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Quelle est la langue la plus flexible? [néologie/syntaxe]
Posted: 19 Aug 2005 01:28
by J
Jourbon tout le monde
J'aimerais savoir, selon vos connaissances, expériences etc etc, que croyez-vous etre
la langue la plus flexible?
Par exemple, peut-etre que le fait qu'en les langues scandinaves on peut inventer de très longs mots de beaucoup d'autres mots, ça veut dire qu'on peut mieux s'exprimer donné le pouvoir qu'on a avec sa langue?
Ou peut etre que c'est pareil avec l'anglais, avec lequel c'est facile d'inventer de nouveaux mots et meme les conjuguer sans avoir de difficultés de comprehension?
C'est un peu difficile pour moi de poser cette question en français, surtout en ce moment quand je suis vachement fatigué

mais chuis sur que vous me comprenez...
Qu'en pensez-vous?
J'crois pas avoir vu un topic comme ça déjà...

Posted: 19 Aug 2005 02:42
by Sisyphe
Tu veux parler de la capacité néologistique d'une langue ?
C'est évidemment difficile de comparer, en raison du fonctionnement divers des langues. Les langues agglutinantes n'auront aucun mal à se classer en haut du panier (ah ! L'inuit et ses mots de soixante lettres !).
Si on parle de la néologie "en général", l'art de créer non seulement des mots, mais aussi des locutions, enfin bref de nouvelles manières de dire les choses, il est clair par exemple que l'anglais est beaucoup plus souple que le français.
La possibilité théorique de l'espéranto est assez gigantesque, cela étant autant que j'aie pu en juger, la réalité reste inférieure aux possibilités, même si celles-si sont ont largement été utilisée (il y a eu une véritable évolution de l'espéranto, de Zamenhoff à nos jours, entre autres du fait de l'arrivée dans l'espéranto de locuteurs de langues non européennes).
Je classerais l'espéranto "réel" à peu près au niveau de l'allemand. Le grec ancien est à peu près au même niveau. Du moins de vue de la composition (un mot + un mot), il est en-dessous de l'allemand car il colle rarement plus de deux mots. En revanche si on additionne composition + dérivation, c'est assez fou ! C'est très amusant d'ouvrir le Bailly où le Lidell-Scott, et de voir à partir d'un mot présent chez Homère le nombre de mots que les auteurs ont inventés petit à petit.
En revanche le latin est tout à fait en-dessous, à peu près au niveau du français. Il répugne aux mots composés, il ne fait fait des dérivés qu'à regret. Le nombre de mots supplémentaires entre Cicéron et Saint Augustin n'est pas phénoménal. C'est plutôt dans la tournure de ses phrase qu'il évolue.
C'est aussi à sa capacité néologistique qu'on reconnaît un dialecte : le schwyzertütsch, sa prononciation, ses conjugaisons bizarre et sa syntaxe folle sont très vivants, par contre il ne fabrique plus aucun mot : il prend ceux du haut-allemand (à la rigueur parfois ceux du français, c'est son côté créole). Si j'ouvre par exemple l'Assimil de poche à la page "en ville" je trouve :
d Stadt : la ville
s Dorf : le village
s Zentrum / s Zentre : le centre-ville
dr Stadtplaan / d Stadtplään: le plan de ville
dr Reisefüerer : le guide touristique
dr Sproochfüerer : le guide linguistique
s Verkeersbüro : l'office du tourisme
s Reisebüro : l'agence de voyage
Les deux premiers sont anciens (et existent aussi en haut-allemand), tous les autres sont des mots de haut-allemand (alors que s Verkeer n'existe pas en tütsch).
EDIT : par contre, s Zentre n'est pas allemand (on ne dit que das Zentrum), c'est le mot français.
Posted: 19 Aug 2005 04:23
by Toirdhealbhách
Au sujet des néologismes, j'allais écrire quelque chose sur le "néo-breton", mais je vous en fais grâce: j'aurais pas réussi à rester poli jusqu'au bout.

Posted: 19 Aug 2005 09:06
by Maïwenn
Pourle côté flexible d'une langue on peut aussi parler de syntaxe ? En français et en anglais elle est plutôt rigide, on reste généralement dans le schéma sujet+verbe+complément. Par contre certaines langues permettent plus de jeu à ce niveau là, en jouant sur les nuances grâce à la topicalisation.
Par exemple en breton, "je mange une pomme tous les jours" peut se dire
Dibi a ran un aval bemdeiz (forme la plus neutre)
Me a zebr un aval bemdeiz (insistance sur le sujet : moi, je"
Un aval a zebran bemdeiz (insistance sur la pomme)
Bemdeiz e tebran un aval (insistance sur la fréquence).
Posted: 19 Aug 2005 09:47
by svernoux
En russe, comme en breton. L'ordre des mots en russe est quasiment entièrement libre, même si on préfère mettre le sujet pas trop loin du verbe.
En allemand, il y a une certaine latitude pour "topicaliser" comme tu dis, Maï, mais il y a quand même des règles strictes à respecter. Disons que certains éléments doivent obligatoirement être à tel endroit, et après, on peut composer au choix avec les autres.
Posted: 19 Aug 2005 09:49
by Fuokusu
Le japonais est strict quant à l'ordre des mots,aucune liberté possible,il faut respecter à la lettre les règles.
Posted: 19 Aug 2005 11:33
by Sisyphe
@ J : Ne veux-tu pas que j'édite le titre, pour plus de clarter (ou tu peux le faire toi-même d'ailleurs) : il faudrait peut-être mettre entre crochet [néologie/syntaxe] pour plus de clarté.
Et inversement le mot "versatile" est un peu étrange, tu as dû vouloir dire autre chose, parce que versatile, ça se dit d'un homme ou d'une femme (par misogynie, plus souvent d'une femme
) qui change tout le temps de décision, mais pas d'une langue
*
Si l'on parle de syntaxe il est évident que les langues à flexion ont plus de latitude possibles, mais toutes ne sont pas égales entre elles. Le latin, en poésie, peut pousser assez loin les choses. Par exemple, si je prends les vers que j'ai sous les yeux et que je traduits en ce moment (Virgile, Bucolique VI) :
Prima Syracosio dignata est ludere versu
nostra, neque erubuit silvas habitare, Thalia.
"La première, Syracusain, a jugé digne de jouer, avec le vers
notre, et n'a pas rougis les forêts d'habiter, Thalie".
Dans le bon ordre :
Notre Thalie est la première qui a jugé digne de jouer avec le vers syracusain, et elle n'a pas rougi d'habiter les forêts.
En revanche en prose, l'ordre est généralement plus plat : on ne coupe pas les morceaux qui vont ensemble (ici : syracuso versu), le verbe est en principe à la fin, les compléments du nom avant le nom. L'ordre de base reste SOV : Paulus Petrum verberat (Paul bat Pierre), mais toutes les autres combinaisons sont possibles, mais n'insiste pas sur le même mot :
Petrum Paulus verberat : c'est Pierre que Paul bat
verberat Paulus Petrum : oui, Paul
bat Pierre.
verberat Petrum Paulus : Il bat Pierre, Paul
etc.
*
Le grec ancien est aussi flexible que le latin en poésie, mais un peu plus que lui en prose. Son ordre de base est SVO, comme en français. Mais la possibilité de substantiver à peu près n'importe quoi, y compris une proposition entière fait qu'on a parfois des tas de mots "en abyme", sans parler de dizaines de particules "illuocutoires" :
To gar mên ek tois tôn ekei dikazein esti tois peri ta tauta amartêma eis to saphês g' eidenai peri toutois mega ti
Le en effet assurément d'après les des ici juger est pour les à propos de ces chose erreur pour le clairement assurément comprendre au sujet de celles-ci grande quelque chose.
Ce qui se comprend :
En effet, il est clair que le fait de juger d'après les opinions des gens d'ici est, pour ceux qui étudient ces sujet une grande erreur qui <empêche> d'avoir une connaissance claire de ces questions.
Posted: 19 Aug 2005 11:42
by ElieDeLeuze
Japonais : pas d'accord, une fois ton verbe bien calle a la fin, tes completives bien callees devant le nom, tu jongles avec les complements selon ce que tu topicalises. La ligne de serialisation a un sens strict, mais tu mets les elements non-verbaux comme tu veux. Ca peut faire apparaitre des particules NO en plus, mais c'est super-flexible, en fonction du sens. La fabrication de mots composes est un art a part entiere, en japonais...
scandinave : en theorie, on peut faire comme en allemand, faire des mots composes librement. En pratique, seul le danois litteraire explore ces possibilites, la langue courante et toutes les formes de norvegien preferant dire toujours la meme chose avec toujours les memes formules avec toujours les memes structures prepositionnelles. Pas ailleur, la syntaxe scandinave ne laissant la liberte que de topicaliser un seul element en laissant tous les autres dans un ordre strict, le dirait que les langues scandinaves sont les moins flexibles du monde.
Allemand : dans la langue litteraire, on voit de tout. Meme ce qui est faux dans les grammaires de reference. Nitzsche ne s'est jamais gene pour commencer des phrases avec NICHT+V2... pas vraiment orthodoxe, mais c'est Nitzsche. Et y'a bien pire dans le genre. Dans la langue courante, je dirais que la flexibilite allemande est surtout syntaxique (premiere position et ajout d'un element apres le verbe a la fin) et lexicale (mots composes, derivation lexicale). Par contre, les expressions figees restent figees, ont ne change pas de verbe librement, on respecte les formules, contrairement aux Francais qui melangent tout et me font mal aux oreilles.
Neerlandais : la syntaxe neerlandaise normale est tellement compliquee qu'on evite de s'amuser trop avec, histoire de ne pas perdre le fil... la richesse et la flexibilite du vocabulaire est exactement la meme qu'en allemand, mais il me semble que les Neerlandais en profitent un peu moins.... c'est juste une impression.
En guise de conclusion, je dirais que c'est l'allemand qui offre le plus de possibilites de s'amuser avec sa grammaire, aussi bien dans le langage courant que dans la langue litteraire, de facon differente.
Posted: 19 Aug 2005 13:31
by J
[quote="Sisyphe"]@ J : Ne veux-tu pas que j'édite le titre, pour plus de clarter (ou tu peux le faire toi-même d'ailleurs) : il faudrait peut-être mettre entre crochet [néologie/syntaxe] pour plus de clarté.
Et inversement le mot "versatile" est un peu étrange, tu as dû vouloir dire autre chose, parce que versatile, ça se dit d'un homme ou d'une femme (par misogynie, plus souvent d'une femme
) qui change tout le temps de décision, mais pas d'une langue
Merci, j'ai changé le titre... j'avais deviné "versatile" de l'anglais :S
Merci pour toutes vos réponses so far! C'est très intéressant à lire.

Posted: 19 Aug 2005 15:08
by Toirdhealbhách
Par exemple en breton, "je mange une pomme tous les jours" peut se dire
Dibi a ran un aval bemdeiz (forme la plus neutre)
La moins utilisée spontanément également...
Me a zebr un aval bemdeiz (insistance sur le sujet : moi, je"
Ca, c'est ce qu'on t'a appris. En réalité, c'est faux (c'était sans doute vrai au Moyen-Age), car c'est comme ca que les Bretons forment leurs phrases naturellement (sauf contrainte syntaxique): sujet avant le verbe. La syntaxe bretonne a été mal étudiée, enfin elle a été étudiée sérieusement par qq linguistes mais les profs n'en tiennent pas compte alors on continue à enseigner des âneries.
En plus, le breton vannetais ne fonctionne pas comme le breton finistéro-costarmoricain. L'ordre des mots est différent, dans la langue parlée il y a moins de possibilités (ce qui rend les choses plus simples, finalement!)
Un aval a zebran bemdeiz (insistance sur la pomme)
Bemdeiz e tebran un aval (insistance sur la fréquence).
La topicalisation n'est pas une façon d'insister, mais de faire commencer sa phrase par les nouvelles informations (qui ne figuraient pas dans les énoncés précédents).
Pr insister, on dirait pas "me 'meus debet an aval", mais "me 'ni eo 'neus debet an aval". En plus, mettre un mot à la fin de la phrase (en l'accentuant avec la voix) le met aussi en valeur. "Me 'zeb avalou BEMDEZ!"
Y a aussi une autre forme que tu n'as pas pensé à mentionner, c'est la conjugaison auxiliée avec "bea" (j'écris pas "bezañ" car personne le prononce comme ca, sauf certains apprenants):
be' teban avalou bemdez. D'après ce que j'ai entendu dire en breton cornouaillais, cette forme avec "be(z)" au début sert à appuyer une réponse: Zebez ket avalou? - Be' teban avalou bemdez! (=si, au contraire, j'en mange bien, et même tous les jours).
Cette forme en bez' est en fait très spéciale et pas très fréquente, elle est enseignée dans les grammaires modernes sans plus de précisions, sans dire dans quels cas on l'utilise, alors les apprenants l'utilisent à tort et à travers.
En breton, l'ordre des mots est surtout libre dans les propositions principales ou indépendantes, car dès qu'il y a une conjonction au début, ca bloque tout et ca fige l'ordre des mots (conjonction+verbe+sujet+autres éléments).
Dans les principales et les indépendantes, on met en premier les informations nouvelles.
Posted: 19 Aug 2005 15:20
by Toirdhealbhách
Pour répondre à Elie, je crois que l'irlandais est encore moins flexible que les langues scandinaves: on a toujours l'ordre verbe-sujet-compléments.
ólann sé caife, il boit du café (boit il café)
La seule possibilité d'y échapper, c'est de faire passer un élément devant pr le mettre en emphase:
is é a ólann caife, c’est lui qui boit du café (est il qui boit café)
Mais ca n'est pas l'ordre "naturel" et neutre.
Dans les phrases avec le verbe être et un prédicat nominal (ou pronominal), l'ordre des mots est fixe et très compliqué, pas le même selon que le sujet est un nom ou un pronom (et dans ce cas, c'est pas le même selon les pronoms, la 3e personne ne se met pas comme les autres personnes), et selon que le sujet et le prédicat sont définis ou non.
Is fear é = c'est un homme (est homme il)
Is é an fear é = c'est l'homme (est il l'homme il)
Mais: is fear mé = je suis un homme (suis homme je)
is mé an fear = je suis l'homme (suis je l'homme)
J'arrête là car si j'entre dans le vraiment compliqué, ca va vous donner mal au crâne

. Ces ordres de mots s'apprennent au moyen d'exemples, je pense que c'est tellement compliqué qu'on n'y arriverait pas en apprenant des règles de grammaire. Mieux vaut apprendre des exemples et s'en servir comme modèle pr dire des phrase à structure semblable.
Posted: 19 Aug 2005 20:03
by Thissiry
Je ne connais pas beaucoup de langues, mais je dirais que l'anglais est certainement l'une des langues les plus flexibles au niveau néologie, ainsi que l'islandais (en tout cas il n'a pas arrété de faire des néologismes pour éviter les emprunts)
Posted: 20 Aug 2005 01:03
by Dada
En ce qui concerne les neologismes pour eviter les emprunts, le francais de France et assez pauvre, mais nos cousins quebecois eux s'en donnent a coeur joie.
Par exemple au Quebec personne ne dit e-mail mais courriel, spam mais publipostage, chat mais bavardage, faire du shopping mais magaziner, etc...
donc en clair en faisant marcher notre imagination ou peut creer facilement des mots nouveaux, et ce je pense dans toutes las langues. C'est plutot un question de culture, de societe et d'habitude que de reel "potentiel" de la langue.
Posted: 20 Aug 2005 01:28
by J
Une autre chose que je voulais savoir, c'est s'il y a d'autres langues qui peuvent utiliser des mots qui ne sont nécessairement pas corrects ou ont pas de sens dans une phrase, mais sont compris quand meme, ou qui peuvent meme insérer ces mots dans une phrase ou utiliser dans une chanson?.... une exemple de ça en anglais c'est ces deux lignes de paroles dans une chanson (que j'vous ai déjà montrées qqpart d'autre),
I'm a classy honey kissy huggy lovey-dovey ghetto princess
You're an acid junkie college flunky dirty puppy daddy bastard
encore une fois, je suis fatigué alors pardon si vous me comprenez pas, p/e que je devrais faire ces posts plus tot

Posted: 20 Aug 2005 01:55
by Thissiry
hum je me disais aussi que la série d'adjectifs était un peu longue...et sans la traduction à coté, j'aurais pas pu deviner ce que çà voulait dire au juste
