Salut!
Voici tout le processus qui amène un Québécois à décider quelle réponse il va donner à la question « D'où viens-tu » (plutôt : « Qu'es-tu », mais ça se dit mal).
Dès qu'on demande à un Québécois d'où il vient, celui-ci peut donner les trois réponses suivantes :
1. Canadien
2. Canadien-Français
3. Québécois
C'est malheureux, mais c'est comme ça.
Comme il y a trois réponses possibles, il faut réfléchir, et cette réponse varie en fonction de nombreux facteurs intérieurs et extérieurs à la personne, ainsi que du moment où la question est posée.
C'est surtout complexe parce qu'il faut avant tout connaître son propre sentiment d'identité, d'appartenance, qui n'est pas clair pour chacun d'entre nous.
Au Québec, le sentiment d'identité est presque automatiquement associé à des convictions politiques, et cette association va jouer un rôle dans la réponse à la question « D'où viens-tu ». Voici les combinaisons possibles, toujours selon mes observations personnelles :
a. Se sentir Québécois et souhaiter la souveraineté du Québec - environ 50% de la population (référendum de 1995)
b. Se sentir Québécois et souhaiter l'unité canadienne - environ 30% de la population
c. Se sentir Canadien et souhaiter l'unité canadienne - environ 20% de la population
Là, j'ai omis de compter les personnes qui n'ont pas d'intérêt à aller voter ou qui hésitent (pour simplifier)! Alors, disons que mon calcul est fait « après répartition des indécis », tous placés dans les catégories
b et
c!
Remarque importante : mes observations concernent l'époque présente uniquement. Ainsi, bien que ce que j'affirme pourrait être approuvé par d'autres, il faut savoir que c'était différent il y a peut-être cinquante ans. Par exemple, à une époque, le mot Québécois n'était pas encore courant parce que les Canadiens, c'était les francophones - les anglophones s'appelaient « Anglais ».
Donc, prenons un Québécois de catégorie
a ou
b qui connait son sentiment d'identité. Une fois qu'on a découvert si on se sent plutôt Québécois ou Canadien, on sait déjà un peu mieux ce qu'on a envie de répondre à la question « D'où viens-tu ».
Mais à présent, il faut décider si on va répondre en fonction de son sentiment ou si la situation ne le permet pas vraiment.
Ce qui vaut pour les gens de la catégorie
c (20%) : Les gens de la catégorie c se disent le plus souvent Canadiens, même lorsqu'ils sont avec des Québécois (Canadiens!). À la question « D'où viens-tu », on répond donc « Je suis Canadien ».
Ce qui vaut pour les gens des catégories
a et
b (80%) : Les gens des catégories a et b (80%) se disent Québécois quand ils sont avec des Québécois, surtout que c'est le nom accepté généralement ici pour désigner les personnes habitant le Québec. Ils se disent aussi Québécois quand ils sont avec des Français et des Belges. Avec des Suisses francophones probablement aussi, mais on en voit moins!

Avec des Canadiens(-Anglais) aussi, vu que c'est normal de s'identifier selon sa province d'origine.
Cependant, si un Québécois des catégories
a et
b se trouve en présence d'étrangers qui ne sont pas francophones, ça se complique. Est-ce que ces gens savent que le Québec existe, où ça se trouve, la langue qu'on y parle, etc.?
A. Si on suppose que oui, alors on pourrait tout de suite répondre « Québécois », mais il reste encore deux obstacles dans la conscience :
i) On sait qu'on risque de soulever une nouvelle question à laquelle il est difficile de répondre (« Tiens, pourquoi dis-tu que tu es Québécois, alors que le Québec fait partie du Canada? »). Si on assume ce risque (de nature différente selon la catégorie), là, oui, on va répondre « Québécois ».
ii) Si on n'assume pas ce risque (parfois, c'est juste qu'on doit faire vite), ce n'est pas gagné parce qu'on sait aussi qu'en répondant seulement « Canadien », on aura comme un pincement (plus ou moins fort, selon l'émotivité et le moment), à cause du sentiment d'identité. On peut alors avoir plein de pensées. On peut imaginer que les autres vont croire qu'on est anglophone, et cette différence entre anglophones et francophones reste importante pour l'identité de chacun, toutes catégories confondues. Alors, on fait un compromis : « Canadien-Français ».
B. Si on suppose que non, alors ça ne donne rien de mélanger les gens avec un nom qu'ils ne comprendront pas - on penserait donc répondre « Canadien ». Mais voici deux autres obstacles :
i) On sait qu'on risque de soulever une nouvelle question à laquelle il est difficile de répondre (« Great! Can you help me with my english? » Ou autre chose du genre). Si on assume ce risque, là, oui, on va répondre « Canadien ».
ii) Si on n'assume pas ce risque, encore une fois, on aura comme un pincement. Alors, pour les raisons données plus haut, on fait un compromis : « Canadien-Français ».
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Ouf! J'espère que ma réflexion n'était pas trop labyrinthique.
À vous de faire vos commentaires et/ou de répondre comment vous faites pour répondre à la question « D'où viens-tu ».