
Il arrive aussi que le titre lui-même d'un ouvrage soit faux, mais que devenu canonique, il soit impossible de corriger l'erreur. C'est le cas d'un des plus célèbres ouvrages d'Hannah Arenth :
Eichmann in Jerusalem, report on banality of evil, devenu très vite (peut-être même avant sa traduction en français) :
Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal - alors qu'il s'agit bien entendu d'un
reportage (puisque l'ouvrage en question est constitué d'articles suivis qu'elle avait réalisés pour le
New Yorker).
De même pour
A midsummer night's dream de Shakespeare = "le songe d'une nuit de la Saint-Jean", devenu
Le songe d'une nuit d'été... Ce qui n'est pas très grave, puisqu'il est précisé au cours de la pièce que l'action a lieu la veille d'un premier mai ! D'ailleurs personne ne sait
pourquoi ce titre en anglais.
D'une manière un peu semblable - mais plus explicable - les oeuvres des auteurs grecs et latins sont parfois difficilement compréhensibles, car pêchant par trop de "calque". Passe encore pour les nombreuses
Républiques (de Platon, de Cicéron et d'autres) : le sens classique du mot "république" (= organisation d'un gouvernement) est encore connu. Passe également pour la
vulgate, qui n'est rien d'autre que la "vulgata editio" de la bible (l'édition "vulgarisée"). En revanche, on parle encore et toujours des
institutions oratoires de Quintilien, alors que "institutio = instruction, éducation" (en gros, c'est un répertoire de figures de styles). Rappelons aussi que Jésus Christ s'intéressait assez peu au droit successoral, et que l'ancien et le nouveau
testaments ne sont que des "témoignages" (testamentum en latin).
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J'ai hésité à placer le cas suivant dans cette rubrique ou dans "traductions ingénieuses", car il tient un peu des deux, ce qui peut paraître paraxodal. Je le tire du
Canard Enchaîné de cette semaine : c'est un petit encart au sein d'un article long (et passionnant) sur
Da Vinci code, le best-seller de ces derniers mois (dont il dit au passage bien du mal).
Traducteur-arrangeur
Le traducteur s'est empressé de rectifier les vourdes les plus voyantes pour un lecteur français. Ainsi Dan Borwn [l'auteur] évoque les "polished stones" du Sacré-Coeur, lequel est bien sûr en pierre de taille. Il situe une banque suisse rue Haxo (XIXe arrondissement), laquelle serait proche de Roland-Garros [rappelons que le XIXe c'est un quartier populaire] ! Le traducteur déplace habilement la banque imaginaire au 24 rue de Longchamp. Au château de Villette, surnommé "la Petite Versailles" par Dan Brown, il restitue l'appelation "Le Petit Versailles". [/i]

Il y a de bons traîtres...