Pour entendre ce que les syndicats ont à dire d'intelligent, il faut aussi se mette en situation de l'entendre.
Problème de comm ? Je dirais : problème de
la comm. Bruno Léandri avait génialement résumé le problème dans une de ses chroniques en remarquant que le verbe "communiquer" était devenu intransitif, et le résumait par un dessin où l'on voyait un PDG dire en substance à son conseil d'administration : "messieurs : notre produit est défectueux, notre bilan dans le rouge et nos actionnaires furieux, il va falloir communiquer". Le journaleux veut aujourd'hui de "la comm", une parole de dix secondes, stéréotypée, cadrée, prête à être "reportagée" le soir même. Vous vous faites enregistrer dix minutes dans la manif pour argumenter - il en reste quelques secondes xyloglottiques du type "les travailleurs sont dans la rue pour faire reculer le gouvernement et on ira jusqu'au bout". Mais la productivité, l'espérance de vie, le taux de capacité, les reversions, l'échelonnement des pensions, la porportionnalité des décotes, tout ça passe à la trappe !
Les journalistes ne lisent plus les tracts - pas même pour les critiquer, les comparer, noter leurs erreurs, leurs fautes d'orthographe ou leurs contradictions. Il n'y a plus que les RG pour le faire ! Pardon, la DCRI.
Faut-il former les syndicalistes à la "prise de parole médiatique" ? C'est un débat interne aux centrales, assez récurrent : les "contre" disent que c'est participer à la dégradation du débat, se soumettre à la machine ; les "pour" disent qu'il y en a marre d'avoir l'air con devant un micro (c'est un autre aspect : essayez d'avoir l'air intelligent face à une camera !). Pour ma part, je crois surtout que la meilleure pédagogie, c'est justement d'apprendre aux gens à dépasser la "croûte" communicationnelle nécessairement minable ("croûte" que tout un chacun risque un jour de produire soi-même...).
Je ne connais pas la situation de ta collègue, j'ignore à quel syndicat ou quelle cellule syndicale elle pense. Du reste, il y a des délégués syndicaux nuls ou médiocres tout simplement parce que ce sont des êtres humains. Tout comme il y a des tracts ratés, ou des argumentaires inefficaces parce que ce sont des humains qui les ont faits et qu'ils sont faillibles (j'ai une fichue tendance à apprécier plus les collègues des syndicats opposés au mien !

)*. Mais dire que cette question-là précisément n'a pas existé et en accuser tout le syndicalisme et ses leaders (et ne croyez pas que je déborde d'amour et de désir pour MM. Chérèque et Thibaut, hein

), non, non, et non, je le maintiens. Mon tiers de salaire en moins, mes semelles usées, ma collection de tracts décuplée en un mois et mes pulls encigarettés dans les réu' peuvent en témoigner
(Je vote pour la création du syndicat des pulls des militants !)
(* ajout : tout comme il y a des structures syndicales mal faites. Je pense précisément aux IATOSS dans les universités (c'est ton cas non ?), dont on fait un seul collège d'élection dans les différents conseils, donc supposément représentés par les mêmes syndicats ou les mêmes fédés, alors que sous ce sigle unique se rangent aussi bien le femmes de ménages (le mot "femme" a ici son importance !) que des ingénieurs à bac+5, et surtout aussi bien les employés au bas de l'échelle que ceux qui leur donnent des ordres ("tout ce qui n'est pas prof ou étudiant est IATOSS"). Qui ont donc nécessairement des points de vue, des besoins et de revendications différentes. Je me souviens d'un président d'université (qui pourtant pourrait trouver dans l'intérêt dans cette division) qui avait lui-même reconnu le problème... Mais j'avoue que je ne connais le problème que de l'extérieur, je n'ai aucun contact avec les fédés concernées

).
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)