Expressions étranges dans le vocabulaire politique
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Je viens d'en découvrir un que je ne connaissais pas, en écoutant une émission sur Margaret Thatcher : le maiden speech : le discours que les jeunes nouveaux députés des Communes d'une législature doivent faire, par tradition, à titre de bizutage.
Ce qui m'a rappelé l'existence du "Shadow Cabinett", qui m'a toujours beaucoup amusé ('faut vraiment être british pour réussir à ne faire rien avec autant de sérieux).
Mais qui suscite une interrogation : pourquoi a-t-on traduit ça par "cabinet fantôme" ?
Ce qui m'a rappelé l'existence du "Shadow Cabinett", qui m'a toujours beaucoup amusé ('faut vraiment être british pour réussir à ne faire rien avec autant de sérieux).
Mais qui suscite une interrogation : pourquoi a-t-on traduit ça par "cabinet fantôme" ?
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
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Euh... C'est quoi exactement ? Ce sont des députés feignasses qui font semblant de faire des rapports essentiels en copiant-collant Wikipédia ? Ou ce sont des faux rapporteurs élus par les groupes minoritaires pour contrer les rapports élus comme le shadow cabinett ?didine wrote:Au Parlement Européen, on a des shadow rapporteurs, qui sont des rapporteurs fictifs en francais. C'est déjà mieux que "fantôme"!
Au passage : c'est amusant, ce francisme "a rapporteur"... Ca n'existe donc pas dans la tradition politique anglo-saxonne ?
C'est dingue le nombres de concepts politiques exprimés en français par les anglais : a coup-d'état, a politic of grandeur, the dirigisme... Bon, que des babioles franco-napoléono-gaullienne va-t-on dire. Sauf que, quand on consulte le wiki anglophone, on découvre que le seul moyen de traduire la notion de libéralisme économique, à nos yeux essentiellement anglo-saxon, c'est "the laissez-faire economic policies").
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Par exemple si un rapport est attribué à un député du PPE (démocrates-chrétiens), le PSE (socialistes), l'ALDE (libéraux), les Verts et la GUE (communistes) vont chacun nommer un rapporteur fictif chargé de préparer la position du groupe sur le sujet et de suivre le travail du rapporteur.Sisyphe wrote: Euh... C'est quoi exactement ? Ce sont des députés feignasses qui font semblant de faire des rapports essentiels en copiant-collant Wikipédia ? Ou ce sont des faux rapporteurs élus par les groupes minoritaires pour contrer les rapports élus comme le shadow cabinett ?
Les seuls à ne pas avoir de rapporteurs fictifs sont bien sûr les non-inscrits, mais aussi l'UEN (Europe des Nations), l'IND/DEM (Indépendance et Démocratie ; en gros les copains de De Villiers) et l'ITS (Identité, Tradition, Souveraineté ; Le Pen, la petite-fille de Mussolini et leurs copains). Tout simplement parce que ce sont des partis pas franchement fans de l'UE et qu'ils pensent qu'ils ont mieux à faire...
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Je viens d'en découvrir un qui concerne les Etats-Unis : le pocket veto... Tout le monde sait que le président des EU dispose d'un droit de veto dans les dix jours suivant le vote final d'une loi, qui peut être outrepassé par un vote aux deux-tiers, mais à la condition que le congrès soit encore en session.
Mais à la fin d'une législature (c'est-à-dire une année sur deux en fait !), le président peut tout-à-fait "oublier" de signer une loi, la mettre dans sa poche. Dès lors, elle n'est pas exécutoire, et comme il n'y a plus de parlement pour outrepasser sa décision... La prochaine législature devra tout recommencer.
Finalement, on est pas si pire que ça avec notre 49-3... (<- c'est pas une expression politique à proprement parler, mais c'est le seul article de la constitution, avec peut-être l'article 16, que tout le monde connaît).
*
Sinon, on est en train de voir naître non pas une expression mais un champ sémantique entier en ce moment, celui de l'océanographie. Je m'explique :
Depuis longtemps, il était d'usage de parler d'une vague lorsque l'Assemblée passait brutalement à gauche ou à droite : la vague bleue, la vague rose...
Depuis quelques temps, les journalistes adorent utiliser le mot étiage ("le parti machin retrouve son étiage de 93...").
Ces dernières semaines, on s'est mis à craindre (ou espérer) la déferlante UMP ou le tsunami bleu.
Or celui-ci n'a pas eu lieu, et aujourd'hui, Libération, France-Soir, Le Monde, Le Figaro, enfin tous, repris par tout ce qu'internet compte de blogs parlent du ressac socialiste.
Et ici et là en particulier sur le net, on commence même à parler de mascaret - ce qui est tout de suite plus technique.
... Et en surfant (si j'ose dire ) sur internet, je découvre que le blog des étudiants PS de Sciences-Po - ça existe - écrivait déjà samedi :
- De la turbidité régnant au sein du gouvernement depuis 24 heures.
- De l'advection des idées du Front National au sein de l'aile la plus à droite de la majorité. (advection : "transport d'une quantité scalaire conservée par un champ vectoriel").
- De la chimiocline ("l'interface existant entre différentes couches d'eau, dans une mer, un lac, lorsque celles-ci ne se mélangent pas") régnant entre les deux moitiés de l'ancienne UDF.
- De l'upwelling ou remontée d'eau (" phénomène océanographique qui se produit lorsque de forts vents marins (généralement des vents saisonniers) poussent l'eau de surface des océans laissant ainsi un vide où peuvent remonter les eaux de fond [froides], et avec elle une quantité importante de nutriments") dont a bénéficié le PC grâce au vent de la "TVA sociale".
- De la force de Coriolis qui entraîne le pauvre François Hollande vers le fond.
Et j'en passe...
Mais à la fin d'une législature (c'est-à-dire une année sur deux en fait !), le président peut tout-à-fait "oublier" de signer une loi, la mettre dans sa poche. Dès lors, elle n'est pas exécutoire, et comme il n'y a plus de parlement pour outrepasser sa décision... La prochaine législature devra tout recommencer.
Finalement, on est pas si pire que ça avec notre 49-3... (<- c'est pas une expression politique à proprement parler, mais c'est le seul article de la constitution, avec peut-être l'article 16, que tout le monde connaît).
*
Sinon, on est en train de voir naître non pas une expression mais un champ sémantique entier en ce moment, celui de l'océanographie. Je m'explique :
Depuis longtemps, il était d'usage de parler d'une vague lorsque l'Assemblée passait brutalement à gauche ou à droite : la vague bleue, la vague rose...
Depuis quelques temps, les journalistes adorent utiliser le mot étiage ("le parti machin retrouve son étiage de 93...").
Ces dernières semaines, on s'est mis à craindre (ou espérer) la déferlante UMP ou le tsunami bleu.
Or celui-ci n'a pas eu lieu, et aujourd'hui, Libération, France-Soir, Le Monde, Le Figaro, enfin tous, repris par tout ce qu'internet compte de blogs parlent du ressac socialiste.
Et ici et là en particulier sur le net, on commence même à parler de mascaret - ce qui est tout de suite plus technique.
... Et en surfant (si j'ose dire ) sur internet, je découvre que le blog des étudiants PS de Sciences-Po - ça existe - écrivait déjà samedi :
Alors je propose de continuer, et de parler :Pour éviter que le logique mascaret des présidentielles ne se transforme en raz-de-marée pour l'UMP...
- De la turbidité régnant au sein du gouvernement depuis 24 heures.
- De l'advection des idées du Front National au sein de l'aile la plus à droite de la majorité. (advection : "transport d'une quantité scalaire conservée par un champ vectoriel").
- De la chimiocline ("l'interface existant entre différentes couches d'eau, dans une mer, un lac, lorsque celles-ci ne se mélangent pas") régnant entre les deux moitiés de l'ancienne UDF.
- De l'upwelling ou remontée d'eau (" phénomène océanographique qui se produit lorsque de forts vents marins (généralement des vents saisonniers) poussent l'eau de surface des océans laissant ainsi un vide où peuvent remonter les eaux de fond [froides], et avec elle une quantité importante de nutriments") dont a bénéficié le PC grâce au vent de la "TVA sociale".
- De la force de Coriolis qui entraîne le pauvre François Hollande vers le fond.
Et j'en passe...
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
Tout le monde, sauf ceux qui ne vivent pas en France...Sisyphe wrote:Finalement, on est pas si pire que ça avec notre 49-3... (<- c'est pas une expression politique à proprement parler, mais c'est le seul article de la constitution, avec peut-être l'article 16, que tout le monde connaît
Quelqu'un peut satisfaire ma curiosité et m'expliquer de quoi il s'agit, siouplait ?
Si, ayant frappé ton prochain sur une joue, il te tend l'autre, frappe-le sur la même, ça lui apprendra à faire le malin. ~François Cavanna
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Je ressuscite, mais je viens de découvrir l'existence du Hammelsprung ("saut-de-mouton") au Bundestag allemand : c'est une méthode de compte lors des votes par oui ou non ; tous les députés votant "oui" sortent par une porte, ceux votant "non" par une autre et ceux qui s'abstiennent par une troisième ; un huissier faisant le compte à chacune.
Original. L'histoire ne dit pas si la proximité de la porte des "non" avec les toilettes a pu influer sur les opinions politiques des députés à la prostate souffreteuse.
@Dyshock : tu veux toujours que je t'explique la subtilité du "49-3" à la française ?
Original. L'histoire ne dit pas si la proximité de la porte des "non" avec les toilettes a pu influer sur les opinions politiques des députés à la prostate souffreteuse.
@Dyshock : tu veux toujours que je t'explique la subtilité du "49-3" à la française ?
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Non, ça ce sont les ordonnances, qui relèvent de l'article 38 !ANTHOS wrote:Concernant "49-3 "
Selon ma compréhension, il y a une vote dans la mésure ou les parlementaires doivent accorder le droit de légiferer sans passer par eux et ceci pour un domaine précis et pendant un temps limité
*
Allez, je vous la fais courte :
L'article 49 alinéa 3 de la constitution permet au gouvernement d'engager sa responsabilité sur le vote d'un texte dans l'état où il se trouve au moment où le gouvernement lance sa procédure.
En gros, c'est du chantage : "soit vous votez ce texte tel qu'il est sans en modifier une seule virgule, soit le gouvernement démissionne et c'est le bordel".
Tactique héritée de Napoléon : "moi ou le chaos".
Donc, si, : il y a vote du parlement. Mais un vote un peu forcé, avec un pistolet sur la tempe.
En théorie, c'était fait pour passer outre les problèmes créés par l'absence de majorité absolue. Cas qui ne s'est produit qu'une seule fois, en 88 (gouvernement Rocard) : aucun parti n'avait la majorité absolue à l'Assemblée. Donc, n'importe quel groupe (en particulier à l'époque les communistes) pouvait embêter sans fin le gouvernement : si les communistes s'alliaient à l'UDF et au RPR pour voter "non" à une loi proposée les socialistes, elle ne passait pas...
Même chose si les communistes avaient voulu à toute force faire passer un amendement au projet de loi.
Dans ces cas-là, le 49-3 met les groupes récalcitrants au pied du mur : si vous votez non, le gouvernement saute. Ce qui veut dire au moins un mois et demi sans gouvernement, la France paralysée...
... Et surtout, ça permet de reporter la faute morale sur le groupe bloqueur : si Rocard avait "sauté" sur un 49-3, il aurait pu dire "c'est le bordel, mais c'est pas ma faute : ce sont les communistes qui ont voulu jouer au plus con".
En réalité, ce cas-là est rare. Et généralement, le 49-3 est utilisé :
- Quand la majorité devient frondeuse (en général quand l'état de grâce d'un nouveau président est fini et que les députés de la majorité commencent à trouver que son action nuit à leurs propres intérêts électoraux ; ou qu'elle trouve que le gouvernement les traite comme des larbins).
- Quand l'opposition cherche à "gagner du temps" en faisant de l'obstruction (en déposant 4905 amendement, sachant que chacun suppose que tous les groupes s'expriment dessus...).
Je crois que la dernière utilisation, c'était sous Villepin, au moment du CPE, et les deux circonstances étaient réunies ('faut le faire...) : l'opposition cherchait à gagner du temps (pour organiser une réaction populaire), et la majorité parlementaire commençait sérieusement à en avoir ras-la-casquette de Chirac finissant et ne voulait pas perdre les prochaines élections sur une lubie d'un premier ministre qui n'avait jamais été élu.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)
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svernoux wrote:C'est à la limite du mot politique, mais on peut rappeler la bravitude, qui vient d'être élue mot de l'année (au festivale du mot de chépluoù - entendu à la radio ce soir)
fait mal a la tete ce sujet argh la politique ... sinon bravitude ce mot existe ( par curiosité j'ai regardé faut pas se fier aux medias tout le temps ) et beaucoup de monde a cru a une erreur de language , une invention plus ou moins , tout du moins une *boulette* ( vous pouvez rajouter ce mot a la liste politique tiens ) en lieu et place de bravoure .
mais non miss Royal avait raison. mais bon il y a tellement de mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre, d'ailleurs un de mes amis a appris recemment que le mot comptage existe bel et bien, même si ca sonne bizarre