
J'avais une super-réponse et une fausse manoeuvre me l'a supprimée !
On recommence.
Non, il n'y a pas de suffixe unifié pour les gentilés, et d'ailleurs, on constate qu'il n'y en a presque jamais dans les langues : en français même, on constate la coexistance de -ien / -ois / -ais - / -ain et de quelques autres plus dialectaux. Je me souviens que le brave patelin de Mondouzil, en Hate-Garonne, était allé jusqu'à organiser un référendum local pour départager les partisans de l'un ou de l'autre (Moudouzilien l'a emporté). Une autre anecdote : même en espéranto, langue construite ex nihilo (ou presque) et sur la base d'une régularité morphologique totale, le bordel s'est introduit. Zamenhoff, son inventeur, avait construit une règle précise, que l'usage n'a pas suivi. C'est un des rares domaines de cette langue où des irrégularités se sont introduites.
D'une façon générale, il s'y mêle des dizaines de considérations :
- La phonétique. Oui, autant que je puisse en juger, -itês n'est qu'une variante (dans le jargon, on dit "un allomorphe") de -tês quand on a besoin d'une voyelle. Ce qui ne signifie pas pour autant que la forme du gentilé soit prévisible à partir du nom de base.
- Le sens historique de la dérivation. Parfois c'est le pays qui donne son nom aux habitants (France -> français) et parfois l'inverse (Belges -> Belgiques).
- Les substrats et les dialectes. Un suffixe comme -iote (chypriote, stambouliote, qatariote, mais on dit de plus en plus qatari) est grec en français, il n'est pas vraiment productif. De même la répartitions entre -ois et -ais en français est partiellement dialectale (mais c'était déjà le bazar en latin, entre -anus et -ensis). Il me semble ainsi qu'en grec, -itês est un suffixe plutôt dorien : Spartiatês, Krotoniatês, Sybaritês, ou macédonien : Abderitês (habitants de Sparte, Crotone, Sybaris, Abdère), mais pas ionien-attique. Or, la koiné grecque du nouveau testament (puisque je présume que vous êtes toujours là-dedans) se fonde plutôt sur l'usage attique. Mais ces gentilés-là étaient déjà entrés dans l'usage.
- La grammaire. Certaines langues, comme le français, ne distinguent presque jamais l'adjectif du nom (sinon pour la majuscule : français / un Français) ; d'autres le font systématiquement, et je me prends toujours les pieds en allemand entre deutsch et Deutscher, Englisch et Engländer, französich et Franzose (et pourtant je connais la règle). Sur ce point,
le grec est entre les deux ! On distingue ainsi normalement Dorieus (le Dorien, nom) et dorikos (dorien, adjectif), mais ce n'est pas le cas pour Athênaios (athénien / un Athénien) !
S'agissant du grec, il faut prendre en compte encore deux variables :
- L'époque. Platon dit "dorikos", mais cinquante ans plus tard, Aristote dit "dorios". A date classique, et les inscriptions le prouvent, les habitants du Pirée se décrivent comme "Peiraeis", mais les auteurs du quatrième siècle disent "Peiraieis" avec un i, et Plutarque, cinq siècle après, utilise l'adjectif "Peiraïkos".
- La dimension politique. Ainsi, on ne dit que rarement "athênaia" pour une athénienne : on dira "attikê", une femme de l'Attique (sauf vraiment pour insister : une femme d'Athènes par oppositione à une habitante du Pirée). Peut-être parce qu'elle n'est pas citoyenne, et que "Athênai" est d'abord un fait politique. De même que les Anciens parlent très rarement des "Spartiates", mais toujours des "Lacédémoniens" (le corps politique, ce sont les Lacédémoniens, s'ils font une guerre, c'est en tant que Lacédémoniens. Les Spartiates ne sont que les résidants de Sparte). Tous ceux qui ont fait du thème grec savent que "l'assemblée d'Athènes" ou "l'armée d'Athènes" ou "Athènes a déclaré la guerre à Sparte" doit
toujours se traduire par "Athéniens".
Bref : c'est un beau bazar. Si vous avez une question plus précise, vous pouvez toujours essayer de la soumettre ici.