Si "tu penses qu'il est intelligent !" est une exclamation, on rentre dans le cas que j'ai mentionné précédemment : "tu" tient pour vrai que "il" est intelligent, et "je" s'en étonne".
Mais une telle phrase est souvent à la charnière entre l'interrogation et l'exclamation. "Ah bon ? Tu penses qu'il est intelligent ?" (ça m'étonne de toi, est-ce bien ton opinion ?)
C'est par ce biais que (dans beaucoup de langue) une formulation affirmative devient interrogative, avec pour seul changement une modification du ton.
Si je dis "est-ce que", au départ, je demande confirmation de la réalité (est ce[ci] ?) d'un fait qui est tenu par autrui pour réel ("[le fait] que..."). Je défends Franck sur ce point.
Mais bien évidemment, dans les faits, tu as raison. La différence tient essentiellement aujourd'hui du registre de langue. Et ce pour deux raisons :
a) La perte d'autonomie et de sens du subjonctif, sus-mentionnée.
b) La perte de la construction interrogative par inversion du sujet. On ne dit plus (sauf les martiens dans mon genre) : "viendras-tu demain". La seule véritable formulation proprement interrogative est "est-ce que tu viens demain". "Est-ce que" s'est figé. Cette "perte" a favorisé aussi l'emploi presque autorisé de l'interrogation sans marque : "tu viens demain ?"
(il me semble qu'en allemand, par exemple, la réalité du subjonctif (I et II) et la formulation inversée (kommst-du ?) sont beaucoup plus réels (réalité/réel, répétition

, je suis fatigué). "du glaubst, dass er klug ist ? (ou même plutôt : du glaubst, er ist klug ? Pure parataxe) appartiennent franchement à un code populaire, ou la notion même de norme se dilue.)
Donc, je propose un armistice (ou "une", je ne sais jamais...

) sur la base suivante :
1) Les propos de Franck (et les miens) sont justifiés en diachronie, et sont encore un élément d'appréciation en synchronie.
2) Mais un autre élément, assavoir le registre (écrit/oral, mais aussi surtout énormément beaucoup le milieu social du locuteur) apparaît en synchronie, pour ainsi dire "se glisse" dans les discrimants précédents.
Ce qui m'amène d'ailleurs à une réflexion d'ordre plus général : peu de langues (pour autant que je les connaissent, cad français, allemand, anglais, etc.) connaissent une telle distorsion entre ses normes théoriques et sa réalité. Je ne parle pas des détails du genre accord des participes des verbes pronominaux, je parle de ses paradigmes les plus essentiels. Exemples :
- en théorie : quatre temps grammaticaux absolus (un présent, un passé duratif [imparfait], un passé aoristique [passé simple], un futur) ayant chacun un perfectif qui leur correspond (passé compsé, passé antiérieur, plus que parfait, futur antérieur).
- en réalité : trois temps (présent, imparfait, futur), le passé composé sert à la fois d'aoriste (à la place du passé simple) et de perfectif à tous les temps (sauf peut-être pour l'imparfait, on utilise encore le + que parf.) :
"quand j'étais chez ma grand-mère, j'ai mangé une tarte"
"quand tu as finis, tu viendras"
"une fois que tu as mangé, tu viens"
- en théorie : la négation est portée par un premier élément invariant (ne), est modulée par un second (pas, plus, jamais...)
- en réalité : seul le deuxième élément porte la négation, le premier est plus qu'optionnel.
- en théorie : quatre temps au subjonctif, subissant une concordance des temps, mais aussi une différence de modalité : je voudrais qu'il soit (souhait) =/= je voudrais qu'il fût (regret) [cette seconde règle annihile de facto la première !]
- en réalité : deux temps, sans aucune concordance ni autre modulation.
Toutes les langues connaissent ce genre de "pertes" (cf. le subjonctif I allemand en régression, le subj. II devenu périphrastique : er würde fahren plutôt que er führe ; le subjonctif "quasi-mort" en anglais).
Mais elle me semble quand même plus gigantesque en français. Il n'y a que quelques oiseaux bizarres de mon espèce, et "la Haute" pour suivre la structuration officielle.
Qu'est-ce que vous en pensez ? Ou qu'en pensez-vous ? Ou bien vous en pensez quoi ?