Comme l’exige la coutume, le plus âgé de mes oncles se leva. Il répondait au délicieux prénom de C. C’était un homme râblé, à l’âge indéfinissable. Son costume noir était tellement élimé qu’il en était devenu transparent. Son allure générale trahissait une si grande pauvreté qu’il était une véritable incongruité dans le décor somptueux qui nous entourait. Il avait pourtant été l’un des plus grands propriétaires terriens de la capitale. Incorrigible flambeur, certains pensaient que cela provenait d’une irréversible malédiction, il avait vendu toutes ses terres et avait dilapidé son argent. De sa fortune envolée, il ne lui restait que des vestiges tels qu’une lèvre inférieure rougie par une consommation abusive de cognac et une vieille Cadillac achetée à L.V. qui finissait de pourrir dans un coin de sa maison aux murs profondément lézardés.
[…]
L’oncle C. qui était chargé de mener les négociations et par qui il fallait obligatoirement passer pour intervenir dans les débats dit :
– Nous allons attendre sagement ici. Ils finiront bien par se manifester. Et je vous rappelle que c’est moi qui parle. Je ne tolérerai « ni zizanie ni cacophonie ! »
Les enfants du convoi pouffèrent de rire. Ils adoraient ce « ni zizanie ni cacophonie » qui parachevait tous les verdicts et les diktats de l’oncle C. Pour cela, ils l’avaient surnommé l’oncle Nini.
Quelques minutes plus tard, un homme d’une quarantaine d’années sortit de la forêt. Une machette négligemment posée sur l’épaule, il avançait en sifflotant, avec un air innocent qui ne trompa personne. Arrivé à notre niveau, il lança à la cantonade un salut joyeux avant de s’étonner :
– On dirait, mes chers, que vous connaissez là de bien sacrés déboires…
[…]
La contre-attaque fut rude pour l’oncle C., car il se sentit personnellement visé. Il resta un moment sonné au milieu de la cour, puis revint vers nous d’un pas alerte.
–Ce sont des enfants. Ils ne savent pas arrêter la pluie et cachent cette réalité derrière l’injure. Je vais leur montrer ce que peut faire un E. Viens, M.
Il prit la main de sa fillette de trois ans et se dirigea vers des bâtiments qu’il supposa être des cuisines, car d’épaisses colonnes de fumée sortaient de leur toiture et montaient au ciel comme pour défier les nuées.
De retour des cuisines, l’oncle C. s’était à peine assis que de grosses gouttes de pluie se mirent à tomber. La pincée de sel qu’il avait fait jeter au feu par la dernière-née de ses enfants n’avait pas eu l’effet escompté. D’un bond, il se remit sur ses courtes jambes musclées et fonça de nouveau vers les cuisines. Il revint quelques minutes plus tard avec une hache et se planta au milieu de la cour. Tous les regards se tournèrent vers lui. Lentement il leva la hache au-dessus de sa tête, et, au mouvement de ses lèvres on voyait bien qu’il faisait une incantation. Avec un « han ! » de bûcheron, il planta la lame épaisse dans le sol et revint vers nous en se frottant les mains.
Trente minutes plus tard, il n’y avait plus un seul nuage ad-dessus du village.
Qui a écrit ce texte ? [jeu]
Voici trois extraits tirés du même chapitre du roman que j'ai choisi. Il y est question d'un personnage du livre que j'ai beaucoup aimé. En tout ça fait à peu près les 500 mots demandés par Sisyphe:
Wir brauchen keinen Appetit, wir haben den Hunger. (Bertolt Brecht)
Ce n'est pas Senghor, même si l'auteur en question l'aime beaucoup.
Il vient du Cameroun, il écrit en français et a également publié des articles en anglais. Le roman ne se déroule toutefois au Cameroun, mais dans un autre pays d'Afrique occidentale.
Il vient du Cameroun, il écrit en français et a également publié des articles en anglais. Le roman ne se déroule toutefois au Cameroun, mais dans un autre pays d'Afrique occidentale.
Wir brauchen keinen Appetit, wir haben den Hunger. (Bertolt Brecht)
Ç'aurait pu être, d'autant plus que le dernier titre de Beti est paru il y a moins de 10 ans et que le roman en question est un titre récent.
Je vais ajouter un indice : l'auteur a obtenu, pour un autre roman, le prix Nyonda décerné par les lycéens gabonais au meilleur roman africain francophone de l'année.

Je vais ajouter un indice : l'auteur a obtenu, pour un autre roman, le prix Nyonda décerné par les lycéens gabonais au meilleur roman africain francophone de l'année.

Wir brauchen keinen Appetit, wir haben den Hunger. (Bertolt Brecht)