
Je n'ai pas les capacités intellectuelles

et et une culture en sciences cognitives suffisantes pour décider de la valeur scientifique de la mesure du QI. De fait, elle est sûrement une mesure scientifiquement valabe sous un certain point de vue (on ne peut pas nier qu'il existe des enfants surdoués), mais elle est loin de mesurer l'intégralité de ce qu'on nomme "intelligence".
Que Mozart fût un surdoué, personne n'en doute : les trente-six mille anecdotes sur son enfance (la symphonie qu'il a réécrite entièrement après l'avoir écouté une seule fois, et d'une oreille distraite..) le prouvent. Mais qu'eût été Mozart s'il avait été fils de meuniers ? Il me semble qu'en l'occurence, on ne peut pas parler d'apprentissage des langues sans parler de niveau socio-culturel, d'environnement immédiat, et d'usage de ces langues.
En fait, ce qui m'étonne surtout chaque fois que la question du bi- ou du multlilinguisme arrive sur le tapis, c'est qu'on oublie qu'une grande partie de la planète est au moins bilingue, et même plus. Il est courant et normal en Inde ou en Afrique de parler deux, trois voire quatre langues suivant qu'on est au bureau, dans la rue ou avec telle ou telle partie de sa famille. Si un cadre indien parle anglais, hindi et pendjabi tout aussi bien ce n'est pas forcément parce qu'il est plus intelligent que la moyenne, c'est parce qu'il en a besoin et qu'il a eu l'occasion d'apprendre ces langues et de s'en servir.
Ce genre de question est sans fin, parce qu'il faudrait définir tous les concepts : Beelemache parle de "mémoire", par exemple. Certes, pour apprendre ses verbes irréguliers grecs ou anglais, il faut une bonne mémoire. Mais je n'ai besoin d'aucune mémoire pour conjuguer "faire" en français, ni même "ich war" en allemand ou "I was" en anglais sans avoir une seule seconde la tentation de dire "Ich binte" ou "I amed", alors que je ne suis guère germanophone et pas du tout anglophone, c'est aujourd'hui ancré dans une autre partie de mon intelligence. Quand on commence à attendre un haut niveau dans une langue, comme moi en latin (que je ne "parle" pourtant "qu'à l'écrit"), on se rend compte qu'il y a une certaine partie de la grammaire qui ne ressortit plus du tout de la mémoire, mais de l'automatisme.
Méfions-nous de l'intelligence. C'est un concept dangereux.
Lorsqu'on s'intéresse aux questions d'éducation (et c'est mon cas), une question revient souvent : est-ce que tous les élève sont aussi intelligents ? Répondre "oui" est naïf, répondre "non" est dangereux. Dans ce cas, j'aime à prendre une comparaison. Il est probable que M. Dupont, prof de sport, soit meilleur sportif que M. Martin, prof de latin. Il est même probable qu'il soit objectivement plus musclé, plus fort que M. Martin, mais pourquoi ?
M. Dupont a fait du sport dès sa jeunesse, son père aimait le foot et l'a initié. M. Martin n'a pas eu de père et personne ne l'a "initié" au sport. M. Dupont se sentait bien durant les cours d'EPS. M. Dupont a fait partie d'un club municipal dès ses dix ans. M. Dupont a peut-être fait de la compétition amateur. Enfin M. Dupont a fait STAPS (fac de sport), il a passé un concours, et maintenant il enseigne l'EPS. Bref, M. Dupont a 25 ans de passé sportif que M. Martin n'a pas. Pourtant MM. Dupont et Martin avaient la même taille, la même corpulence, et on été aussi bien nourri l'un que l'autre. Ce n'est pas la nature qui a rendu M. Dupont plus fort que M. Martin, c'est la culture.
Alors peut-être qu'en grattant bien, en ôtant tout, absolument tout ce qui peut différencier socialement et culturellement les êtres, on découvrirait qu'il y en a des qui sont biologiquement mieux programmés pour apprendre les langues (ou développer ses muscles) que d'autres, mais pour gratter intégralement cette première couche, vous aurez déjà du mal.
Sisyphe