prstprsi wrote:Pour l'orthographe, y'a une quand même un effort de fait au cours du 18ème (un peu avant au 17ème aussi) pour tout ce qui est des lettres étymologiques à n'en plus finir et des fausses graphies savantes (on en traîne encore quelques unes d'ailleurs

)
Si les imprimeurs-boulets avaient été un peu plus convaincant au 16ème, notre orthographe aurait peut-être dérivée vers quelque chose comme de l'espagnol ou de l'italien (sans autant de voyelles palatales-d'avant-antérieures quand même)...
C'aurait peut-être été reculer pour mieux sauter : la prononciation du 16e est encore très loin de la nôtre. Il faut reconnaître que le français est rétif à toute graphie phonétique, car il a des règles particulières qui sont difficiles à rendre en phonétiques :
- Des phénomène de samdhi : les liaisons et les e caducs.
- Un nombre incroyable d'homophones. Aucune autre langue ne pourrait survivre avec eau, haut, au, aux, aulx, ô / sot, saut, sceau, seau / bas(se), bas, bat, bât / faut, faux (pas vrai), faux (pour couper) / et, est, aie, aies, ait, haie, hais, hait, ais.

Nous sommes une langue qui s'est constituée par l'écrit et non par l'oral. C'est le destin des nations littéraires, ou plus exactement de celles qui ont fait de la littérature une question d'Etat.
A mon avis, la plus grande occasion ratée, ça surtout été à la Révolution. Pendant quelques années on aurait vraiment pu
tout/ faire. On a fait bien des choses (comme tu dis, l'élimination des consonnes parasites, le passage oi -> ai, la régularisation des pluriels : gouvernements et non plus gouvernemens), mais on n'est pas allé jusqu'au bout.
Question: comment peux-tu aimer la lexico ???

Personnellement la phonétique historique est le seul petit coin qui m'amuse dans l'AF... Le reste...
Parce que d'une part j'ai l'esprit de dictionnaire, et qu'à mon avis c'est la seule partie utile de l'Ancien Français pour de futurs profs de lettres (

n'importe quel prof enseignant n'importe quelle matière au collège voire au lycée te dira que la plus énorme difficulté des élèves, c'est la pauvreté de leur vocabulaire - et je peux en témoigner. Le français écrit est devenu une langue étrangère, et pas seulement dans nos ZEP).
D'autre part parce que c'est une science assez bien constituée et sans querelles de clochers.

Les phonéticiens me tapent sur le système avec leurs dates vachement précises mais qui sont jamais celles du voisin.
Note bien qu'en linguistique latine, j'adore la phonétique et je suis bien le seul. Mais c'est différent.
Pour les analogies, je ne trouve pas ça si logique que ça... Pour la morphologie nominale encore ça me va, parce que ça explique bien les déclinaisons bancales... Mais en morpho verbale, un verbe est toujours refait sur un autre qui est refait sur lui-même qui sera refait au XIV sur un verbe malgache...
L'analogie est le processus le plus naturel aux langues. Il suffit d'écouter les enfants parler : ils aiment -> ils aimaient donc ils sont -> ils "sontaient" !, je prends, rends, vends -> prendre, rendre, vendre, donc je tiens, je viens -> tiendre et viendre. "faut le tiendre !" disait toujours mon petit voisin.
La surabondance analogique de l'AF vis-à-vis du système verbal prouve en fait la faiblesse structurelle de son système. Plus que tout autre, le système verbal a besoin de cohérence, puisque c'est le système le plus dérivant. Dans l'idéal, je dois pouvoir posséder une forme "aimer" et pouvoir en dériver toutes les autres, soit presque une centaine.
Or la ruine du latin a brouillé cette cohérence.
Si les passés simples en -i l'avaient emporté comme ils ont failli le faire au 16e siècle ("je tranchis" chez Rabelais), je suis convaincu que ce temps aurait survécu.
*
Au fait, j'ai oublié de préciser que Queffelec évoque également pour "je doing" l'analogie du joli verbe "semondre", que nous avons eu tort de perdre (prévenir, avertir, menacer, cf. un coup de semonce) "nos semonons = nous donons -> je semoing = je doing).
Je dois aussi préciser qu'il a existé concurremment deux autres subjonctifs pour donner :
- je doinse, tu doinses, il doins(e)t : sur je doins (mais avec cette difficulté qu'entre s et t un e disparaît presque naturellement)
- je donge, tu donges, il donge, dialectal, formé sur un étymon refait *doneam, doneat, doneas

Avec un tel bazar, avoue que c'est quand même un miracle que donner soit régulier en français moderne. A quoi on a échappé !
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes (Montaigne, II.12)