Je viens de terminer
La serpe de Philippe Jaenada. Je l’ai pris sur un coup de tête à la biblio, j’en avais entendu parler, mais après j’ai tergiversé à le lire : énorme pavé sur un sujet sordide (triple meurtre). A tort. La lecture n’est pas du tout sordide, la plume de Jaenada fait passer le tout comme une lettre à la poste.
Il s’agit donc d’une enquête sur un fait divers, le triple meurtre du château d’Escoire dans le Périgord, en 1941, sous l’occupation. Les châtelains (un frère et une sœur) ainsi que la bonne sont retrouvés sauvagement assassinés. Le fils du châtelain, également présent la nuit du crime, est épargné. Fort logiquement, il est soupçonné, accusé, jugé… et contre toute attente, acquitté. Le crime ne sera jamais élucidé. (Ce qui apporte un peu de sel à l’histoire, c’est que l’accusé-acquitté mènera par la suite une vie rocambolesque pour terminer auteur du célébrissime
Salaire de la peur).
Apparemment, Jaenada est connu pour son humour et son art de la digression. Il est vrai qu’il le pousse très loin, mais j’ai plutôt apprécié. Ca désamorce le côté oppressant du sujet. Il commence en racontant sa vie, ses états d’âme de Parisien 2017 (ce qui fait que je ne suis pas partie en courant dès les premières pages), brosse un peu le portrait des protagonistes, mais on arrive à au moins 100 pages (si ce n’est 150) et toujours pas l’ombre d’un crime. Ensuite, on n’est même pas à 300 pages que le procès est terminé, verdict rendu, tous les faits connus. Et là, il reste encore plus de 300 pages, et on se demande de quoi elles peuvent bien être faites… Eh bien c’est tout sauf l’ennui, car « tous les faits connus », ceux de la version officielle, oui, mais Jaenada les reprend un par un et soulève plein de nouvelles informations, suffisamment pour réécrire l’histoire. C’est sûr, il faut aimer le pinaillage sur les faits, à la détective, sinon passez votre chemin… Mais si on accroche, on se régale. Et c’est par ailleurs assez éclairant sur les rouages de la justice, à l’époque… mais sans doute encore un peu aujourd’hui.
Ca me donne clairement envie de lire d'autres Jaenada.
