Re: Kaolyn commence des études de linguistique/traduction[de-ru]
Posted: 03 Mar 2010 23:51
Il n'y a pas plus de différence entre Mundart et Dialekt qu'il n'y en a entre le magnifique Sprachwissenschaftsgeschichtsschreibung du Herr Professor Glotz de l'Universität zu Köln que j'avais un jour rencontré dans mes recherches (mon record de bochitude à ralonge), et l'Historiografie der Linguistik[/i] de son ennemi juré le Herr Professor Schmitt de l'Universitas Heidelbergensis.
Un mot teutonique d'un côté, hellénique de l'autre, pour désigner à peu de choses près la même chose, y compris dans les publications scientifiques, qui alternent Mundarten et Dialekten (avec une vague préférence pour le second) pour parler des dialectes grecs anciens, par exemple.
Si je parle des "dialectes grecs" (anciens, une de mes spécialités), je parle de différents états de langue qui avaient chacun une officialité, une élite, certainement des variantes sociales et parfois même une littérature (chaque cité grecque avait son propre parler jusqu'au XIXe siècle). Les Athéniens ne se prennent pas pour de la σκτάτος, mais ils n'estiment pas que leur langue vaut mieux que celle des Lesbiens ou de ces νἠπιοι de Béotiens. Si je parle des "dialectes allemands" actuels, je suis déjà un cran au-dessous, mais je ne puis comparer avec l'état français ; et je suis sûr qu'il y a quelque part dans la poussière de la Sorbonne posé à côté du parapluie oublié un spécialiste des dialectes islandais, qui opposera parmi trois cent mille locuteurs congelés depuis le XIIe siècle les "tire-bouschtroumpfðvir" des glaciers nords aux "schtroupf-bouchonskðör" des glaciers du sud.
(Relire Schtroumpf vert et vert schtroumpf, qui reste la deuxième meilleure étude sociolinguistique que j'aie lue, après le mémoire sur la prononciation du breton, bien sûr, d'un auteur dont j'ai oublié le nom ); ).
... Un mot quand même sur le mot "patois" : il n'a pas toujours été par lui-même négatif. De la même façon que le mot "nègre" est neutre jusqu'au XIXe siècle (tout homme noir est un nègre, même dans la bouche d'un humaniste qui n'est pas raciste, cf. Hugo écrivant à un poète haïtien, même dans la bouche d'un homme noir), même s'il désigne une réalité que 90% des locuteurs dévalorisent ; mais la péjoration n'est pas dans le mot - pas plus par exemple que dans "homosexuel", aujourd'hui, terme passé de la néologie médicale à la banalité courante, mais pour certains, c'est encore une insulte. De vieilles traductions, mais pas si anciennes, faisaient de la langue de Platon le "patois des Athéniens" (pour dialektos tôn Athênaiôn) par opposition au "patois des Ioniens" d'Hérodote. Sans la politique de la troisième république, mais aussi le politiquement correct et la revendication identitaire des années 60, il aurait très bien pu rester comme terme neutre. Oserais-je comparer le récent "langue régionale" au très récent "gay" ?
"Dialecte" est un terme scientifique, mais qui n'existe que par la négative. Est dialecte tout état de langue qui s'oppose à une hypothétique unité géolinguistique, et comme aucune communauté linguistique n'est autre que fragmentée par essence, la langue imagée de ma folle de voisine du dessous pourrait être un dialecte par rapport à moi, puisque c'est sa manière de parler, son Mundart.
Un mot teutonique d'un côté, hellénique de l'autre, pour désigner à peu de choses près la même chose, y compris dans les publications scientifiques, qui alternent Mundarten et Dialekten (avec une vague préférence pour le second) pour parler des dialectes grecs anciens, par exemple.
Si je parle des "dialectes grecs" (anciens, une de mes spécialités), je parle de différents états de langue qui avaient chacun une officialité, une élite, certainement des variantes sociales et parfois même une littérature (chaque cité grecque avait son propre parler jusqu'au XIXe siècle). Les Athéniens ne se prennent pas pour de la σκτάτος, mais ils n'estiment pas que leur langue vaut mieux que celle des Lesbiens ou de ces νἠπιοι de Béotiens. Si je parle des "dialectes allemands" actuels, je suis déjà un cran au-dessous, mais je ne puis comparer avec l'état français ; et je suis sûr qu'il y a quelque part dans la poussière de la Sorbonne posé à côté du parapluie oublié un spécialiste des dialectes islandais, qui opposera parmi trois cent mille locuteurs congelés depuis le XIIe siècle les "tire-bouschtroumpfðvir" des glaciers nords aux "schtroupf-bouchonskðör" des glaciers du sud.
(Relire Schtroumpf vert et vert schtroumpf, qui reste la deuxième meilleure étude sociolinguistique que j'aie lue, après le mémoire sur la prononciation du breton, bien sûr, d'un auteur dont j'ai oublié le nom ); ).
... Un mot quand même sur le mot "patois" : il n'a pas toujours été par lui-même négatif. De la même façon que le mot "nègre" est neutre jusqu'au XIXe siècle (tout homme noir est un nègre, même dans la bouche d'un humaniste qui n'est pas raciste, cf. Hugo écrivant à un poète haïtien, même dans la bouche d'un homme noir), même s'il désigne une réalité que 90% des locuteurs dévalorisent ; mais la péjoration n'est pas dans le mot - pas plus par exemple que dans "homosexuel", aujourd'hui, terme passé de la néologie médicale à la banalité courante, mais pour certains, c'est encore une insulte. De vieilles traductions, mais pas si anciennes, faisaient de la langue de Platon le "patois des Athéniens" (pour dialektos tôn Athênaiôn) par opposition au "patois des Ioniens" d'Hérodote. Sans la politique de la troisième république, mais aussi le politiquement correct et la revendication identitaire des années 60, il aurait très bien pu rester comme terme neutre. Oserais-je comparer le récent "langue régionale" au très récent "gay" ?
"Dialecte" est un terme scientifique, mais qui n'existe que par la négative. Est dialecte tout état de langue qui s'oppose à une hypothétique unité géolinguistique, et comme aucune communauté linguistique n'est autre que fragmentée par essence, la langue imagée de ma folle de voisine du dessous pourrait être un dialecte par rapport à moi, puisque c'est sa manière de parler, son Mundart.