito, avant le Gaga stéphanois et dès que possible pour vous, merci de faire le nécessaire - c'est une nécessité d'actualité!
Et que le débat s'ouvre! D'autres peuvent apporter leur pierre à l'édifice, leurs points de vue ou leurs connaissances sont bien venues. Merci.
L'évocation des Roms, il y a peu, suite à une question d'Estrella et une réponse de iubito, m'a fait me souvenir que j'avais deux livres anciens relatifs aux Tziganes. Evoquer ce thème riche en images est aussi un moyen d'atténuer notre"honte" (comme l'a écrit iubito) de voir nos gouvernants actuels institutionnaliser la chasse aux Rom, même si n'est pas clair à l'esprit de beaucoup (dont le mien) leurs moyens d'existence quand l'on voit par exemple (comme il y a peu, près de "chez moi") cette multitude de caravanes avec toutes une paraboles de télévision sur le toit et de puissantes voitures auxquelles elles sont attelées : semble bien fini le temps des roulottes, et l'on s'y perd en conjecture.... Un peu de clarté à ce sujet serait bien venu, cependant que ce "mystère" sur les sources de revenus ne doit pas dominer ou gommer l'analyse des langues qu'ils parlent et l'examen de leur migration à travers le temps.
I --- Donc d'un livre publié en 1961 ("les Tziganes" par JP Clébert, éditions Artaud) j'extraie en synthétisant ce qui suit :
A) La langue tzigane proprement dite, ou tzigane de base, est le "roumani" (ou "romanès"; de "rom" = homme).
Cette langue est pour partie d'origine indienne, plus particulièrement HINDI. Sa grammaire et plus de la moitié de son vocabulaire fondamental se rattachent aux groupes parlés encore aujourd'hui dans le nord de l'Inde (bassin indo-gangétique et nord-ouest du Dekkan). Les dialectes (hindi, guzrati, marathe, cachemiri, romanès, etc...) de ces groupes parlés sont les rameaux du sanscrit lui-même rameau d'une langue mère dont on peine a retrouvé la trace.
Exemple d'équivalence avec les chiffres 1- 2 - 3 - 4 - 5 :
Tzigane roumain --= ék (1)------ dui (2)----- trin (3) ---- chtar (4) ------ panch (5)
Tzigane grec -------= yek (1)----- dui (2)----- trin (3) ---- (i) star (4) --- panch' (5)
Tzigane arménien-= yaku (1)--- dui (2)----- t'rin (3) ---- ch'tar (4) ---- bench' (5)
Tzigane syrien-----= yoka (1)--- di (2)6 ----- taran (3) --- star (4) ------ punj (5)
Hindi-----------------= ek (1)------ do (2) ----- tin (3) ------ car (4) ------- panch (5)
Exemple d'équivalence mots romani(ou tzigane) et hindi + traduction en français:
romani -= yakh --- yag --- kalo --- ker ----- khil ------ kin ------- amaro
hindi ---= akh ----- ag ---- kala ---- kar ---- ghi -------- kin ------- amara
français = oeil ---- feu --- noir ---- faire --- beurre --- acheter -- notre
Exemple de construction de phrase :
romani -= dja, dik kon tchalavelo o vurdo;
hindi ---= dja, dik kon tchalaya dvar ko;
français = va voir qui frappe à la porte.
Conjugaisons et déclinaisons en romani sont calquée sur le modèle hindi.
Exemple : la marque du féminin par la désinence i:
romani -= kali
hindi ---= kali
français = noire
Outre le HANDI, la seconde langue très contributive du romani est le GREC MEDIEVAL. La plupart des mots qui ont cette origine ont même sens et même écriture. Il est probable que c'est en Asie Mineure que les Tszigane ont recueilli ce vocabulaire auprès des Grecs qui l'habitaient, plutôt que dans la Péninsule elle-même.
Le romani comporte aussi des termes
- ARMENIENs ----(grast = cheval; bov = poêle; kotor = morceau; ...)
- OSSèTEs ----------(vurdon = chariot, roulotte; ...)
- UKRAINIENs —(kurve = putain)
- ROUMAINs, HONGROIS, RUSSEs, SALVONs, ALLEMANDs, SERBEs, POLONAIS,etc...
Le repérage de ces emprunts permet parfois de reconstituer les routes de migration. Ainsi la langue des Tszigane de Finlande contient des mots suédois mais pas de russes: ils auraient donc atteint ce pays par l'ouest. Cependant les repères linguistiques s'embrouillent avec le dialecte des Tziganes du nord de la Russie qui possède des éléments grecs, roumains, serbes, hongrois, allemands et polonais.
Il y a lieu de remarquer la constance de certains apports. Ainsi dans le dialecte des Tziganes du pays de Galles (le plus éloigné de la "patrie" des Tziganes), on retrouve les mêmes termes grecs, iraniens, arméniens...
B) Sur la base de ce romani que pratiquement aucun Tzigane ne parle plus de façon pure, viennent se greffer de nombreux idiomes. Leur amplitude de variation dépend des groupes, et elle peut s'observer lors du pèlerinage annuel aux Saintes-Marie-de-la-Mer, à l'écoute attentive des prononciations. Ainsi la phrase "latchi rat' (= bonsoir, bonne nuit) apprise de Tziganes dits "hongrois" est incompréhensible à leurs voisins! Malgré la bonne volonté de mon auditoire, impossible de deviner si je devais dire latcho ghès ou latcho divès pour leur souhaiter le bonjour!
Difficile aussi d'évaluer le nombre de dialectes. Les principaux sont le tzigane arménien (parlé en Transcaucasie), les dialectes de Bulgarie, de Serbie, de Tchécoslovaquie, le tzigane roumain, le tzigane finlandais, le tzigane allemand, le tzigane du pays de Galles, les dialectes gypsies, le gitan catalan et le gitan andalou.
Le YENISCH n'appartient pas au groupe romani (les Yenisches ne sont pas considérés comme Tzigane), c'est un dérivé du rotwelsch allemand, très influencé par le yiddish (alors que les Yenisches ne sont pas juifs). Ainsi les dialectes tziganes d'Allemagne comportent des mots hébreux.
Le CALO (mot dans lequel on retrouve la racine "kala" = noir), dont la particularité est de ne recéler aucun terme allemand, est un dialecte original forgé par les Gitans espagnols qui se souviennent aussi du romani. On y trouve plus de 2000 vocables arabes ou dérivant de l'arabe; le passage par l'Afrique du Nord est ainsi confirmé.
Le CALAO est un dérivé du calo des Gitans espagnols mais contenant beaucoup de termes portugais.
Si les dialectes tziganes ont abondamment adopté les vocabulaires des pays traversés, ils ont aussi participé à l'enrichissement des langues de l'Europe.
Ainsi le "calo" a laissé de nombreuses traces dans l'ESPAGNOL populaire:
gacho (= amant) [ son féminin gachi = maîtresse, fille], gili (= imbécile), sandunga (= grâce, charme), chunga (= ironie), najarse (= s'en aller - du tzigane "natchav"), cate (= gifle), mangante (= mendiant, vagabond), camelar (= faire la cour), canguelo (= peur), ful (= faux), fulero (= tricheur), archarar (= troubler, susciter de la jalousie), terne (= brave), etc...
L'ANGLAIS a hérité de termes divers comme pal (= copain - de phral = frère), cosb (= bâton - de krash); et l'on sait que Caliban, le héros fantastique de Shakespeare, est le nom tzigane de la noirceur : kaliben.
L'ALLEMAND en a bénéficié [l'auteur du livre précise recevoir, au moment de l'impression un ouvrage qui évoque cet apport et qu'il regrette de ne pouvoir modifier son texte en conséquence.]
Le FRANÇAIS en a bénéficié particulièrement au XIXe siècle. Si certains vocables d'origine romani, qui faisaient partie du vocabulaire argotique de l'époque balzacienne ont disparu aujourd'hui, d'autres sont toujours employés sans que l'on soupçonne leur origine "bohémienne":
- le mot "bath" dans l'expression "c'est bath" vient du pur romani (bakht = chance);
- on porte un toast en disant : bakht tu ké! (la chance sur toi);
- baraka (origine arabe, chargée jadis aux Indes d'un sens plus subtil : abandon dévot, quasi amoureux, à la divinité suprême, la bhakti [selon Louis Renou].
- selon le philosophe Esnault, de 20 à 30 mots du parler populaire viennent du romani, comme par exemple : berge (= année) de bers, surin (= couteau) de tchuri, rupin (= riche) de rup, argent (= la roupie indienne), ouste ( dans " allez, ouste!") de uste (= lève-toi), costaud (= fort) de kusto.
- l'argot connaît encore : chouraver (= voler) de tchurav, lové (= argent) de lové, michet et micheton ( = client d'une prostituée et victime d'un mauvais coup) de mishto (bon), natchaver (= s'enfuir) de natchav (peut-être de l'expression : mettre les adjas), choucard (= beau) de shuchar, trac (= peur) de trach, tchao! (= adieu - ciao en italien) de tcheav = aller.
- la désinence habituelle des verbes tziganes, en "av", qu'on retrouve dans "natchaver" et "chouraver" a fait école puisqu'on trouve en argot la "mengave" ( = mendicité).
- les utilisateurs de l'argot qui ont eu des contacts avec les tziganes ont adopté des termes connus comme gail (= cheval), zoumine (= soupe), verdine (= roulotte de forain).
*******************
II ----- De l'autre ouvrage ("Les tzigane", éternels voyageurs - par Bart McDowell publié par les éditions Flammarion en 1979 sur un copyrigh du National Geographic Society de 1970) j'extraie ceci (en regardant une carte des migrations vers l'ouest) :
- Partis du nord-ouest de l'Inde, il y a près de mille ans, les Tsizganes se sont ouverts une route à travers l'Asie et l'Europe, faisant naître sur leur passage légendes et contes romantiques.
- Kaboul (Afghanistan), Mashhad et Tabriz (Iran - ex Perse) d'où la route de divise entre d'un côté ceux qui allèrent vers le Liban, Israél et l'Egypte, et de l'autre côté ceux qui atteignirent la Turquie en passant par la Chaine du Taurus en Turquie pour finalement atteindre Istambul (ancienne Byzance) et delà, la route à nouveau se divise entre ceux qui atteignirent le Mont Athos vers 1100 puis la Crète vers 1322, ceux qui atteignirent la Yougoslavie vers 1348, et ceux qui à partir de 1370 atteignirent la Valachie, la Transylvanie vers 1416 et l'Urss vers 1501.
- De la Valachie partent des peuples qui atteignent la Hongrie et la Tchécoslovaquie vers 1415 et la Pologne vers 1428. Une autre branche de cette route conduit certains l'Allemagne, le Danemark puis d'un côté une arrivée à partir de 1512 en Suède, et de l'autre côté, une arrivée en Ecosse vers 1508. D'Allemagne atteinte vers 1416, certains atteignent la Belgique en 1420 puis L'Angleterre. De Tchécoslovaquie, d'autres arrivent en Suisse vers 1414 et finalement en France, à Macôn en 1419. Un groupe remonte vers Paris pour l'atteindre vers 1427, un autre descend vers Barcelone qu'il atteint vers 1425.
************
III -----Et je conclurai en citant un peu de poésie tzigane d'Europe centrale (extraie du 1er livre) :
Na janav ko dad m'ro has, -------------= Je n'ai jamais connu mon père,
niko mallen mange hs; -----------------= et je manque d'amis;
Miro gule dai merdyas, ----------------= ma mère est morte depuis longtemps
Pirani gule dai pregelyas; -------------= et mon aimée partie fâchée;
Uva tu, oh hegedive, -------------------= toi seul, ô mon violon,
Tut sal minding pash mange.---------= m'accompagne dans le monde.
The m're vodyi man dukhal, ---------= Que mon coeur crève de douleur,
Posici cuces tu sal, ---------------------= je n'entends pas d'argent dans ma poche,
Papele ma bashavav, ------------------= je joue une chanson sur mon violon,
Paletunes pashlyovav.-----------------= et je fais taire la faim et la douleur.
M'ra shatrako hin duy malla --------= Mon violon a deux copains
Mange pera, vodyi cavlya; -----------= Qui me mangent la moelle,
Kamaviben te piben ------------------= Amour et Soif ils s'appellent
Taysa hin pash bashapen...-----------= et m'accompagnent, moi musicien....
*******************
IV ------ iubito a dit avoir trouvé près de 100 mots romanis, ajoutés à ceux que je peux donner ici, il y a matière à faire un petit dictionnaire Freelang à télécharger! Et comme cela serait bien de voir cette langue - si multiforme - s'inscrire ainsi parmi les autres! Alors, iubito, avant le Gaga stéphanois et dès que possible pour vous, merci de faire le nécessaire - c'est une nécessité d'actualité!
Et que le débat s'ouvre! D'autres peuvent apporter leur pierre à l'édifice, leurs points de vue ou leurs connaissances sont bien venues. Merci.