
Je n'ai jamais trouvé de moyen simple pour expliquer, pas même à des étudiants avancés et maîtrisant le vocabulaire linguistique, le fonctionnement des virgules en français. Face à des élèves, c'est encore pire, et je ne connais pas un professeur de lettre qui n'aie pas ce sentiment d'échec face à l'enseignement des "non-règles" de ponctuation.
Dans le fond, la seule règle valable est de considérer que la ponctuation est une marque essentiellement
prosodique en français, pour ne pas dire
musicale.
Points, points-virgules et virgules sont des soupirs, demi-soupirs et quarts de soupir. Points d'exclamation et d'interrogation sont des pizzicati.
Donc, lisons ces phrases, tout haut... Si, si, je veux vous entendre déclamer derrière l'ordinateur.
1) La première transplantation cardiaque en Europe a été effectuée par Claude Cabrol.
"La première transplantation cardiaque en Europe" se lit dans un seul souffle, dans un seul
legato, souligné par le huitième de soupir qui survient presque inévitablement avant le verbe "a été effecuté". Dans la terminologie grammaticale actuellement en cours dans le secondaire (dont à propos de laquelle il y aurait des choses à dire dessus mais c'est un autre problème

) on dira que "en Europe" n'est pas un complément circonstanciel de lieu comme vous l'avez appris, bande de réactionnaires, mais une
extension du nom (au sein du groupe nominal... qui inclut maintenant les relatives,

pauv' gosses).
Donc c'est un ensemble d'idée, un aggrégat, un tout. Ce n'est pas une transplantation cardiaque qui se trouve avoir été par ailleurs faite en Europe, non : son essence, c'est d'être à la fois tout ça, tranplantation et européenne. D'ailleurs, en latin, ce serait presque une faute de mettre "transplantatio in Europa" (le premier mot est du latin de cuisine...), il faudrait mettre "europeana transplantatio".
Lisons maintenant la deuxième proposition :
La première transplantation cardiaque, en Europe, a été effectuée par Claude Cabrol.
quart de soupir avant "en Europe", quart de soupir après. Et sur le "en", comme un "sforzando". Bref, "en Europe" sonne plus, on l'entend, il est en exergue. En jargon linguistique, on dirait que "en Europe" a été "topicalisé" ou "thématisé" : c'est le centre intellectuel dans la phrase (tiens, "ils" n'ont pas encore osé embêter les petits avec les thèmes et les rhèmes, ça viendra).
De ce fait, dans la seconde, on s'attend à ce que le thème du discours global (du "co-texte" comme on dirait à la fac, je ne suis plus à la fac...) soit les lieux, et non les transplantations cardiaque.
Comparez :
La première transplantation cardiaque en Europe a été effectuée par Claude Cabrol. C'était une prouesse technique, car bla bla bla...
La première transplantation cardiaque en Europe a été effectuée par Claude Cabrol. Ce célèbre médecin, en effet, prit ce risque le 12 juin bla bla bla
La première transplantation cardiaque en Europe a été effectuée par Claude Cabrol. Mais la greffe d'un organe externe, comme la main entière, a elle demandé encore trente ans à la recherche française, car bla bal
Alors que :
La première transplantation cardiaque, en Europe, a été effectuée par Claude Cabrol. Mais c'est Christiaan Bernard qui avait ouvert la voie en Afrique du Sud.
La première transplantation cardiaque, en Europe, a été effectuée par Claude Cabrol, alors qu'aux Etats-Unis, un coeur avait été transplanté dès bla bla bla
La première transplantation cardiaque, en Europe, a été effectuée par Claude Cabrol. La recherche médiacale européenne est alors en pointe, bla bla

J'espère que mon explication aura bien compliqué les choses.