éducation bilingue (ou plus) des enfants

Venez tous :o) ... blabla, coup de gueule, délire... Faut que ça bouge!!
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ann
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Post by ann »

Ce qui est encore plus rigolo c'est quand les enfants apprennent une de leurs langues seulement à une seule source. Pour le français ce n'est plus le cas des miens puisque la grande va maintenant à l'école française et qu'il y a le contact des livres et des films en français mais pendant un an ou deux il n'y avait que moi et mes parents qui leur parlaient en français alors souvent je les ai entendu parler exactement comme moi ou comme ma mère, et ça me faisait rire... Un enfant de 2 ans qui dit "purée!" correspondant de "la vache!" en pataouète (français des pieds noirs) ça fait drole (c'est ma maman, ils parlent aussi des souliers comme elle), ou mon fils à 2 ans et demi qui me dit "tu sais maman, moi j'en ai marre du pot" quand il a décidé de passer au cabinet des grands..
ou ma fille cet été qui dit à un vendeur de chaussure "celles-ci ne sont pas très élégantes" enfin ils parlent encore de toute façon comme des livres, ou dans un français recherché qui est étrange pour leur age, ils utilisent toujours le "ne" dans les "négations" "je ne veux pas cela (et le cela, pas le ça...)
Ils ne disent jamais truc ou machin, ni comme je le disais avant "bobo", "cucu" (ils disent les fesses), ...
Et c'est rigolo parce que les gens qui les entendent en France ne savent pas trop analyser cela alors ils disent juste "comme vos enfants parlent bien"...
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Rónán
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Post by Rónán »

Pour ce qui est de la syntaxe, pas de problème... c'est ma spécialité.
Parce que rate et bitume, d'accord, t'en auras pas besoin tout de suite, mais moquette et croquette... C'est quand même des trucs de la vie courante (sauf si t'as que du carrelage et pas de chien ni de chat...).


pr les apprendre, il suffit d'ouvrir un dico. Tiens: moquette: cairpéad ( _ emprunt à l'anglais; pas de différence entre tapis et moquette, dommage - qd on dit que l'anglais est une langue précise... c pas tjrs le cas).
Croquette: je trouve pas. Le Robert et Collins donne dry dogfood (super précision), et mes dicos irlandais ne donnent rien. Vais demander sur une liste de diffusion.
Les proverbes, je trouve ça hyper important aussi. Ca fait partie des choses qui caractérisent une connaissance de la langue pour un bilingue (enfin, toujours selon ma vision du bilinguisme...)
J'en connais assez peu justement en irlandais. En français j'en connais bcp mais moi-mm je les utilise pas. G l'impression que ca se perd, car peu de jeunes en utilisent il me semble.


Rónán
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svernoux
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Post by svernoux »

Rónán wrote: pr les apprendre, il suffit d'ouvrir un dico.
Oui mais justement, le but c'est de leur apprendre la langue en immersion, de façon naturelle, non ? Quand ton gosse va arriver avec les doigts plein de nutella ou de confiture, tu vas lui dire "attention, n'en mets pas sur le... la... euh, ben attends je vais chercher mon dico !"
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ann
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Post by ann »

Mes gamins connaissent bien le dico... Ces deux petits garnements ne veulent pas que je leur lise leurs livres italiens en italien alors je dois traduire pour eux... Mais bon il y a souvent des noms d'oiseaux de plantes d'animaux que je ne connais pas alors je les arrete cinq minutes et on va chercher dans le dico... Il est vrai que je pourrais dire "un oiseau" ou "un truc" comme font la plupart des Français mais je n'aime pas ça...
Tout ça pour dire que beaucoup de Français de ma connaissance ont beaucoup de blancs quand ils s'adressent à leurs enfants ou simplement la flemme de NOMMER les choses par leur NOM, et j'ai remarqué que beaucoup de gamins utilisent truc et machin à gogo comme eux, on entend les parents "tu peux me passer le truc blanc sur la télé" alors qu'ils savent très bien qu'il s'agit d'une télécommande... C'est peut-etre moins dommageable pour les enfants que leurs parents aillent chercher les mots exacts dans les dictionnaires, ou bien c'est tout aussi dommageable si leurs parents non par flemme mais par un manque de connaissance leur disent "truc" dans la langue qu'ils leur parlent...
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svernoux
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Post by svernoux »

Oui, mais bon, que tu ailles chercher "ornithorynque" dans le dico, je le conçois, mais à mes yeux, un mot comme "moquette" ou "télécommande", on n'a pas à aller le chercher dans le dico, c'est du vocabulaire de base...
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ann
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Post by ann »

:confused: ça m'arrive... Quand tu passes d'une langue à l'autre, nos freelangiens traducteurs seront surement tous d'accord avec moi, il arrive qu'un grand trou se forme dans ta tete pour un mot que tu utilises normalement tous les jours et là tu es mal, très mal et tu prends le dico en te faisant l'impression d'un imbécile et tu dis ah oui cet objet que j'utilise tous les jours c'est la télécommande!
Trève de plaisanterie, effectivement si tu écoutes les gens autour de toi tu verras qu'ils disent souvent truc pour un objet qu'ils savent très bien nommer.
Cela dit, moi aussi je pense qu'il est bon d'apprendre une langue avec un prof (ou un parent, comme je l'ai dit l'un peut remplacer l'autre à mon avis) dont c'est la langue maternelle. Mais bon la nouvelle lubie de ma fille c'est de savoir ça ça se dit comment en anglais et je ne lui réponds pas "attends de voir un anglophone pour le lui demander".... Je ne dis pas que ces questions lui permettront d'apprendre la langue anglaise (et surtout j'ai tellement peur de les embrouiller avec une langue de plus que je ne fais rien pour encourager vraiment cette curiosité) mais je ne crois pas que le fait que je ne le lui dise pas avec l'accent d'un anglophone ou que parfois je doive aller chercher ce mot dans le dico soit un handicap...
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beelemache
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Post by beelemache »

Salut! Ben je voudrais vous donner mon avis. Je viens de l'Ile Maurice, un pays ou est est tous trilingue ou plus... Enfin, disons plutot bilingue plus un dialecte et quelques fois une langue asiatique!

Notre langue officielle est l'anglais (bienque l'on soit indépendant on a garder l'anglais comme langue officielle). Mais bizarrement personne ne parle anglais dans les rues. C'est à dire les commercants etc. On parle tous francais.... Ou créole, qui est le dialecte du pays. En famille et avec les amis c'est le créole, avec ceux que l'on ne connait pas, pour la politesse, on parle francais! Dans les écoles ont nous enseigne tout en anglais (puisque c'est la langue officielle). Et enfin, puisqu'on est tous immigrés dans le pays (d'Inde, de Chine et des pays d'Orient principalement), on cotoie plusieurs langues asiatiques (Haka, Mandarin, Bojpouri, Hindi, Bengali, Urdu, Mahratti et Arabe - je ne suis pas du tout sur de l'othographe! )

Je ne sais pas comment est la vie en Suisse ou dans d'autres pays bilingues, mais je me rends compte que grandir dans un pays ou on parle naturellement plusieurs langues est un très grand avantage. Cela nous laisse le temps d'apprendre d'autres langues à l'école, dès notre plus jeune age!
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Rónán
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Post by Rónán »

Le créole mauricien n'est pas un dialecte, c'est une langue. Un dialecte est la forme régionale d'une langue. Le créole mauricien serait la forme régionale de quoi? On peut pas dire "du créole", car y a plein de sortes de créoles d'origines diverses.

Il faut oublier les complexes causés par le discours politique de l'Education nationale française: le créole mauricien est une langue au même titre que le français.


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ann
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Post by ann »

Juste un retour sur ce post délaissé parce que je suis allée ce matin au consulat français pour m'informer sur les bourses offertes aux enfants de français qui fréquentent les lycées / écoles français à l'étranger... Je crois que tout le monde n'est pas au courant que le gouvernement français aide les parents français à l'étranger pour qu'ils puissent payer des écoles qui coutent souvent cher... Bon en bref, une petite info pour les expatriés qui ont un peu peur de devoir assumer des frais qui pèsent souvent lourd sur leurs finances... Pour les petits revenus ça peut etre financé à 100%...
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svernoux
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Post by svernoux »

Merci pour l'info, ann, je savais pas.
:hello:
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scapeghost
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Post by scapeghost »

ann wrote: Tous les pédiatres préviennent les parents bilingues aujourd'hui que leurs enfants peuvent avoir du retard avec la parole (ils te disent que si l'enfant bilingue ne parle pas jusqu'à trois ans il n'y a pas à s'inquiéter).
Mon cas est différent du cas dont il est sujet sur ce topic : en faite, mes parents sont tous les deux d'origines cambodgiennes. Ils parlent tous les deux khmer ensemble et avec moi. Il me semble que ma mère avait commencé à me parler davantage en français, mais j'ai beaucoup de doute là-dessus.

Quand je suis entré en maternelle à 3 ans, selon les institeurs, je ne parlais pas du tout français. Je ne vous cache pas que cela a été un vrai catastrophe pour mes premières années de scolarité et peut-être même jusqu'en CM2. J'avais un retard de langage en maternelle, les conséquences pour mon entrée en CP ont été tellement très rudes que j'avais failli redoubler, je suis passé en CE1 de justesse. :sweat:
En CM2, l'institeur disait que je ne parlais presque pas français à cause des prononciations. :-o
Au milieu de mon adolescence, mes parents (ma mère et mon beau-père puisque mes parents sont divorcés) en faite toute la famille, même des gens venus du Cambodge, m'ont fait un forcing en ayant recours à des méthodes draconnienne du style humiliation permanente (les restes, je vous en dis pas) au moment où je réussissais très bien au collège (des Félicitations à chaque trimestre qui contraste complètement de mes débuts) et que je commençais à avoir des ambitions avec l'anglais et l'allemand. Pratiquement tous les enfants issus d'immigrations connaissent cela un jour, mais dans mon cas c'était poussé à l'extrême. J'ai même trouvais un terme pour cela : communautarisme identitaire. Moi, je refusais systématiquement de m'y mettre au khmer puisque cela a pertubé ma scolarité, et je ne voulais pas mettre en péril mon parcours scolaire à ce stade-là. Du coup j'ai fini par céder par moment, mais maintenant ça s'est calmé hormis le fait que les reproches de la part de tous les gens de la communauté, qui sont traditionnalistes et même si j'ose dire communautaristes (ça existe ce mot?), en particulier certains membres de ma famille, persistent encore. :evil:
Actuellement, je vis un véritable dilemme parce que d'un côté je me met beaucoup à distance de toute ma famille et de toute la communauté cambdgienne tout en refusant d'adopter la langue khmère et d'un autre côté, je change complètement d'avis quand je suis en contact mon père.
Malgré ce conflit perpétuel avec cette culture, je me suis dit que finalement il vaut mieux que j'apprenne la langue khmère.La raison à laquelle je veux me reconcilier avec cette langue n'est pas pour faire plaisir à qui que ce soit (sauf à mon père), mais pour moi seulement.

Vous m'excuserez de m'être par moments beaucoup écarté du sujet principal de ce topic. J'espère que cela ne vous a pas trop ennuyé.
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svernoux
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Post by svernoux »

Non, c'est TRES intéressant !!!
JE te répondrais plus tard, là je vais miamer...
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

:) Très intéressant, en effet, et je pense totalement dans le sujet, même si c'est d'une autre manière.

Scapeghost wrote: En CM2, l'institeur disait que je ne parlais presque pas français à cause des prononciations
Instituteur (faute de frappe, mais tu l'as répétée deux fois). Désolé, réflexe de prof.

C'est un sous-cas que j'ai rencontré parfois. Je me souviens - j'ai déjà dû vous en parler - de ma copine hongroise de CLAD (classe d'adaptation) au collège dont on peut dire que la grammaire et le vocabulaire français étaient parfaits, mais vraiment parfaits, mais qui avait un accent à couper à la tronçonneuse industrielle (des fois fallait lui faire écrire pour comprendre !). Et c'est pour cela qu'on la maintenait en CLAD.

J'ai l'impression rétrospectivement qu'elle avait substitué les sons du hongrois aux sons du français, en faisant une sorte d'équivalence imparfaite genre "on en français -> ö hongrois" etc. Vous voyez ce que je veux dire ?

J'ai rencontré aussi ce décalage niveau de langue / niveau de prononciation chez la copine chinoise d'un copain. Son français était plutôt fluide et correct, mais en quelque sorte inarticulé (trop de voyelles et pas assez de consonnes).

Actuellement, je vis un véritable dilemme parce que d'un côté je me met beaucoup à distance de toute ma famille et de toute la communauté cambdgienne tout en refusant d'adopter la langue khmère et d'un autre côté, je change complètement d'avis quand je suis en contact mon père.
Malgré ce conflit perpétuel avec cette culture, je me suis dit que finalement il vaut mieux que j'apprenne la langue khmère.La raison à laquelle je veux me reconcilier avec cette langue n'est pas pour faire plaisir à qui que ce soit (sauf à mon père), mais pour moi seulement.
:-? Je pense que Svernoux et beaucoup d'autres membres te diront la même chose que moi - et que beaucoup d'autres te l'ont déjà dit : il serait dommage que tu perdes ce formidable avantage que de parler la langue khmère et de connaître sa culture, parce que ta famille t'en as donné une vision amère. Lorsque je dis avantage, je veux dire avantage intellectuel, moral, "culturel", bien sûr, la beauté du savoir ; mais soyons honnête aussi : avantage strictement matériel ; moi qui arrive au terme (enfin à un terme) des mes études, j'ai vu tellement de diplômés en situation difficile, que je suis d'avis qu'il faut sauter sur tous les avantages qu'on peut posséder.

Mais je sais aussi d'expérience qu'il n'est pas aisé de mettre en balance des arguments rationnels (interêt à parler le khmer) et des sentiments personnels (une mauvaise expérience familiale).

*

Ma famille maternelle est ennuyeusement française depuis le 15e siècle, moins quelques Suisses ( :P la paternelle je sais pas vu qu'elles sont toutes mères-filles de mère en fille, mon grand-père biologique étant - pour toute identité - un aviateur normand de 1944, je ne serais qu'à moitié étonné qu'il y ait eu aussi quelque part un tirailleur sénégalais de 1914 ou un spahi algérien de 1870 ! Le prestigue de l'uniforme sur les jeunes filles...). Mais j'ai vécu mes dix-huit premières années banlieusardes entouré de maghrébins et turcs de deuxième génération (d'une certaine manière, l'immigré, c'était moi ! ;) ).

Il est toujours frappant de constater combien la question de la langue prend souvent un tour parfaitement irrationnel dans les familles d'immigrants. Tu as décris un extrême, l'autre c'est la dénégation complète de la langue et du pays originel par les parents. Un exemple vécu par ma mère parmi d'autres : un père tunisien qui refuse totalement que sa fille latiniste participe à un voyage de classe en Tunisie malgré un prix ramené très bas grâce à un fond social extraordinaire, en disant textuellement "pourquoi est-ce que je paierais pour qu'elle aille dans ce pays de merde alors qu'elle a tout ici ?".

:(
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scapeghost
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Post by scapeghost »

Svernoux wrote:Non, c'est TRES intéressant !!!
Sisyphe wrote::) Très intéressant, en effet, et je pense totalement dans le sujet, même si c'est d'une autre manière.

Content que cela ne vous a pas du tout ennuyé finalement. ;)
Sisyphe wrote: Instituteur (faute de frappe, mais tu l'as répétée deux fois). Désolé, réflexe de prof.
Cela ne me dérange pas. C'est bien de me le faire remarquer.
Actuellement, je vis un véritable dilemme parce que d'un côté je me met beaucoup à distance de toute ma famille et de toute la communauté cambdgienne tout en refusant d'adopter la langue khmère et d'un autre côté, je change complètement d'avis quand je suis en contact mon père.
Malgré ce conflit perpétuel avec cette culture, je me suis dit que finalement il vaut mieux que j'apprenne la langue khmère.La raison à laquelle je veux me reconcilier avec cette langue n'est pas pour faire plaisir à qui que ce soit (sauf à mon père), mais pour moi seulement.
Sisyphe wrote::-? Je pense que Svernoux et beaucoup d'autres membres te diront la même chose que moi - et que beaucoup d'autres te l'ont déjà dit : il serait dommage que tu perdes ce formidable avantage que de parler la langue khmère et de connaître sa culture, parce que ta famille t'en as donné une vision amère. Lorsque je dis avantage, je veux dire avantage intellectuel, moral, "culturel", bien sûr, la beauté du savoir
Ce n'est pas seulement ma famille, mais aussi la communauté qui m'ont donné cette vision. Je m'attendais bien à avoir ce type de réponse. Il est vrai qu'avec cela, je peux saisir un avantage faramineux aussi bien d'un point social que culturel.
J'ai un ami qui m'a dit que moi-même je pourrais changer l'image de la communauté. Je serai peut-être un peu trop égoïste, mais moi qui n'aimerais pas porté tous les défauts des Khmers sur le dos, ma prise de distance m'a jusqu'ici beaucoup convenu.
Sisyphe wrote:mais soyons honnête aussi : avantage strictement matériel ; moi qui arrive au terme (enfin à un terme) des mes études, j'ai vu tellement de diplômés en situation difficile, que je suis d'avis qu'il faut sauter sur tous les avantages qu'on peut posséder.
Ca tombe un peu mal, puisque je juge ma famille trop matérialiste (comme la plupart des Asiatiques sans pour autant généraliser). Bien sûr, le khmer pourrait me servir de boué de sauvetage en plus de l'anglais, de l'allemand et du suédois. :P
Sisyphe wrote:Ma famille maternelle est ennuyeusement française depuis le 15e siècle, moins quelques Suisses ( :P la paternelle je sais pas vu qu'elles sont toutes mères-filles de mère en fille, mon grand-père biologique étant - pour toute identité - un aviateur normand de 1944, je ne serais qu'à moitié étonné qu'il y ait eu aussi quelque part un tirailleur sénégalais de 1914 ou un spahi algérien de 1870 ! Le prestigue de l'uniforme sur les jeunes filles...). Mais j'ai vécu mes dix-huit premières années banlieusardes entouré de maghrébins et turcs de deuxième génération (d'une certaine manière, l'immigré, c'était moi ! ;) ).
Je dois avouer que j'ai une chance inouïe par rapport à beaucoup de gens : non seulement mes parents sont d'origine khmère mais j'ai du sang chinois et probablement laotien et indien du côté de ma mère et vietnamien du côté de mon père ; vous me direz sûrement que c'est une aubaine ; je continue encore à faire des recherche généalogique. Si je n'avais pas su tout cela, je n'aurais jamais été là pour vous le raconter. [tout va mieux maintenant]
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Post by svernoux »

scapeghost, y'a un passage que j'ai pas bien saisi dans ton histoire : au moment de l'adolescence, tu dis que ton entourage a fait du forcing, mais du forcing pour que tu apprennes le khmer ? Parce que tout de suite, j'avais compris le contraire : qu'ils ne t'avaient appris que le khmer petit, puis que plus tard ils avaient fait du forcing sur le français pour que tu réussisses à l'école... Mais ça colle aps trop avec la fin de l'histoire, alors je suis un peu paumée...
Et deuxièmement, j'ai pas saisi où en était ton niveau de khmer : parce que c'est quand même une langue qu'on t'a apprise, de force manifestement, mais tu dis que tu veux/ne veux pas l'apprendre, donc je cherche à comprendre : tu l'as apprise puis oubliée complètement ? Tu l'as apprise mais avec des lacunes ? Et actuellement, tu ne parles pas khmer avec tes parents ?

Ton cas me fait penser à une fille qui était stagiaire avant moi dans la boîte où je travaille : elle était laotienne, née en France je crois, mais à la maison ils ne parlaient que lao. Probablement parce que sa famille ne parlait pas trop bien français. Donc, elle parlait lao couramment, mais elle ne l'écrivait pas, et bien qu'elle ne semblât pas traumatisée comme toi, elle semblait n'avoir aucune envie d'utiliser sérieusement son lao, c'est-à-dire qu'elle ne comptait ni apprendre à la lire et à l'écrire, ni l'utiliser un jour dans son métier de traductrice.

Personnellement, je trouve ça dommage, Sisyphe a bien apréhendé ma réaction. Ce n'est pas qu'une question d'avantage professionnel, mais aussi de richesse personnelle. Avoir deux langues (et donc deux cultures), et ce, dès le départ dans la vie sans avoir rien à faire, je trouve ça formidable, notamment en termes d'ouverture d'esprit, etc. Personnellement, j'ai du mal à comprendre comment des parents ayant la possibilité de faire ce cadeau à leurs enfants peuvent refuser de les éduquer dans deux langues. Bien sûr, c'est mon avis personnel et il n'engage que moi.

Et je comprends aussi parfaitement que dans ton cas, il y a tout un contexte psychologique et affectif qui n'est pas facile. Mais je pense quand même que tu devrais profiter de cette chance que tu as. Et puis, en te remettant au khmer, ça te permettrait peut-être d'affronter ces problème de face, ce qui n'est pas facile mais te permettrait peut-être de les résoudre. Parce que (j'emets là des hypothèses, hein !) je pense que refuser de parler khmer, c'est un peu fuir des problèmes, vouloir les enterrer, ne pas les regarder en face, mais un jour où l'autre, ils te rattraperont... Alors il vaut mieux prendre les devant.
Peut-être un jour, quand tu auras plein d'expérience de la vie, quand tes parents décèderont (c'est certainement encore loin à ton âge, mais ça arrivera de toute façon), ce jour-là tu te diras peut-être "merde alors, je suis passé à côté de quelque chose, et maintenant c'est irréversible".

Je dis ça parce que le même genre de réflexions m'arrive souvent, sur des thèmes qui me touchent quand même moins que pour toi la langue khmère, mais c'est souvent que je me dis, ah si j'avais su, j'aurais posé plus de questions à mes grands-parents avant qu'ils meurent, sur leur vie, la gueree, tout ça..; Et puis à mes voisins arméniens, qui sotn décédés aussi : on les a toujours connus, on ne leur a jamais posé de question. et puis maintenant ils sont décédés et je me dis : ça les aurait peut-être intéressé de raconter leur vie, leur exode, etc. et moi ça m'aurait intéressé d'écouter, et puis maintenant, c'est trop tard.

Bon, je sais, je prend des exemple un peu tristes et j'extrapole un peu, mais je pense que les humains en général recèlent d'immense richesses en termes de témoignage culturel et historique (et j'inclus là-dedans la langue) et qu'on exploite pas assez ces richesses. On a souvent à côté de nous des gens qui ont plein de choses à nous apprendre et on ose pas/on a peur/on n'a pas le temps d'en profiter. C'est valable pour tout le monde, y compris les Français, mais des Français t'en as pléthore autour de toi, alors que des Cambodgiens, à fortiori des Camobodgiens avec qui tu as une relation privilégiée, avec qui tu peux parler à coeur ouvert, t'en trouveras pas à tous les coins de rue.

Bon, j'espère que j'aurai pu te convaincre ou te faire avancer dans ta réflexion, et j'espère surtout que je n'aurai rien dit qui puisse te froisser, dans mon ignorance de ta situation particulière.
Pour ne pas faire de la morale dans le vide, je vais te raconter un peu ma vie : moi je suis d'une famille franco-franchouillarde, comme Sisyphe, mais mon mari est Ukrainien, bilingue russe et ukrainien. Et bien le jour où je lui ai dit "ah c'est cool, on apprendra le russe, le français et l'ukrainien à nos enfant", il m'a dit : l'ukrainien, pas question. Il a comme toi un rejet d'une langue (l'ukrainien), quoique pas du tout pour les mêmes raisons. Alors pour les enfants, je ne sais pas ce qu'il en sera, mais quant à moi, j'ai décidé de me mettre à l'ukrainien, parce que je trouverais dommage de laisser filer une occasion d'apprendre une langue pareille avec des profs à domicile, alors qu'il y en a qui suent à chercher des cours, des bouquins, etc. Mes beaux-parents, ma belle mère notamment, sont une mine de proverbes et de dictons populaires ukrainien, et je compte bien essayer de consigner leur savoir un jour ou l'autre, pour ne pas que ça se perde.
Sonka - Сонька
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