
Je ne vous oublie pas, j'étais occupé.
it's philo d'abord merci à tous ceux qui m'ont répondu la dernière fois... Actuellement j'ai repris la lecture de G.Steiner avec un réel plaisir, voilà quelqu'un d'exigeant face à ses lecteurs il nous porte allégrement vers le haut (ça j'aime bien)
Das Ewig-Weibliche zieht uns hinan (Goethe,
Faust)... L'éternel féminin toujours plus haut nous attire.
Dans le cahier de l'Herne qui lui est consacré (2003) il est utilisé à la p.334
la formule "ce que les logiciens et les grammairiens appelleraient un optatif contre-factuel, une catégorie de sens qui ne doit jamais être réalisée"
L'optatif est un mode personnel présent dans certaines langues, notamment le grec ancien et le sanscrit, à côté du subjonctif. Employé seul, il exprime le souhait (d'où son nom) alors que le subjonctif exprime l'ordre. Mais surtout, il est employé dans les systèmes hypothétiques (si P alors Q) avec une nuance spéciale.
Le grec distingue en effet trois nuances :
1. L'iréel (indicatif passé) : si j'étais riche, je m'achèterais une maison (mais je ne le suis pas, P est est supposé ne pas s'être produit et n'aurait pas pu se produire).
2. L'éventuel (subjonctif) : si je ne paie pas mes impôts, j'aurai une surtaxe de 10% (peu importe que P soit ou non, on s'intéresse uniquement au lien d'efficience entre P et Q, chaque fois que P est ou sera, alors Q se produira).
3. Le potentiel (optatif) : si tu viens/étais venu, je serais/j'aurais été content (P est ou était possible, et donc Q l'était tout autant).
Cette distinction était très claire pour les Grecs mais ne l'est pas du tout pour nous, et c'est une des plus monstrueuses difficultés du grec, qui en a d'autres, que de savoir les traduire (dans les deux sens).
"contrefactuel" est un mot introduit je crois pas le linguiste Guillaume, dans le cadre de ses théories très complexes sur la chronogénèse (cad la manière dont le locuteur se représente les faits sur une échelle logico-temporelle au moment de les énoncer -

j'espère ne pas dire de bêtises parce que je n'ai pas mes livres en ce moment alors c'est de mémoire). Dans un sens large, est "contrefactuel" ce qui s'oppose à la réalité. Mais au sens propre et dans l'usage guillaumien (notamment dans ses théories sur le subjonctif, est "contrefactuel" ce qui n'a pas été mais qui aurait pu être...
... Ce qui se rapproche beaucoup du "potentiel" grec. Je pense qu'ici "optatif contrefactuel" est synonyme de "optatif potentiel" ; mais l'auteur a voulu être plus précis car le mot "potentiel" (hérité des latins) est ambigu... Ou plus pédant, parce que le mot est compliqué.

En parfaite mauvaise foi et au regard de ma méfiance perpétuelle envers les philosophes, je penche pour la seconde.
et un peu plus loin il le relie à un mot "fameux de Hegel une assuètude ontologique au journal du matin"
J'allais dire que c'est une manie de prof de philo que de bourrer leurs textes d'hellénismes et de latinismes abusifs. J'ai souvenir d'un rapport d'agrégation qui conseillait aux candidat plus "d'acribie" (gr. akribeia = précision, exactitude). Enfin, en général, ça trahit l'ulmard qui a fait trop de latin en khâgne !
"adsuetudo" en latin veut dire "habitude" (et encore : c'est un mot qu'on ne trouve qu'à l'ablatif), plus exactement le "fait de prendre l'habitude de". Formé sur le verbe "adsuesco" s'habituer à.
Mais apparemment le mot existe en médecine toxicologique :
http://www.etape.qc.ca/chroniques/assuetude.htm
Comme plus ou moins synonyme de dépendance (d'une drogue), sauf que "dépendance" désigne l'état acquis et "assuétude" le processus d'acquisition de cette dépendance. Je note que pour "assuétude", dans Google, tous les liens sont canadiens, ou belges.
Je suppose que "assuètude ontologique au journal du matin" ne veut pas seulement dire qu'on est de mauvais humeur si l'on a pas lu Libération (ou la Dépêche du Haut-Triffouillais) avec son café et ses croissants comme tous les jours...
pour situer le contexte et ajouter du piment à votre réflexion comme point de départ Steiner en réfère à une école de théologie allemande autour de Markus Barth posant les liens tissés entre l'agonie du Christ et la Shoah. Pour ceux que cela intéresserait allez voir le cahier de L'Herne en question!!! en attendant salutations à tous ceux qui "pensent grandement" donc selon Heidegger "qui errent grandement" à tout de suite...[/i]
"Errare" en latin veut dire à la fois "se tromper" et "errer, vagabonder". L'ancien français rapprochait en outre "errer" du mot "erre" qui venait de "iter", le chemin...
... Comme dit le proverbe shadock : quand on sait pas où on va, il faut y aller le plus vite possible.