Sonka a tout à fait raison : comparer les aéroports européens à Montréal-Dorval (aussi appelé, hélas, Montréal-Trudeau) est comme si on clamait haut et fort que les cocoteraies sont mieux entretenues en Thaïlande qu'au Nunavut...
Cependant elle oublie une chose : Montréal-Dorval
EST, effectivement,
LE leader en la matière. Il n'y a pas qu'à Montréal qu'il neige à longueur d'hiver mais le déneigement à Montréal-Dorval dépasse -et de loin- ce qu'on voit dans d'autres contrées enneigées. Qu'on le compare à Moscou, Oslo, ou même aux grands aéroports militaires du Maine, Montréal les dépasse facilement.
Pourquoi? Parce que ADM (Aéroports De Montréal, l'organisme qui devait gérer les deux aéroports montréalais) n'avait pas le choix. Quand P. E. Trudeau a fait bâtir l'aéroport Montréal-Mirabel, tout le monde l'avertissait que ce serait un éléphant blanc. C'était à l'ère du Concorde et on croyait que c'était le début de l'ère des supersoniques. De plus, PET voulait en faire l'aéroport de l'an 2000, un deuxième Washington-Dulles. Il oubliait tout
connement simplement que Washington et Montréal n'ont pas exactement la même vocation internationale, et que ça doit être pris en compte lors de la construction d'un aéroport. Les compagnies aériennes n'aimaient pas Mirabel. Trop grand, mauvais équipement d'embarquement (copié sur celui de Dulles), trop de frais, équipement d'entretien insuffisant... Les passagers n'aimaient pas Mirabel : trop grand (on s'y perdait!), mauvais équipement d'embarquement (copié sur celui de Dulles), temps d'attente trop long aux carrousels, confusion à savoir où étaient les aires d'embarquement, les douanes etc. (comme à Dulles, quoi). Alors, dans sa sagesse qui devint légendaire (c'est vrai!), notre Premier Minus a fait voter une loi à l'effet que tous les vols internationaux devaient partir de et arriver à Mirabel, Dorval ne devant désormais servir qu'aux vols locaux. Résultat : le traffic de et vers Montréal chuta immédiatement au profit de Toronto. Bon : notre Garnement Fédéral accepta d'élargir un peu la loi : les vols de et vers l'est des États-Unis (le long de la côte Atlantique) pouvaient utiliser Dorval. Lufthansa, BOAC, Air-France pouvaient gueuler : quand on vient au Canada on est soumis à la loi canadienne. De sorte qu'American Airlines, Eastern, Lufthansa, BOAC, et même (eh oui!) même Air Canada annulèrent de nombreux vols de et vers Montréal au profit de Toronto et de (ça, ça fit plus mal aux fédéraux) Boston! De Boston, les voyageurs ralliaient Montréal via Amtrak. ADM dut réduire considérablement les taux des divers services à Mirabel pour essayer de maintenir un certain traffic à Montréal et devint déficitaire. Puis Ottawa (là où est le gouvernement canadien) céda : il autorisa les vols internationaux et intercontinentaux à Dorval.
Ce fut la ruée. Vers les deux sens d'ailleurs. Vers Dorval pour les grandes lignes aériennes à passagers d'abord. Tout le monde était content : les grandes lignes d'abord qui voyaient leur traffic soudainement augmenter d'abord de 50% puis de 200%, les passagers qui ont toujours autant aimé Dorval que détesté Mirabel, les hommes d'affaires qui pouvaient réserver un vol et se rendre à l'avion en moins d'une heures, ADM qui jubilait de voir ses revenus décupler... brèfle tout le monde il était content content content. Même ceux qui se ruaient dans l'autre sens, vers Mirabel. En effet, à Mirabel les tarifs avaient fortement chuté et ça représentait des économies en or pour les freighters comme Fedex qui a aussitôt installé là le "hub" de ses opérations canadiennes et est-étasuniennes. Même des compagnies européennes, comme Lufthansa Cargo, profitait de cette manne économique. Et des compagnies à passagers offrant des vols non réguliers, surtout à l'intention des vacanciers, comme Air Transat qui y installa ses quartiers.
N'empêche que le trafic à Mirabel continuait à chuter au point où je me rappelle que plusieurs faisaient comme moi : quand on voulait aller prendre une marche tranquille dans un endroit silencieux, ou un pique-nique dans un contexte grand ouvert, paisible et rempli de chants d'oiseaux, on allait à l'aéroport Mirabel... C'était devenu un endroit de silence, de contemplation de la Nature...
Mais tout ça faisait qu'à Dorval le trafic avait brusquement quintuplé et des réarrangements s'imposaient. D'ailleurs on est encore en train d'agrandir Dorval dix ans plus tard. Et ce n'est pas ça qui diminuait les tempêtes de l'hiver canadien.
De sorte qu'ADM n'avait pas le choix : il DEVAIT de toute urgence s'équiper pour faire face. Dorval n'a que deux pistes principales et une secondaire : quand on devait déneiger, fallait pas niaiser. Pendant la grande poudrerie qui remplissait les pistes et le tarmac aussi vite qu'on les déblayait, on dirigeait les avions vers une piste pendant qu'on déblayait l'autre. Ce qui engorgeait le ciel d'avions en attente. On acheta de l'équipement Oshkosh originalement conçu pour les grands aéroports militaires.
Aujourd'hui, déneiger une piste prend huit minutes (et non 25 n'en déplaise aux annonceurs de la radio qu'écoutait Sonka).
Pourquoi? Parce que de l'équipement de déneigement ultra-rapide coûte BEAUCOUP moins cher à acheter et à entretenir que deux ou quatre pistes supplémentaires. Tout simplement.