Comment Max Gallo peut-il "recommander" (sur le site de France-Culture) la lecture d'un tel foutage de gueule ? Et comment un éditeur peut-il laisser publier un texte qui, manifestement, n'a pas subi la moindre correction ?
Sur le plan stylistique c'est lamentable, le genre qu'on n'ose même pas soumettre à son nègre : un relevé de cahiers de manips où l'on aurait jeté par poignées des "certes", des "nonobstant", des "adoncques" (!) pour faire élégant. En ouvrant le livre au hasard, on trouve des phrases incomplètes, des jargonnades scientifiques dont on réserve d'ordinaire l'emploi au cercle restreint des personnes travaillant à la même paillasse. Parfois, la même phrase est répétée jusqu'à trois fois consécutives dont au moins une version en abrégé, je veux dire ; véritablement abrégé : les mêmes mots mais en abréviations ! Mêmes mots mais en abrévations ! Mm mts mais en abv. Encore plus navrant, des mots utilisés pour leur seul aspect décoratif sans le moindre coup d'oeil de précaution vers le Petit Larousse. Et des phrases ampoulées, labyrinthiques, s'enroulant en arabesques autour d'une donnée technique comme pour en littérariser les aspérités. A moins qu'il ne s'agisse de salamalecs d'adoration. Des phrases tellement interminables que malgré son intelligence, l'auteur s'égare et nous laisse le sentiment d'un équilibre bancal entre deux chaises. Comme quoi il faut se garder de vouloir prouster plus haut que son QI.
Sur le plan pédagogique c'est affligeant : présenté comme un ouvrage érudit de vulgarisation scientifique, on est en droit de se demander à qui il s'adresse en fait. Certainement pas aux scientifiques, qui n'en reconnaîtront pas la forme, verbeuse et diluée. Ni les curieux comme moi qui ont, je le répète, l'impression de mettre leur nez dans un cahier de manip. D'entrée il est question de sites-témoins dont on aimerait au moins savoir où ils se trouvent et en quoi ils sont représentatifs, de faits climatiques dont vous et moi n'avons jamais entendu parler et que l'auteur traite aussi familièrement que si nous avions carotté les icebergs ensemble : sans jamais faire les présentations. Ou de listes de dates associées à des statistiques thermiques ou agricoles sans l'ordre chronologique auquel le pékin moyen peut aspirer pour tenter de s'y retrouver.
Alors oui, il reste qu'on peut piocher ici ou là une information intéressante, un détail insolite, une curiosité amusante, une émoustillance scientifique, en choisissant une page au hasard. Et par la même méthode, jouer à trouver le passage le plus abscons ou le plus grotesque... gains assurés à tous les tirages ! D'ailleurs je défie n'importe qui de s'empêcher d'y jouer avant d'avoir lu les vingt premières pages. Et bonne nouvelle : avec 800 pages, ça fait déjà autant d'usage qu'un Monopoly et plus qu'un Trivial Pursuit... mais un deuxième tome arrive, petits veinards ! Vu la clarté du propos, il pourra aussi bien publier deux tomes supplémentaires qui diront exactement le contraire des deux précédents, personne ne relèvera... même pas Max Gallo.
Je suis furieux parce que j'aimais bien Leroy-Ladurie. Parce que ses interventions radiophoniques me donnaient l'impression, à moi, d'être assez intelligent pour comprendre autre chose que mes centres d'intérêt habituels. Parce qu'elles semblaient dévoiler un esprit passionné, captivant, désintéressé et humble derrière son sujet. Ce livre est tout l'inverse : les rodomontades d'un fat qui cherche à briller devant un cercle de technocrates aculturés. Et moi je me fais l'effet d'un crétin.
