Un cas particulier de l'emploi du subjonctif imparfait.

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Xavier[vp]
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Un cas particulier de l'emploi du subjonctif imparfait.

Post by Xavier[vp] »

Salut tout le monde. :)
Une petite question de français... de français littéraire. :D

Je cherche à comprendre l'utilisation du subjonctif imparfait seul (c'est-à-dire sans conjonction) avec inversion du verbe et du sujet. Exemples :

J'y irai, dussé-je faire le tour du monde.
= J'y irai, même si je devais faire le tour du monde.
Ils périrent tous, fussent-ils amis ou ennemis.
= Ils périrent tous, qu'ils fussent amis ou ennemis.

Ce sont des exemples qui me viennent à l'esprit comme ça, mais je me demandais différentes choses :
De telles constructions portent-elles un nom bien précis ?
Ont-elles une origine connue ?
Quelles nuances de sens expriment-elles ? J'avais pensé à une "condition qui-ne-doit-pas-forcément-être-remplie", mais il doit y avoir un autre nom. :D
Et aussi, et surtout, s'il est possible de les utiliser avec d'autres verbes que des verbes "bateaux" comme être, avoir, devoir, pouvoir, ... Je cherchais des exemples mais je n'en vois aucun.
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kokoyaya
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Post by kokoyaya »

Peut-être un début de piste : le subjonctif imparfait et le conditionnel passé deuxième forme sont identiques.
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

1. En ancien français, et jusqu'au moyen français plus ou moins inclus, l'imparfait du subjonctif est le temps normal pour exprimer l'iréel.

ex. "se je fusse haitiez [cf. all. heil], je l'alaisse volentiers veoir"
= si j'étais en bonne santé, j'irais volontiers le voir.

Notre actuel "conditionnel" étant uniquement alors un futur dans la passé.

:D Un latiniste tel que toi sait très bien qu'en latin on aurait dit tout pareilleument :

"si sanus essem, eum ventum irem" (subjonctif imparfait, iréel du présent)

2. Il n'en reste aujourd'hui que :

a. La formule que tu cites : pussè-je, dussè-je, etc.

b. ce que Kokoyaya appelle le "conditionnel passé deuxième forme" (et il a bien raison, c'est plus pratique) mais qui n'est formellement rien d'autre que le plus que parfait du subjonctif marquant l'iréel. La preuve :

- On peut l'utiliser dans les deux membres (la "protase" et "l'apodose") d'un système conditionnel : "le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, la face du monde en eût été changée" (Pascal), alors qu'on ne peut pas mettre le vrai conditionnel dans les deux (*s'il aurait été plus court...)

- Il ne remplace pas toutes les formes du conditionnel : on ne peut pas transformer "on affirme que les ravisseurs auraient passé la frontière" en "*on affirme que les ravisseurs eussent passé la frontière".

3. J'ai déjà vu cet emploi avec d'autre verbe que pouvoir, avoir, devoir, mais c'est généralement chez des gens un peu pédants dans mon genre :) . J'aime à le faire, mais ce n'est pas courant. Il faudrait voir combien Grevisse en donne d'exemples.

4. :roll: J'ai déjà vu des "*dusse-t-il" au singulier, :evil: et même une fois dans Télérama ! C'est te dire si la formule devient de plus en plus précieuse.
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kokoyaya
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Post by kokoyaya »

Sisyphe wrote:ce que Kokoyaya appelle le "conditionnel passé deuxième forme" (et il a bien raison, c'est plus pratique) mais qui n'est formellement rien d'autre que le plus que parfait du subjonctif marquant l'iréel.
C'est surtout que c'est ce qui est écrit dans le Bescherelle. Maintenant que je le sais, je vais pouvoir l'appeler autrement :)
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

kokoyaya wrote:
Sisyphe wrote:ce que Kokoyaya appelle le "conditionnel passé deuxième forme" (et il a bien raison, c'est plus pratique) mais qui n'est formellement rien d'autre que le plus que parfait du subjonctif marquant l'iréel.
C'est surtout que c'est ce qui est écrit dans le Bescherelle. Maintenant que je le sais, je vais pouvoir l'appeler autrement :)

:-o Non, non, non ! Ne l'appelle pas autrement ! "conditionnel passé deuxième forme" c'est :

a. pratique
b. utilisé par tout le monde
c. à deux exceptions près, juste.

DONC c'est une bonne appellation.

Pas de pinaillerie de linguistes mal placées ! :evil: Déjà qu'on a traumatisé une génération de parents en inventant le déterminant (alors qu'article était aussi simple)...

:evil: Quand je pense que des crétins veulent faire du conditionnel un temps alors que c'est beaucoup plus simple (et conservateur, donc bien, dans le cas présent) d'en faire un mode ! Et c'est dans la terminologie grammaticale officielle hélas :c-com-ca:.

:) Mais j'ai vérifié, "conditionnel passé deuxième forme" ("deuxième forme" n'y est pas mais se devine d'après le tableau) est bien dans la TGO (p.26 ;) ), donc tu peux et tu dois continuer de l'utiliser, tu seras même dans ton bon droit vis-à-vis de ton futur employeur ;)

*

:P Jusqu'en terminale, la terminologie, c'est fait pour se comprendre. Après, c'est fait pour obtenir des financements de thèse :roll: .
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Xavier[vp]
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Post by Xavier[vp] »

Excellente ton explication, Sisyphe ! :)
Ca explique, par exemple, pourquoi on peut dire sans la moindre différence de sens "ne fût-ce" et ne "ne serait-ce".
Je n'y avais plus pensé aussi depuis, mais ça m'était justement venu à l'esprit en lisant la phrase de Pascal pour mon cours de français : je ne comprenais pas ce que venait faire un "conditionnel" dans une condition. :D
Reste à essayer de mettre ça dans une rédaction et voir si mon prof est fin linguiste ou, au contraire, s'imaginera que j'emploie le calque de l'expression fautive d'un conditionnel passé. :D
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Post by Sisyphe »

Xavier[vp] wrote:Excellente ton explication, Sisyphe ! :)
Ca explique, par exemple, pourquoi on peut dire sans la moindre différence de sens "ne fût-ce" et ne "ne serait-ce".
Je n'y avais plus pensé aussi depuis, mais ça m'était justement venu à l'esprit en lisant la phrase de Pascal pour mon cours de français : je ne comprenais pas ce que venait faire un "conditionnel" dans une condition. :D
Reste à essayer de mettre ça dans une rédaction et voir si mon prof est fin linguiste ou, au contraire, s'imaginera que j'emploie le calque de l'expression fautive d'un conditionnel passé. :D
:) Je me souviens d'une prof d'histoire qui m'avait censuré un imparfait du subjonctif en quatrième ! Alors que - je le maintiens - il était parfaitement correct ! :evil: (et même obligatoire puisqu'il y avait un imparfait dans la principale !). Mais bon, les profs d'histoire...

Mais si c'est un professeur de français digne de ce titre :jap:, normalement, il sera charmé.
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Re: Un cas particulier de l'emploi du subjonctif imparfait.

Post by ElieDeLeuze »

Xavier[vp] wrote:J'y irai, dussé-je faire le tour du monde.
= J'y irai, même si je devais faire le tour du monde.
Pour le subjonctif imparfait, Sysiphe a été impérial.
Juste une remarque sur le J'y irai. Ce n'est pas une très bonne idée de faire un hyatus pareil (y et i- côte à côte, on ne les distinguent pas vraiment l'un de l'autre quand on parle). Il est donc courant d'omettre le "y" dans ce cas là.

J'irai = j'irai là-bas.
J'y serai = je serai là-bas.

Mais bon, personnellement, je ne suis pas pour la peine de mort pour ceux qui maintiennent le "y" dans tous les cas.
Xavier[vp]
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Post by Xavier[vp] »

Yep, j'ai pas mal hésité sur ce hiatus. :D Faudrait rajouter un son entre les deux... Mais on peut pas. :( :D
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Sisyphe
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Post by Sisyphe »

Je m'y rendrai ?

J'irai là-bas ?

Tiens j'en profite pour rappeler que l'hiatus ne fait pas hiatus ! C'est l'Académie qui le dit, c'est ridicule même si c'est logique à condition d'être agrégé de grammaire option A et docteur en linguistique médiévale, en tout cas c'est la loi : l'hiatus, les hiatus [lézjatys], un hiatus [oe~njatys], etc.

:roll: Ayant fait un mémoire rien que sur la phonétique des voyelles, je me suis tapé :gniii: contre les murs un an durant avec ça, donc pas de raison que je sois le seul à en baver.
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ElieDeLeuze
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Post by ElieDeLeuze »

Oui, je m'y rendrai ou tout simplement j'irai (sans complément du lieu pou ce dernier pour cause de carrambolage vocalique).



ps. Pour hyatus, ce sera un h aspiré chez Elie. Que l'académie me fasse un procès si ça lui chante. Cette question est cependant assez célèbre chez les profs de français, alors j'indique les recommandations de l'académie à mes élèves même si je ne respecte pas celle-ci en particulier.
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tom
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Post by tom »

Sisyphe wrote: :) Je me souviens d'une prof d'histoire qui m'avait censuré un imparfait du subjonctif en quatrième ! Alors que - je le maintiens - il était parfaitement correct ! :evil: (et même obligatoire puisqu'il y avait un imparfait dans la principale !). Mais bon, les profs d'histoire...
attaque perfide et déplacée, à la limite du hors-sujet : je propose 6/20.



Tom, prof d'histoire vexé . ;)
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